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10/03/2016 | FRANCE | N°15NC00689

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 10 mars 2016, 15NC00689


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 24 novembre 2014 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 1403387 et 1403388 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2015 et les pièces produite

s le 4 février 2016 M. et Mme A...représentés par la SELARL Guitton et B...et Blandin demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 24 novembre 2014 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 1403387 et 1403388 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2015 et les pièces produites le 4 février 2016 M. et Mme A...représentés par la SELARL Guitton et B...et Blandin demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1403387 et 1403388 du 24 mars 2015 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux contestés, principalement les refus de titre de séjour et à défaut les obligations de quitter le territoire français et décisions fixant le pays de destination ;

3°) en cas d'annulation des obligations de quitter le territoire français d'enjoindre à l'administration de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer leur situation dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de leur accorder l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me B...d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

- les décisions sont entachées d'incompétence faute de décision spéciale de délégation de signature ;

- la motivation du refus de titre de séjour sur l'atteinte à leur vie familiale est stéréotypée ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a estimé à tort qu'ils ne se prévalaient pas de motifs humanitaires exceptionnels alors que l'inverse est démontré ;

- il méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention des droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été spécifiquement motivée en droit et en fait comme l'exige l'article 12 de la directive 2008/115/CE ;

- en ce qui concerne le délai de départ volontaire, le tribunal aurait dû tenir compte du recours actuellement pendant devant la Cour nationale du droit d'asile ;

- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est entachée de défaut de motivation, d'erreur de fait et d'erreur de droit ;

- elle n'a pas été précédée de la possibilité pour les requérants de formuler d'observations sur l'unité de leur vie familiale ;

- leur vie est en danger en cas de retour en Tunisie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 février 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré présentée par la SELARL Guitton et B...Blandin pour M. et Mme A...a été enregistrée le 7 mars 2016.

Considérant ce qui suit :

Sur la compétence de l'auteur de l'acte :

1. Par arrêté du 20 août 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 23 août 2013, le préfet de Meurthe-et-Moselle a délégué sa signature à M. Raffy, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous les actes relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette délégation concernait donc bien les décisions contestées, même si elle ne les désigne pas expressément. Ainsi, le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués, signés par M. Raffy, seraient entaché du vice d'incompétence, doit être écarté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. M. et Mme A...soulèvent dans leur requête des moyens respectivement tirés de ce que le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé, méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces moyens, qui ne sont pas assortis de précisions nouvelles, ont été, à bon droit, écartés par le tribunal administratif dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ces points.

3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

4. Les décisions contestées énoncent que les intéressés n'ont pas fait mention de motifs humanitaires, que M. A...se prévaut d'une promesse d'embauche d'une entreprise qui n'existe pas et que les requérants ne remplissent pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En se bornant à faire valoir que le préfet "s'est cru à tort lié dans le cadre de l'examen" de leur situation, les requérants ne démontrent nullement l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels susceptibles de fonder la délivrance d'un titre, qui ne ressortent pas des considérations dont ils font état par ailleurs et des éléments joints au dossier. Ainsi, le préfet a pu sans erreur manifeste d'appréciation, estimer que leur situation de ne justifiait pas une admission exceptionnelle au séjour.

5. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

6. Il ressort des pièces du dossier que les jumeaux de M. et MmeA..., nés sur le territoire national après l'entrée de leurs parents en France, pourront repartir en Tunisie avec eux deux. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention des droits de l'enfant ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. M. et Mme A...soulèvent dans leur requête le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été spécifiquement motivée en fait comme en droit en se référant à l'article 12 de la directive 2008/115/CE. Ce moyen, qui n'est pas assorti de précisions nouvelles, a été à bon droit écarté par le tribunal administratif dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ces points.

Sur le délai de départ volontaire :

8. Si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

9. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

10. Lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui vise à ce qu'il soit autorisé à se maintenir en France et ne puisse donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, ne peut ignorer qu'en cas de refus il sera susceptible de faire l'objet d'une telle décision dans un délai déterminé. Il est donc en mesure de présenter à l'administration, durant toute la procédure d'instruction de sa demande, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, compte tenu des circonstances de fait et de droit propres au cas d'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

11. Il résulte des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'en dehors de l'hypothèse d'absence de délai de départ volontaire prévue au II de l'article ou de rejet d'une demande expresse d'un délai supérieur à trente jours, la décision fixant le délai de départ volontaire n'a pas le caractère d'une décision devant être motivée au sens de la loi du 11 juillet 1979. Ainsi, lorsqu'elle accorde le délai de trente jours prévu par l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008, l'autorité administrative n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a pas fait valoir de circonstances particulières propres à justifier que ce délai soit prolongé. En conséquence, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions contestées ne peut être accueilli.

12. Si M. et Mme A...soutiennent que le préfet a commis des erreurs de fait dans l'appréciation de leur situation, ils se bornent à cette affirmation sans apporter de précisions. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce moyen soit fondé.

13. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet se soit cru lié par le délai de trente jours en le regardant comme le délai maximum devant être laissé pour un départ volontaire et qu'il n'aurait pas examiné, au vu des pièces dont il disposait, la possibilité de prolonger le délai de départ volontaire octroyé à M. et MmeA..., avant de le fixer à trente jours et qu'il aurait à tort lié sa compétence. Le préfet a, en effet, mentionné qu'en l'absence de circonstances particulières, il n'y avait pas lieu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de prolonger ce délai, ni d'ailleurs de le réduire compte-tenu des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les circonstances non démontrées que les intéressés ne pourraient retourner en Tunisie sans aggravation de leur état de santé et qu'un recours était pendant devant la Cour nationale du droit d'asile, alors qu'un retour dans leur pays d'origine ne leur interdirait pas de se défendre notamment par l'intermédiaire d'un représentant, ne suffisent pas à établir que le préfet aurait dû, sur le fondement des articles 7 et 14 de la directive du 16 décembre 2008, leur accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

Sur la décision fixant le pays de destination :

14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. M. et Mme A...n'apportent aucune précision, ni élément probant à l'appui de leurs allégations selon lesquelles leur vie serait en danger en cas de retour dans leur pays d'origine en raison des menaces qui pèseraient sur Mme A...en raison de son passé professionnel. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit en tout état de cause être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être écartées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 15NC00689


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00689
Date de la décision : 10/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-03-10;15nc00689 ?
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