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28/01/2016 | FRANCE | N°14NC01209

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2016, 14NC01209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier intercommunal de la Lauter qui a fixé le montant de son loyer à 1 400 euros à compter de janvier 2011 et de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Lauter à lui verser la somme globale de 9 062,05 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de cette décision.

Par un jugement n° 1104556 du 5 mai 2014, le tribunal administratif de S

trasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier intercommunal de la Lauter qui a fixé le montant de son loyer à 1 400 euros à compter de janvier 2011 et de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Lauter à lui verser la somme globale de 9 062,05 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de cette décision.

Par un jugement n° 1104556 du 5 mai 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juin 2014 et 30 décembre 2015, M. D... C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 mai 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision contestée du directeur du centre hospitalier intercommunal de la Lauter ;

3°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Lauter à lui verser une somme de 1 544 euros, ou subsidiairement de 916 euros, au titre du différentiel de loyer, ainsi qu'une somme de 7 350,24 euros en réparation de son préjudice matériel et moral ;

4°) d'enjoindre au centre hospitalier intercommunal de la Lauter de rectifier ses fiches de paie des mois de janvier et février 2011 en y mentionnant une retenue de logement de 628,30 euros, ou subsidiairement de 942 euros, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Lauter aux dépens et de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur sa demande indemnitaire tendant à la réparation des dommages subis du fait des travaux effectués dans le logement et de son préjudice moral ;

- il peut, en sa qualité de praticien hospitalier contractuel, utilement invoquer les dispositions de l'article 9 du décret n° 2010-30 du 8 janvier 2010, dont il résulte que le directeur du centre hospitalier intercommunal de la Lauter n'était pas compétent pour fixer le montant de la redevance pour occupation sans titre ;

- la redevance n'a pas été fixée par référence au plafond mensuel de la sécurité sociale, en méconnaissance des dispositions de l'article 9 du décret du 8 janvier 2010 ;

- le centre hospitalier n'a pas respecté les critères fixés par les dispositions de l'article R. 2124-70 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- la redevance a été fixée en méconnaissance des dispositions du b de l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 alors que le loyer du logement a été évalué par un professionnel à 600 euros ;

- la décision fixant son loyer à 628,30 euros est une décision pécuniaire créatrice de droit qui ne pouvait pas être retirée ;

- en augmentant de façon exorbitante la redevance sans tenir compte de la valeur locative du bien et des sujétions qui lui étaient imposées, le directeur de centre hospitalier a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- sa décision est également entachée d'un détournement de pouvoir ;

- à supposer que le centre hospitalier pouvait modifier la redevance, il ne pouvait pas appliquer une majoration supérieure à 50 %, en vertu des dispositions de l'article R. 2124-74 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'illégalité fautive de la décision contestée engage la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de la Lauter, qui doit réparer les préjudices qu'il a subis résultant de l'augmentation de son loyer, de la privation de la jouissance des travaux de peinture qu'il avait entrepris dans le logement, ainsi que son préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2015, le centre hospitalier intercommunal de la Lauter, représenté par la Selarl CM Affaires publiques, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions de M. C...tendant à la réparation d'un préjudice moral ne sont pas recevables ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du décret du 8 janvier 2010 et des articles R. 2124-70 et R. 2124-74 du code général de la propriété des personnes publiques sont inopérants ;

- les autres moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code du domaine de l'Etat ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;

- le décret n° 2010-30 du 8 janvier 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour le centre hospitalier intercommunal de la Lauter.

1. Considérant que M. C...a été employé en qualité de praticien hospitalier contractuel par le centre hospitalier de Wissembourg, devenu le centre hospitalier intercommunal de la Lauter, d'août 1991 à mars 2011 ; qu'à compter du 1er septembre 1991, le centre hospitalier a mis à sa disposition à titre onéreux, en dehors de tout cadre législatif ou réglementaire, une maison située dans son enceinte, contre paiement d'une somme, prélevée mensuellement sur le traitement de l'intéressé, d'un montant de 628,30 euros depuis sa dernière réévaluation en septembre 2009 ; que le centre hospitalier, qui entendait attribuer le logement pour nécessité de service à son nouveau directeur adjoint, a, par une première lettre du 28 juillet 2010, demandé à M. C...de le libérer au plus tard le 1er janvier 2011 ; qu'après avoir refusé de quitter les lieux, M. C...a également refusé de signer la " convention de location d'un logement pour utilité de service ", qui lui a été proposée le 25 août 2010 et prévoyait le versement d'un " loyer " mensuel de 1 400 euros ; que, par une seconde lettre du 14 octobre 2010, le directeur du centre hospitalier intercommunal de la Lauter a enjoint à M. C...de libérer, pour le 1er janvier 2011, le logement mis à sa disposition, au motif qu'il avait refusé de signer la convention qui lui avait été soumise ; que M. C...n'a quitté le logement qu'au courant du mois de mars 2011, date à laquelle il a démissionné de ses fonctions au sein du centre hospitalier ; que celui-ci a procédé à des retenues sur ses salaires des mois de janvier et février 2011, d'un montant mensuel de 1 400 euros ; que, par une lettre du 3 juin 2011, M. C... a demandé le remboursement des sommes correspondant à l'augmentation du montant des retenues sur ses traitements de janvier et février 2011, ainsi que le remboursement des frais qu'il avait exposés pour la réalisation en 2008 de travaux de peinture et de revêtements de sols dans le logement ; qu'après rejet de cette demande par courrier du 12 juillet suivant, M. C...a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision augmentant son loyer à compter de janvier 2011, d'autre part, à la réparation des préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité alléguée de la décision contestée ; que M. C...relève appel du jugement du 5 mai 2014, par lequel le tribunal a rejeté ses demandes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que M. C...a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Lauter à lui verser une indemnité correspondant au montant des travaux de peinture et de rénovation qu'il avait engagés dans le logement qu'il occupait, à raison de l'illégalité fautive de la décision contestée ; qu'au point 9 de son jugement, le tribunal a, après avoir rejeté les conclusions en excès de pouvoir de M.C..., également rejeté ses conclusions indemnitaires ; que ce dernier n'est donc pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une omission à statuer ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision du directeur du centre hospitalier intercommunal de la Lauter :

3. Considérant que M. C...soutient que le directeur du centre hospitalier intercommunal de la Lauter n'était pas compétent pour déterminer le loyer mensuel du logement qu'il occupait, qui, en vertu des dispositions de l'article 9 du décret 8 janvier 2010, ne pouvait être fixé que par l'assemblée délibérante ; que, toutefois, M.C..., médecin, était employé par le centre hospitalier en qualité de praticien hospitalier sur le fondement de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique ; qu'il s'ensuit qu'il ne peut utilement se prévaloir des dispositions du décret du 8 janvier 2010 pris pour l'application de l'article 77 la loi du 9 janvier 1986 dès lors que les dispositions de cette loi, qui constituent le titre IV du statut général de la fonction publique hospitalière, ne lui sont pas applicables en vertu de l'avant-dernier alinéa de son article 2 ; qu'en application de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, le directeur du centre hospitalier intercommunal de la Lauter était compétent pour prendre la décision litigieuse ;

En ce qui concerne la légalité interne de la décision du directeur du centre hospitalier intercommunal de la Lauter :

4. Considérant, en premier lieu, que, ainsi qu'il vient d'être dit au point précédent, M. C... ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions du décret du 8 janvier 2010 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le loyer du logement a été fixé en méconnaissance des dispositions de ce décret, sans se référer au plafond de la sécurité sociale, est inopérant ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que M. C...entend se prévaloir des dispositions de l'article R. 100 du code du domaine de l'Etat, qui ont été reprises à l'article R. 2124-70 du code général de la propriété des personnes publiques ; que ce moyen est inopérant pour critiquer les modalités de fixation de la retenue sur ses salaires pour l'occupation du logement mis à sa disposition par le centre hospitalier intercommunal de la Lauter, qui n'appartient pas au domaine de l'Etat ;

6. Considérant, en troisième lieu, que M. C...ne peut pas davantage utilement se prévaloir des dispositions de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs qui, ainsi que l'a jugé le tribunal, n'est pas applicable aux logements attribués en raison de l'exercice d'une fonction ou de l'occupation d'un emploi public ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que si une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage, tel n'est en revanche pas le cas des mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance d'une décision prise antérieurement ;

8. Considérant que M.C..., qui se prévaut de l'existence d'une décision créatrice de droit, soutient que le centre hospitalier intercommunal de la Lauter ne pouvait pas retirer l'avantage financier qu'il lui avait accordé en fixant la redevance d'occupation à la somme de 628,30 euros ; que, toutefois, M. C... ne peut se prévaloir d'aucun droit à l'attribution d'un logement par nécessité absolue de service ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le logement qu'il a occupé entre le 1er septembre 1991 et le 10 mars 2011 lui a été concédé pour des motifs d'utilité de service ; qu'à cet égard, le requérant ne peut se prévaloir de la convention du 25 août 2010 qu'il a refusé de signer et qui n'était, en tout état de cause, applicable qu'à compter du mois de janvier 2011 ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 qu'en retenant sur son salaire mensuel une somme de 628,30 euros en contrepartie du logement mis à sa disposition, le centre hospitalier n'a pas créé de droits au profit de l'intéressé et pouvait, par suite, corriger à tout moment cette erreur de liquidation et mettre fin à cet avantage financier indûment perçu ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la maison occupée par M. C...était d'une superficie de 100 mètres carrés et comprenait un garage, un jardin privatif et une terrasse ; que, pour justifier du caractère excessif de la retenue pratiquée sur ses salaires, le requérant se borne à produire l'attestation d'une agence immobilière indiquant que la valeur locative du bien se situe dans une fourchette allant de 600 à 700 euros ; que cette unique évaluation, qui n'est corroborée par aucune autre pièce, est insuffisante ; qu'en outre, elle ne tient pas compte des frais d'électricité et de chauffage qui étaient intégralement pris en charge par l'établissement hospitalier ; qu'aucune nécessité de service n'imposait que M. C... occupe ce logement ; qu'en fixant à 1 400 euros la redevance réclamée à M. C...pour l'occupation du logement, ce montant incluant toutes les charges d'électricité et de chauffage, le centre hospitalier intercommunal de la Lauter n'a pas entaché son appréciation d'une erreur manifeste ;

10. Considérant, en sixième lieu, que M. C...invoque, à titre subsidiaire, les dispositions de l'article R. 2124-74 du code général de la propriété des personnes publiques pour soutenir que le centre hospitalier intercommunal de la Lauter ne pouvait pas majorer son loyer de plus de 50 % ; que toutefois ces dispositions, qui en tout état de cause ne sont entrées en vigueur que le 11 mai 2012, ne lui sont pas applicables dès lors qu'elles concernent les occupants sans titre d'un logement appartenant à l'Etat ; que le moyen est inopérant ;

11. Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué par M. C...n'est pas établi ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :

12. Considérant qu'en l'absence de toute illégalité fautive, M. C...n'est pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute du centre hospitalier intercommunal de la Lauter ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir partielle opposée en défense, ses conclusions tendant à la réparation des préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis doivent être rejetées ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant, d'une part, que la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions présentées par M.C..., tendant à ce que le centre hospitalier intercommunal de la Lauter soit condamné aux dépens, ne peuvent qu'être rejetées ;

15. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier intercommunal de la Lauter, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...une somme de 1 400 euros à verser au centre hospitalier intercommunal de la Lauter sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : M. C...versera au centre hospitalier intercommunal de la Lauter une somme de 1 400 (mille quatre cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au centre hospitalier intercommunal de la Lauter.

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N° 14NC01209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01209
Date de la décision : 28/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs - Actes non créateurs de droits.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Traitement - Retenues sur traitement.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP CALDEROLI-LOTZ DECOT FAURE PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-01-28;14nc01209 ?
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