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25/02/2016 | FRANCE | N°14NC01194

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 25 février 2016, 14NC01194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées Tellos, société mère d'un groupe fiscalement intégré comprenant la société Sogeca, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005.

Par un jugement n° 1005956 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédur

e devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2014, la société Tellos, représentée p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées Tellos, société mère d'un groupe fiscalement intégré comprenant la société Sogeca, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005.

Par un jugement n° 1005956 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2014, la société Tellos, représentée par Me Kopp, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 avril 2014 ;

2°) de prononcer la réduction sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la réintégration, dans les résultats de sa filiale, la SARL Sogeca, de l'exercice clos en 2005 des sommes portées en charges exceptionnelles relatives à l'intervention de la société Sogetrel et d'EDF Montbéliard sur des chantiers aboutit à une double imposition du fait de l'inscription des remboursements de l'assurance en produits exceptionnels d'exercices postérieurs ;

- la société Sogeca pouvait constituer des provisions pour dépréciation de créances dès lors qu'en dépit des lettres de relance qui leur avaient été adressées, la communauté urbaine de Strasbourg et la société SETE, qui figurent parmi ses principaux clients, n'avaient pas payé, à l'échéance, les factures émises en 2004 ;

- ainsi que l'a estimé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans son avis du 16 novembre 2009, la société Sogeca, qui avait donné des garanties contractuelles à la société Dalkia, pouvait constituer des provisions pour faire face au risque de travaux supplémentaires sur les chantiers qu'elle a réalisés à Chartres et au nouvel hôpital civil de Strasbourg afin de remédier aux dysfonctionnements mis en évidence à Chartres par le bureau d'études CCTA et à ceux signalés à Strasbourg par la société SETE.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Tellos ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me Kopp, avocat de la société Tellos.

1. Considérant que la société anonyme Tellos est la société mère d'un groupe fiscalement intégré auquel appartient la société Sogeca, spécialisée dans la construction de réseaux pour fluides ; que cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant notamment sur l'exercice clos le 31 décembre 2005, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a réintégré au résultat de cet exercice des charges exceptionnelles qu'elle a regardées comme non justifiées, ainsi que des provisions constituées, d'une part, pour dépréciation, d'autre part, pour risques et charges ; que la société Tellos a contesté une partie de ces rectifications ; qu'elle relève appel du jugement du 3 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 ;

Sur la déduction des charges exceptionnelles :

2. Considérant qu'à la suite d'un sinistre sur un chantier, la société Sogeca a fait intervenir, en 2001, la société Sogetrel qui lui a facturé, le 30 avril 2001, un montant de 8 801,19 euros HT ; que la société Sogeca a comptabilisé cette opération pour partie en compte de charges, à concurrence de la somme correspondant à la franchise devant rester à sa charge et, pour le solde de 7 121,20 euros HT correspondant au montant devant être pris en charge par l'assurance, en compte de tiers " remboursements sinistres demandés " ; qu'à la clôture de l'exercice 2005, la société Sogeca a porté ce même montant de 7 121,20 euros en compte de charges exceptionnelles ; que la société Sogeca a, de la même façon, passé en compte de tiers " remboursements sinistres demandés " la totalité du montant de la facture émise le 17 février 2004 par EDF Montbéliard, soit 7 486,23 euros, et a, à la clôture de l'exercice 2005, inscrit ce même montant de 7 486,23 euros en charges exceptionnelles ; que si l'administration fiscale a admis le caractère déductible d'une partie de cette somme correspondant à la franchise, soit 1 952 euros, elle a réintégré dans les résultats de l'exercice 2005 le solde de 5 534,23 euros ainsi que la somme de 7 121,20 euros au motif que la société Sogeca ne justifiait ni que ses deux fournisseurs lui avaient réclamé le paiement de leur factures, ni que son assurance avait, à la date de clôture de l'exercice, refusé de prendre en charge les dépenses ;

3. Considérant que la société Tellos, qui ne fait état d'aucune circonstance de nature à remettre en cause le motif retenu par l'administration, indique uniquement que la société Sogeca a finalement obtenu les paiements de son assurance ; qu'elle fait valoir que ceux-ci constituent des produits exceptionnels des exercices clos en 2008 et 2011 au cours desquels les sommes lui ont été versées et que les rectifications opérées par l'administration aboutissent à une double imposition ; que toutefois, en raison du principe de spécialité des exercices comptables, elle ne saurait utilement se prévaloir de tels événements intervenus postérieurement à la clôture de l'exercice 2005 ;

Sur les provisions :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5°) Les provisions constituées, en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;

En ce qui concerne les provisions pour dépréciation de créances :

6. Considérant que la société Sogeca a constitué à la clôture de l'exercice 2005 deux provisions, d'un montant respectif de 36 874,57 euros et 75 016 euros, correspondant, pour la première, à 66 % du montant total de trois factures des 29 et 30 octobre 2004 non réglées émises au nom de la communauté urbaine de Strasbourg et, pour la seconde, au solde impayé par la société nouvelle d'exploitation thermique de l'Esplanade (société SETE) d'une facture du 30 juillet 2004 ; que l'administration fiscale a réintégré le montant de ces provisions dans les résultats au motif que la contribuable n'avait pas été en mesure de justifier qu'elle avait adressé des relances à ses clients et, plus généralement, qu'elle n'établissait pas le risque de non recouvrement de ces créances ;

7. Considérant que la société Tellos fait valoir que les factures dataient de plus d'un an à la clôture de l'exercice 2005 et qu'en raison de l'importance de ces clients, elle a engagé des démarches amiables pour obtenir le recouvrement de ses créances ; qu'à l'appui de ses dires, elle produit des lettres de relance qu'elle aurait adressées en pli simple à la communauté urbaine de Strasbourg les 6 juillet, 12 septembre et 15 décembre 2005 et à la société SETE le 14 septembre 2005 ; que toutefois, ainsi que le relève le ministre, la société requérante n'établit pas que ces courriers, qui n'avaient pas été présentés lors du contrôle, ont été réceptionnés par les clients et que ces derniers avaient connaissance des rappels qui leur étaient faits ; que, si la communauté urbaine de Strasbourg n'a finalement payé les factures litigieuses qu'en 2008 après qu'un rabais important lui a été octroyé et si la société SETE n'avait toujours pas réglé la facture du 30 juillet 2004 en 2008, ces événements sont postérieurs à l'exercice en litige ; que la société Tellos ne peut pas plus se prévaloir du courrier recommandé qui aurait été envoyé à la communauté urbaine de Strasbourg en septembre 2006, postérieurement à la clôture de l'exercice contrôlé ; que la seule circonstance que les factures n'avaient pas été réglées à l'échéance ne suffit pas, en l'absence de preuve de l'existence d'une contestation à la clôture de l'exercice 2005 et de démarches effectives tendant à obtenir leur règlement, à justifier la constitution des deux provisions en litige ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration en a réintégré le montant dans les résultats de l'exercice clos en 2005 ;

En ce qui concerne les provisions pour travaux supplémentaires :

8. Considérant que la société Sogeca a constitué, à la clôture de l'exercice 2002, trois provisions, d'un montant respectif de 420 000 euros, 450 000 euros et 230 000 euros, afin de faire face à un risque de travaux supplémentaires sur les canalisations de transport de chaleur installées pour la société Dalkia au nouvel hôpital civil de Strasbourg ; que ces provisions figuraient toujours au bilan de clôture de l'exercice 2005 ; que la société Sogeca a aussi inscrit au passif de ce même bilan de clôture une provision de 27 500 euros se rapportant à un autre chantier de chauffage urbain réalisé pour la société Dalkia à Chartres ; que l'administration fiscale, contrairement à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, a estimé que la société Sogeca ne démontrait pas l'existence d'une probabilité de devoir effectuer ces nouveaux travaux ;

9. Considérant que la société Tellos établit que sa filiale s'était, pour la réalisation des travaux en cause, contractuellement engagée auprès de la société Dalkia à ce que " tous les matériels composant l'installation [soient] conçus dimensionnés, sélectionnés, installés et contrôlés pour remplir correctement leur fonction pendant une durée d'usage normal " et lui avait garanti qu'elle réparerait " dans les meilleurs délais possibles en tenant compte des exigences de l'exploitation, tous désordres ou tous défauts, de quelque nature que ce soit hormis une mauvaise utilisation des ouvrages (...) " ;

10. Considérant que les courriers, produits en appel, que la société Sogeca a reçus de la société SETE, filiale de la société Dalkia, à partir de 2003 font ressortir que l'installation du nouvel hôpital civil de Strasbourg présentait plusieurs dysfonctionnements, consistant en des fuites et une insuffisance de la protection cathodique, des affaissements de chaussée tout au long du tracé et un risque de corrosion lié à des difficultés à faire le vide dans divers tronçons de la conduite ; que si certains courriers sont postérieurs au 31 décembre 2005, la société Tellos établit que tous les défauts avaient été portés à la connaissance de la société Sogeca avant la clôture de l'exercice 2005 et qu'ils entraient dans l'obligation de garantie de sa filiale à l'égard de la société Dalkia ; que la société requérante, qui produit des états estimatifs des travaux de recherche des fuites, des travaux de reprise des affaissements de chaussée et des travaux de fouilles nécessaires pour isoler les défauts entre deux chambres à vide, justifie avec suffisamment de précision le montant des provisions de 420 000 euros, 450 000 euros et 230 000 euros ; que, dès lors, les provisions d'un montant total de 1 100 000 euros inscrites au bilan de clôture de la société Sogeca de l'exercice 2005 sont justifiées ;

11. Considérant qu'il résulte des pièces versées au dossier d'appel par la société Tellos, que sa filiale a, sur le chantier de Chartres, sollicité l'expertise d'un bureau d'études spécialisé dans le domaine de la protection cathodique et que celui-ci lui a adressé, le 16 août 2005, un compte rendu des travaux de protection cathodique à réaliser sur le réseau chaleur afin de le mettre en conformité ; que ces travaux entraient également dans l'obligation de garantie de la société Sogeca ; que, toutefois, ainsi que le relève le ministre, la société Tellos n'apporte aucun élément permettant d'expliquer, même de façon approximative, la façon dont le montant de la provision a été fixé à 27 500 euros ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration en a décidé la réintégration dans les résultats de l'exercice clos en 2005 ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Tellos est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à ce que les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre de l'exercice 2005 soient réduites de 1 100 000 euros ; qu'il y a lieu de prononcer cette réduction, de réformer dans cette mesure le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 avril 2014 et de rejeter le surplus des conclusions en réduction de la société Tellos ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Tellos et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés assigné à la société Tellos au titre de l'exercice clos en 2005 est réduite d'une somme de 1 100 000 euros.

Article 2 : La société Tellos est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle à cet impôt correspondant à la réduction de la base d'imposition prononcée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 1005956 du 3 avril 2014 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société Tellos une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tellos et au ministre des finances et des comptes publics.

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N° 14NC01194


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01194
Date de la décision : 25/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Provisions.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : KOPP

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-02-25;14nc01194 ?
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