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14/01/2016 | FRANCE | N°15NC01260

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 14 janvier 2016, 15NC01260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 27 avril 2011 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, sur recours hiérarchique de la société Ateliers Cini, a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1101152 du 16 avril 2013, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 27 avril 2011.

Par un arrêt n° 13NC00989 et 13NC0990 du 9 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la req

uête de la société Ateliers Cini tendant à l'annulation du jugement du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 27 avril 2011 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, sur recours hiérarchique de la société Ateliers Cini, a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1101152 du 16 avril 2013, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 27 avril 2011.

Par un arrêt n° 13NC00989 et 13NC0990 du 9 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de la société Ateliers Cini tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy et a dit n'y avoir pas lieu à statuer sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.

Par une décision n° 375295 du 27 mai 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'article 2 de l'arrêt du 9 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Nancy et a renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistré sous le n° 13NC00989, les 27 mai 2013, 8 et 12 novembre 2013 et 3 août 2015, la société Ateliers CINI demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101152 du 16 avril 2013 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nancy.

La société Ateliers Cini soutient que :

- le licenciement de M. A...est justifié par les difficultés économiques qu'elle connaissait à la date de la décision contestée ;

- le juge-commissaire au redressement judiciaire de la société a constaté que les licenciements des 18 salariés concernés, envisagés pour motif économique, présentaient un caractère justifié ;

- le poste de M. A...a été supprimé ;

- l'obligation de reclassement a été respectée ;

- il n'existe pas de lien entre la demande de licenciement et le mandat détenu par M.A....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 juillet 2013 et 13 novembre 2013, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour de rejeter la requête de la société Ateliers Cini, et demande de mettre à la charge de la société Ateliers Cini une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le ministre ne s'est pas placé à la date de la décision pour apprécier la réalité du motif économique ;

- la société avait retrouvé un niveau d'activité satisfaisant et n'était plus confrontée à des difficultés économiques de nature à justifier son licenciement, à la date de la décision contestée ;

- l'obligation de reclassement n'a pas été respectée dès lors que l'entreprise n'a pas attendu les réponses des entreprises sollicitées avant de lui notifier son licenciement.

Par un mémoire enregistré le 15 novembre 2013, confirmé par courrier du 14 décembre 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy et au rejet de la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le motif de licenciement économique est établi ;

- la société a satisfait à son obligation de reclassement ;

- aucun lien ne peut être établi entre les mandats détenus par M. A...et la demande d'autorisation de licenciement.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ateliers Cini, société spécialisée dans le modelage mécanique, qui intervient principalement dans le secteur de l'industrie automobile et dans le secteur aéronautique, a connu des difficultés économiques en raison de la baisse de l'activité économique dans le domaine automobile en 2009 et a été placée, le 29 juin 2010, en procédure de redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Nancy. Une ordonnance du 16 août 2010, du juge commissaire, a autorisé le licenciement de dix-huit salariés. Le 8 septembre 2010, la société SA Ateliers CNI a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M.A..., membre de la délégation unique du personnel et représentant des salariés dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire, pour motif économique, ce qu'il a refusé par décision du 25 octobre 2010, après avoir apprécié la nécessité des suppressions de poste. Le 23 décembre 2010, la société forme un recours hiérarchique au motif qu'il n'appartient pas à l'autorité administrative de s'assurer du respect par l'employeur de l'ordre des licenciements. Le 27 avril 2011, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social annule la décision de l'inspecteur du travail et autorise le licenciement de M.A..., ouvrier aide-modeleur, détenteur de mandats de membre de la délégation unique du personnel et de représentant des salariés dans la procédure de redressement judiciaire. Le 11 mai 2011, la décision de licenciement pour motif économique est notifiée à M.A.... La société Ateliers Cini fait appel du jugement du 16 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de M. A..., la décision du 27 avril 2011 du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité autorisant le licenciement de M.A....

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 16 avril 2013 :

2. Pour annuler la décision du 27 avril 2011, le tribunal administratif de Nancy a jugé que le ministre n'avait pas recherché si la réalité du motif économique invoqué à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement de M. A...était établie. La société SA Ateliers CINI soutient que le licenciement économique de M. A...est justifié par les difficultés économiques qu'elle connait, et que le juge commissaire au redressement judiciaire de la société a constaté que les licenciements des 18 salariés concernés, envisagés pour motif économique, présentaient un caractère justifié.

3. En vertu des dispositions de l'article L. 631-17 du code de commerce, lorsqu'une entreprise est placée en période d'observation dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, l'administrateur judiciaire ne peut procéder à des licenciements pour motif économique que s'ils présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable et après autorisation, non nominative, du juge-commissaire désigné par le tribunal de commerce. Si le salarié dont le licenciement est envisagé bénéficie d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'il représente, l'administrateur doit alors solliciter l'autorisation nominative de l'inspecteur du travail qui vérifie, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que ce licenciement n'est pas en lien avec le mandat du salarié, que la suppression du poste en cause est réelle et a été autorisée par le juge-commissaire, que l'employeur s'est acquitté de son obligation de reclassement, et qu'aucun motif d'intérêt général ne s'oppose à ce que l'autorisation soit accordée. En revanche, dès lors qu'un licenciement a été autorisé par une ordonnance du juge commissaire, la réalité des difficultés économiques de l'entreprise et la nécessité des suppressions de postes ne peuvent être contestées qu'en exerçant les voies de recours ouvertes contre cette ordonnance et ne peuvent être discutées devant l'administration. Dans ce cadre, en période d'observation, une ordonnance du juge commissaire, autorisant le licenciement d'un salarié protégé établit, dans le cadre du contrôle qu'il appartient à l'administration d'opérer, l'existence d'un motif économique de nature à justifier ce licenciement la réalité des difficultés économiques.

4. Par suite, la réalité des difficultés économiques de l'entreprise et la nécessité des suppressions de postes n'avaient pas, dans les circonstances présentes, à être examinées par le ministre du travail, des relations sociales et de la cohésion sociale dès lors que par une ordonnance du 16 août 2010, le juge-commissaire avait autorisé le licenciement contesté. La société Ateliers Cini est donc fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par M. A...tant en première instance qu'en appel.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 avril 2011 :

6. En premier lieu, le licenciement de M. A...ayant été autorisé par ordonnance du juge-commissaire portant autorisation de procéder à des licenciements pour motif économique, les motifs de licenciement ne pouvaient être contestés qu'en exerçant les voies de recours ouvertes contre cette ordonnance et ne peuvent être discutés ni devant l'administration, ni devant le juge administratif.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure(...) ". Il résulte de ces dispositions que l'employeur doit, au titre de son obligation de reclassement, s'efforcer de proposer au salarié des offres de reclassement écrites, précises et personnalisées, portant, si possible, sur un emploi équivalent. Si, pour juger de la réalité des efforts de reclassement de l'employeur, l'inspecteur du travail peut tenir compte de la volonté exprimée par le salarié, l'expression de cette volonté, lorsqu'il s'agit d'un reclassement sur le territoire national, ne peut néanmoins être prise en compte qu'après que des propositions de reclassement écrites, précises et personnalisées ont été effectivement exprimées, et à condition que l'information du salarié soit complète et exacte.

8. Le 23 octobre 2009, la société Ateliers Cini a adressé à plusieurs entreprises un premier courrier en recherche de reclassement des personnels dont le licenciement était envisagé. Le 5 août 2010, la société Ateliers Cini a adressé une demande de recherche de reclassement de dix huit salariés, dont M.A..., auprès d'entreprises de Meurthe-et-Moselle. Une des sociétés contactées, la société Hydro Leduc a alors indiqué à la société Ateliers Cini qu'elle était intéressée à étudier les profils de l'ensemble des personnels à reclasser. Le 31 août 2010, la société Ateliers Cini a demandé à M. A...de lui indiquer sous 48 heures s'il acceptait qu'une entrevue soit organisée avec la société Hydro Leduc. M. A... a répondu cinq jours après qu'il ne donnait pas suite à cette demande, estimant que son licenciement n'était pas encore avéré. Dans ces conditions, M. A...n'établit pas que l'entreprise n'a pas respecté ses obligations quant à son reclassement.

9. En troisième lieu, la circonstance qu'un congé formation ait été refusé en février 2007 pour raison de service à M. A...et qu'il fasse état d'une situation de harcèlement moral et discrimination syndicale dont il aurait été victime en juillet 2009, ne suffit pas à établir qu'il y aurait un lien entre son licenciement pour motif économique et l'exercice de ses mandats de membre de la délégation unique du personnel et de représentant des salariés dans la procédure de redressement judiciaire. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la place de M. A...dans l'ordre des licenciements établi par la société CNI ou l'application qui lui a été faite des critères en fonction desquels cet ordre a été défini, et sur la validité desquels il n'appartient pas à l'autorité administrative de se prononcer, ait été en rapport avec l'exercice des mandats dont l'intéressé était investi. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un lien entre la mesure de licenciement et les mandats de M. A...doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 27 avril 2011.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Ateliers Cini, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... au titre des frais qu'il a exposés au cours de la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1101152 du tribunal administratif de Nancy en date du 16 avril 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ateliers Cini, à M. C...A...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 15NC01260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01260
Date de la décision : 14/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : GUIDON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-01-14;15nc01260 ?
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