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25/02/2016 | FRANCE | N°14NC02218

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 25 février 2016, 14NC02218


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002 à 2007.

Par un jugement n° 1100957 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2014, M. et Mme B...A..., représentés par Me C..., d

emandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 octob...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002 à 2007.

Par un jugement n° 1100957 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2014, M. et Mme B...A..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 octobre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de nommer éventuellement un expert avec pour mission de se prononcer sur la reconstitution des chiffres d'affaires ;

4°) d'ordonner la compensation entre les sommes redressées et celles qu'ils ont remboursées ;

5°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification du 17 février 2009 et la réponse aux observations du contribuable du 7 mai 2009, qui portent sur l'année 2004, ne sont pas suffisamment motivées ;

- les sommes en cause ne constituent pas le produit d'un détournement de fonds au profit personnel de M. A...et s'agissant d'une activité de prêts, l'administration ne pouvait procéder à une imposition que dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'un détournement de fonds pour l'année 2004, pour laquelle la procédure contradictoire a été suivie ; elle ne démontre pas que les crédits bancaires libellés " versement à Andolsheim " et " remise de chèque " sont constitutifs de détournements de fonds ;

- l'évaluation de leurs bases d'imposition faite par l'administration est exagérée ;

- ils ont remboursé la plus grande partie des fonds détournés, soit une somme de 469 588,92 euros, qui doit venir en compensation des rectifications effectuées ;

- les pénalités qui leur ont été infligées doivent être déchargées par voie de conséquence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A...ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de compensation présentée sur le fondement de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales dès lors que la surtaxe invoquée par M. et Mme A...concerne des années d'imposition différentes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que M.A..., qui exerçait les fonctions de conseiller financier à La Banque postale, a été condamné, le 6 mai 2010, par le tribunal correctionnel de Colmar, à une peine d'emprisonnement de 36 mois, dont 12 mois avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve sur trois ans pour abus de confiance par personne recouvrant des fonds ou des valeurs pour le compte de tiers, altération frauduleuse de la vérité sur un écrit et usage de faux ; que M. et Mme A...ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal des années 2002, 2003 et 2004 et d'un examen de leur situation fiscale personnelle des années 2005, 2006 et 2007 ; que M. A...a aussi fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur son activité non commerciale au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ; qu'à l'issue de ces contrôles, l'administration fiscale a taxé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les sommes qui, selon elle, avaient été appréhendées par les contribuables à raison des détournements de fonds opérés par M.A... ; que les requérants relèvent appel du jugement du 9 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002 à 2007 ;

Sur la procédure d'imposition relative à l'année 2004 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; que l'exigence de motivation qui s'impose à l'administration dans ses relations avec le contribuable contrôlé en application du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales s'apprécie au regard de l'argumentation de celui-ci ; qu'en revanche, la régularité de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable ne dépendent pas du bien-fondé des motifs exposés par l'administration ;

4. Considérant, d'une part, que M. et Mme A...font grief à l'administration fiscale d'avoir présumé l'existence d'un détournement de fonds et d'avoir ainsi renversé la charge de la preuve dans la proposition de rectification du 17 février 2009 et la réponse aux observations du contribuable du 7 mai 2009 portant sur l'année 2004 ; que cette circonstance, à la supposer même établie, a trait au bien-fondé des impositions ; qu'elle est sans influence sur la régularité de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable ;

5. Considérant, d'autre part, que si les requérants font valoir que la condamnation pénale de M. A...n'a été prononcée par le tribunal correctionnel de Colmar que le 6 mai 2010, postérieurement à la notification de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, qui avait eu accès au dossier pénal de l'intéressé dans le cadre de son droit de communication prévu aux articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, a pu déduire l'existence d'un détournement de fonds des éléments dont elle avait ainsi eu connaissance les 4 décembre 2007 et 28 janvier 2009 ;

6. Considérant enfin que la proposition de rectification du 17 février 2009 mentionne que les détournements de fonds sont considérés comme des revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts et précise qu'il ne peut être procédé à une évaluation forfaitaire du bénéfice imposable de l'année 2004 ; qu'elle indique avec suffisamment de précisions la méthode retenue par l'administration pour évaluer ce bénéfice, à partir des crédits figurant sur les comptes bancaires des membres du foyer fiscal portant les libellés " versement à Andolsheim " et " remise de chèque " et en tenant compte de leur situation professionnelle et patrimoniale ; que cette proposition de rectification répond aux exigences de motivation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que, dans sa lettre du 7 mai 2009, l'administration fiscale a répondu avec suffisamment de précisions à toutes les observations formulées par les contribuables ; que le moyen tiré d'un défaut de motivation doit dès lors être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la taxation dans la catégorie des bénéfices non commerciaux :

7. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus " ;

8. Considérant, d'une part, qu'il résulte des constatations de faits qui sont le support nécessaire du jugement, devenu définitif, du tribunal correctionnel de Colmar du 6 mai 2010 que M. A..., alors conseiller financier à La Banque postale, a omis d'ouvrir des comptes au nom des clients de la banque pour les fonds que ces derniers lui avaient remis, a procédé à des retraits non autorisés sur les comptes de certains clients et a utilisé certaines des sommes détournées pour accorder des prêts à d'autres clients ; qu'il a, selon les motifs de ce jugement, appréhendé une somme totale de 1 701 251,30 euros au cours d'une période allant de 1992 au 19 août 2007 ; qu'ainsi, l'existence d'un détournement de fonds est établie pour l'ensemble des années en litige, y compris pour l'année 2004 pour laquelle l'administration, qui a relevé que le mode opératoire suivi par M. A...avait été identique sur toute la période, apporte la preuve qui lui incombe de l'existence des agissements frauduleux ;

9. Considérant, d'autre part, les requérants font valoir que l'essentiel des sommes détournées par M. A... aurait été utilisé pour l'exercice d'une activité financière de prêts, taxable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que, toutefois, les sommes que M. A... a détournées au préjudice de La Banque postale et des clients de celle-ci ont constitué une source de profit au sens des dispositions du 1 de l'article 92 du code général des impôts, quel qu'ait pu être l'emploi de ce revenu frauduleusement obtenu ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a procédé à une taxation dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

En ce qui concerne les montants imposés :

10. Considérant, en premier lieu, que les requérants reprochent à l'administration de ne pas avoir soustrait de leurs bases d'imposition les sommes prêtées à des tiers qui n'ont pas été détournées à leur profit ; qu'ils se prévalent des motifs du jugement du tribunal correctionnel de Colmar qui chiffre le détournement de fonds à 1 701 251 euros et indique que, sur ce montant total, environ 450 000 euros ont été détournés à des fins personnelles ou familiales ; que, ainsi qu'il vient d'être dit au point 9, l'utilisation d'une partie des fonds détournés à des fins de prêts a constitué un emploi par M. A...de ses revenus illicites ; que ces sommes n'ont pas la nature d'une dépense déductible pour la détermination des bénéfices non commerciaux imposables ; que le montant total des bénéfices non commerciaux chiffré par l'administration pour la période entre 2002 et 2007, qui s'élève à 557 186 euros, n'excède pas le montant du détournement tel qu'il résulte du jugement du tribunal correctionnel de Colmar ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...a déclaré, au cours de l'enquête pénale, avoir utilisé des comptes privés de son foyer fiscal pour recueillir les fonds détournés ; que l'administration, qui a eu accès aux comptes bancaires des membres du foyer fiscal de M. et Mme A..., a, après avoir écarté les crédits dont l'origine et la nature ont pu être identifiées du fait de la situation professionnelle et patrimoniale des intéressés, taxé les autres crédits restés inexpliqués ; que les requérants, qui ont fait l'objet d'une évaluation d'office pour les années 2005 à 2007, ne fournissent aucun élément démontrant que les bases d'imposition fixées par l'administration au titre de ces trois années ont été excessives, ni que la méthode d'évaluation retenue serait erronée ; que, s'agissant de l'année 2004, pour laquelle la procédure contradictoire a été suivie, l'administration a, en suivant la même méthode, exclu des bases d'imposition les revenus salariaux de M. et Mme A...et de leurs enfants, leurs revenus fonciers, la perception d'un droit de chasse, les prestations versées par les organismes sociaux, les virements de compte à compte et les crédits portant un libellé qui permettait de connaître leur provenance ; qu'elle a, en revanche, regardé comme des bénéfices non commerciaux les crédits identifiés par les libellés " versement à Andolsheim " et " remise de chèque " d'un montant supérieur à 100 euros ; qu'il résulte de l'instruction que M. A... avait lui-même admis, à l'occasion du débat oral et contradictoire qui s'est tenu en 2008 lors de la vérification de comptabilité, que les crédits intitulés " versement à Andolsheim " correspondaient à des sommes détournées ; que les requérants ne donnent aucun début d'explication sur l'origine des crédits intitulés " remise de chèque " ; qu'ainsi, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, que les sommes encaissées sur les comptes bancaires avec les intitulés " versement à Andolsheim " et " remise de chèque " ont pour origine les agissements frauduleux de M. A...qui avaient débuté bien avant l'année 2004 et se sont poursuivis après ;

12. Considérant enfin que si les requérants font valoir que M. A...a remboursé une grande partie des fonds détournés, ces remboursements, qui sont intervenus entre 2008 et 2014, sont sans influence sur le caractère imposable des revenus taxés au titre des années 2002 à 2007 ;

Sur la demande de compensation :

13. Considérant que les requérants ne sont pas recevables à demander, sur le fondement de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, la compensation des droits dus au titre des années 2002 à 2007 avec une surtaxe commise à leur préjudice du fait de l'imposition au titre des années 2008, 2009, 2012 , 2013 et 2014 des sommes remboursées aux victimes des agissements frauduleux de M. A... ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2002 à 2007 ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au paiement des intérêts moratoires ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1du code de justice administrative :

15. Considérant, d'une part, que la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions présentées par M. et MmeA..., tendant à ce que l'Etat soit condamné aux dépens, ne peuvent qu'être rejetées ;

16. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme A...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.

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N° 14NC02218


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC02218
Date de la décision : 25/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices non commerciaux - Personnes - profits - activités imposables.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices non commerciaux - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : ALSACE OMNIJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-02-25;14nc02218 ?
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