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28/01/2016 | FRANCE | N°14NC00978

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2016, 14NC00978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les deux décisions implicites nées du silence gardé, respectivement, par le ministre délégué à l'industrie et le président de La Poste sur sa demande en date du 1er juillet 2010, tendant à l'indemnisation de son préjudice, et de condamner solidairement l'Etat et La Poste à lui verser une somme de 80 000 euros en réparation du préjudice de carrière qu'elle a subi, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1105407 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les deux décisions implicites nées du silence gardé, respectivement, par le ministre délégué à l'industrie et le président de La Poste sur sa demande en date du 1er juillet 2010, tendant à l'indemnisation de son préjudice, et de condamner solidairement l'Etat et La Poste à lui verser une somme de 80 000 euros en réparation du préjudice de carrière qu'elle a subi, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1105407 du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a limité à la somme de 4 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat et La Poste en réparation des préjudices subis par MmeC....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2014, et trois mémoires en réplique enregistrés le 21 août 2014, le 2 octobre 2015 et le 23 octobre 2015, Mme C..., représentée par la SELARL Horus Avocats, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 mars 2014 et les décisions implicites rejetant sa demande d'indemnisation, ou, à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en ce qu'il a limité le montant de son indemnisation à 4 000 euros, et, dans tous les cas, de condamner solidairement l'Etat et La Poste à lui verser une somme de 80 000 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de ses demandes préalables et de la capitalisation de ces intérêts ;

2°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de La Poste la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'elle n'a pas été mise en mesure de connaitre les conclusions du rapporteur public avant l'audience, en méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- de ce fait, le principe du contradictoire a été méconnu, en violation de l'article L. 5 du code de justice administrative ;

- l'absence d'organisation de promotions internes pour les agents dits " reclassés " de La Poste méconnait l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- cette illégalité fautive est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat et de La Poste ;

- elle a perdu une chance sérieuse d'être promue dès lors qu'elle remplissait les conditions statutaires pour être promue dès 1990 au grade d'agent d'exploitation du service général et que sa valeur professionnelle était satisfaisante ;

- les éléments qu'elle produit à l'instance justifient suffisamment de cette perte de chance, à charge pour l'administration d'apporter la preuve contraire ;

- son préjudice matériel et de carrière doit être évalué à 60 000 euros ou à tout le moins à une somme qui ne saurait être inférieure à 15 000 euros ;

- le préjudice moral et les troubles dans ses conditions d'existence résultent de la perte de chance précitée et ne sauraient être évalués à une somme inférieure à 20 000 euros ;

- les préjudices dont elle demande réparation sont imputables à la faute reprochée à l'Etat.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2014, le ministre de l'économie, représenté par la SCP Saidji Moreau, conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que :

- la requérante a été informée du sens des conclusions du rapporteur public avant l'audience ;

- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ;

- la requérante n'a subi aucun préjudice présentant un caractère direct, personnel et certain ;

- elle ne justifie pas d'une perte de chance sérieuse d'obtenir une promotion ;

- le préjudice allégué n'est pas imputable à la faute reprochée à l'Etat ;

- la requérante ne justifie pas du montant de ses préjudices.

La clôture d'instruction a été prononcée à la date du 2 octobre 2015 par une ordonnance en date du 18 septembre 2015, prise en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2015, La Poste, représentée par la SCP Granrut Avocats, conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il donne partiellement satisfaction à la requérante, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Poste fait valoir que :

- les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué ne sont pas fondés ;

- si l'absence d'organisation de promotions internes pour les agents dits " reclassés " est susceptible d'engager la responsabilité de La Poste, la requérante ne justifie pas d'une perte de chance sérieuse de promotion, au égard aux évaluations obtenues depuis 1994 et à son refus d'accepter une nomination dans un corps dit " de reclassification " ;

- ni le préjudice moral, qui ne saurait excéder la somme de 1 500 euros, ni les troubles dans les conditions d'existence ne sont établis.

L'instruction a été rouverte par une ordonnance du 6 octobre 2015, prise en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005;

- le décret n° 57-1319 du 21 décembre 1957;

- le décret n°91-58 du 10 janvier 1991 ;

- le décret n° 92-929 du 7 septembre 1992 ;

- le décret n° 92-931 du 7 septembre 1992 ;

- le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

- l'arrêté du 11 septembre 1992 fixant l'échelonnement indiciaire applicable aux grades d'assistant administratif de La Poste et d'assistant administratif de France Télécom ;

- l'arrêté du 11 septembre 1992 fixant l'échelonnement indiciaire applicable aux grades d'agent d'exploitation de La Poste et d'agent d'exploitation de France Télécom ;

- l'arrêté du 4 juin 1998 fixant l'échelonnement indiciaire applicable aux grades d'assistant administratif de La Poste et d'assistant administratif de France Télécom ;

- l'arrêté du 4 juin 1998 fixant l'échelonnement indiciaire applicable aux grades d'agent d'exploitation de La Poste et d'agent d'exploitation de France Télécom ;

- l'arrêté du 30 mars 2007 fixant l'échelonnement indiciaire applicable aux grades d'assistant administratif de La Poste et d'assistant administratif de France Télécom ;

- l'arrêté du 30 mars 2007 fixant l'échelonnement indiciaire applicable aux grades d'agent d'exploitation de La Poste et d'agent d'exploitation de France Télécom ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour M.A..., et de MeD..., pour La Poste.

1. Considérant que MmeC..., née le 4 novembre 1958, titulaire du grade d'assistant administratif de La Poste, a, dans le cadre de la réforme issue de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom, refusé d'intégrer les nouveaux corps dits de " reclassification " et préféré conserver son grade dans son corps dit de " reclassement ", pour lequel aucune procédure de promotion interne n'a été organisée de 1993 à 2009 ; que, par un courrier en date du 1er juillet 2010 adressé au ministre de l'économie et à La Poste, elle a sollicité le versement d'une indemnité de 80 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du blocage de sa carrière depuis 1993 ; que ces demandes ayant été implicitement rejetées, Mme C...a recherché la responsabilité de l'Etat et de La Poste devant le tribunal administratif de Strasbourg ; qu'elle relève appel du jugement du 27 mars 2014 par lequel le tribunal administratif a limité à 4 000 euros le montant de la somme au versement de laquelle l'Etat et La Poste ont été solidairement condamnés ; que La Poste demande également, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser MmeC... ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que l'article L. 5 du code de justice administrative prévoit que " l'instruction des affaires est contradictoire " ; qu'aux termes de l'article L. 7 du même code : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent " ; qu'aux termes de l'article R. 711-3 de ce code : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que la communication aux parties du sens des conclusions du rapporteur public, prévue par les dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après l'intervention du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ;

4. Considérant, par ailleurs, que, pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs, mentionnés au point précédent, de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir ; que la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce, le rapporteur public a, sur le site de l'application " Sagace ", précisé qu'il concluait à la condamnation solidaire de l'Etat et de La Poste à verser à Mme C...une indemnité globale de 1 000 euros, assortie des intérêts, à la mise à la charge solidaire de l'Etat et La Poste à lui verser la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au rejet du surplus des conclusions de la requête ; que si Mme C...soutient que cette information ne l'a pas mise en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, les chefs de préjudice que le rapporteur public proposait d'indemniser, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder le jugement attaqué comme ayant été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ;

6. Considérant, en second lieu, que le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement ; que l'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction ; qu'il s'en suit que Mme C...ne saurait utilement se prévaloir d'une prétendue méconnaissance de l'article L. 5 précité du code de justice administrative ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat et de La Poste :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990, relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications : " Les personnels de La Poste (...) sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...), mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) " ; qu'en vertu de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et des dispositions réglementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement ou des listes d'aptitude en vue de permettre l'avancement de grade ;

8. Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires demeurés dans les corps dits de " reclassement " de La Poste de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les corps dits de " reclassification " créés en 1993, de mesures de promotions organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de " reclassification ", ne dispensait pas le président de La Poste de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de " reclassement " ; qu'il appartenait, en outre, au ministère chargé des Postes et Télécommunications de veiller de manière générale au respect, par La Poste, de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires " reclassés " comme aux fonctionnaires " reclassifiés " de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

9. Considérant, d'autre part, que le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à La Poste de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires " reclassés " ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de " reclassement ", en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et, en outre, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président directeur général de La Poste a, de même, commis une illégalité ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires " reclassés ", a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans pouvoir utilement se prévaloir, pour s'exonérer de sa responsabilité, ni de la circonstance que les décrets statutaires des corps de " reclassement " auraient interdit ces promotions, ni de la circonstance qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ; que ces illégalités sont également constitutives de fautes commises par l'Etat en tant que ce n'est que le 14 décembre 2009 qu'il a pris un décret organisant des possibilités de promotion interne en faveur des fonctionnaires des corps de " reclassement " de La Poste ;

11. Considérant que ces fautes sont de nature à engager la responsabilité solidaire tant de La Poste qui, au demeurant, n'en conteste pas le principe, que de l'Etat, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, et à ouvrir droit à réparation au profit de Mme C...à raison des préjudices dont l'existence et le lien de causalité avec ces fautes sont établis ; qu'à cet égard, et pour les raisons qui viennent d'être exposées, le ministre de l'économie ne peut utilement soutenir que le préjudice allégué par la requérante résulterait du choix de l'agent qui, en n'optant pas pour un corps de " reclassification ", se serait elle-même privée de toute chance de promotion ;

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices subis par MmeC... :

12. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des arrêtés susvisés fixant l'échelonnement indiciaire des grades d'assistant administratif et d'agent d'exploitation de La Poste, pris en vertu du décret du 10 janvier 1991 portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels des exploitants publics La Poste et France Télécom, que l'échelonnement indiciaire de ces deux grades était identique au cours de la période faisant l'objet de la demande d'indemnité présentée par Mme C... ; que dans ces conditions, et contrairement à ce que soutenait Mme C...devant les premiers juges, il n'est pas établi qu'une nomination dans le corps des agents d'exploitation de la distribution et de l'acheminement, à la supposer possible, aurait constitué une promotion ; que par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait perdu une chance sérieuse d'obtenir une promotion dans ce corps ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du décret susvisé du 7 septembre 1992 : " Les agents d'exploitation du service général de chaque corps sont recrutés : (...) 2° Au choix, dans la limite du sixième des titularisations prononcées à la suite des concours prévus au 1° ci-dessus, par voie d'inscription sur une liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire, parmi les assistants administratifs de l'exploitant public concerné ayant accompli au moins dix ans de services publics ; la durée du service national actif vient, le cas échéant, en déduction de l'ancienneté exigée (...) " ;

14. Considérant, d'une part, que MmeC..., qui remplit les conditions statutaires pour accéder au corps des agents d'exploitation du service général depuis le 12 décembre 1990, soutient qu'elle bénéficie d'une notation maximale " E " depuis 1999, sa valeur professionnelle devant alors être regardée, eu égard à la nomenclature des notations de La Poste, comme " largement supérieure aux exigences du poste " occupé ; que toutefois, il ne ressort pas des fiches de notation produites à l'instance que l'intéressée, si elle fait l'objet d'appréciations littérales favorables sur sa manière de servir, aurait présenté toutes les qualités requises pour une nomination dans un corps de niveau supérieur ; que le notateur n'a pas jugé utile d'évaluer son " aptitude à exercer des fonctions différentes de même niveau ou d'un niveau supérieur " en 1999, alors même qu'une notation globale " E " lui était attribuée ; que si son aptitude à exercer des fonctions différentes de même niveau a été notée " E " en 2000, l'aptitude de la requérante à exercer des fonctions d'un niveau supérieur n'a fait l'objet d'aucune appréciation ; que cette aptitude à exercer des fonctions d'un niveau supérieur a été notée " moyen " en 2008 et " bon " en 2009, l'aptitude de la requérante à diriger une équipe étant notée " moyen " au titre de ces deux années ; que, dans ces conditions, alors même que Mme C...a obtenu la médaille de bronze des Postes et Télécommunications en 2013, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires " reclassés " après 1993 l'aurait privée d'une chance sérieuse d'accéder au corps de niveau supérieur des agents d'exploitation du service général ; qu'ainsi, La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont alloué une somme de 1 000 euros à Mme C...en réparation de ce préjudice ;

15. Considérant, d'autre part, que Mme C...est en droit de prétendre au versement d'une indemnité au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à raison des fautes commises par La Poste et l'Etat, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne, alors même qu'au cas particulier elle n'a pas eu de chances sérieuses d'obtenir une promotion ; que, dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges n'ont fait une appréciation ni insuffisante, ni trop importante du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme C...en les évaluant globalement à la somme de 3 000 euros ;

16. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire ; que La Poste est seulement fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que le montant des préjudices subis par Mme C...doit être ramené de la somme de 4 000 euros à celle de 3 000 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

17. Considérant, ainsi que le demande Mme C...en appel, qu'il convient d'assortir la somme mise à la charge de l'Etat et de La Poste des intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2010, date à laquelle la requérante a adressé sa demande préalable à l'administration ; qu'il y a lieu de prononcer la capitalisation desdits intérêts à la date du 15 octobre 2011, date à laquelle ils ont été demandés devant le tribunal administratif et étaient dus depuis au moins un an, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de La Poste, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C...la somme que demande La Poste sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l'Etat et La Poste sont condamnés à verser à Mme C...en réparation de ses préjudices est ramenée de 4 000 euros à 3 000 (trois mille) euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2010 et les intérêts échus à la date du 15 octobre 2011, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1105407 du 27 mars 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de Mme C...et le surplus des conclusions présentées par l'Etat et La Poste sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...C..., au ministre de l'économie, du numérique et de l'industrie et à La Poste.

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N° 14NC00978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00978
Date de la décision : 28/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SELARL HORUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-01-28;14nc00978 ?
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