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29/12/2015 | FRANCE | N°14NC00899

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 29 décembre 2015, 14NC00899


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.B... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision en date du 18 février 2013 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit en exécution de l'interdiction judiciaire du territoire dont il fait l'objet.

Par un jugement n° 1300555 du 18 mars 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mai 2014, et des mémoires en r

plique enregistrés le 26 juin 2015, le 8 octobre 2015 et le 10 novembre 2015, M. B... E..., re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.B... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision en date du 18 février 2013 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit en exécution de l'interdiction judiciaire du territoire dont il fait l'objet.

Par un jugement n° 1300555 du 18 mars 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mai 2014, et des mémoires en réplique enregistrés le 26 juin 2015, le 8 octobre 2015 et le 10 novembre 2015, M. B... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 18 mars 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 18 février 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant cet examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a pas la nationalité nigériane ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, combiné avec les articles 19, 24 § 3, 28 et 33 à 36 de cette même convention ;

- elle méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens n'est fondé.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de la possibilité d'une substitution de base légale dès lors que la décision attaquée, prise en application du 1° de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressé est de nationalité nigériane, aurait pu être prise en application du 2° du même article dans la mesure où le requérant est titulaire d'un document de voyage en cours de validité délivré par les autorités nigérianes.

Par un mémoire enregistré le 28 novembre 2015, M. E...a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public précité.

Il soutient que :

- la substitution envisagée n'est pas possible dès lors que le préfet n'a pas motivé sa décision en droit ;

- le passeport délivré à son nom par les autorités nigérianes est un faux ;

- il appartient à la cour d'ordonner une expertise aux fins d'examiner l'authenticité de ce document ;

- la Cour nationale du droit d'asile a accordé le statut de réfugié à ses deux filles par décisions du 10 novembre 2015.

M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du président du bureau d'aide juridictionnelle du 8 juillet 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les observations de MeD..., pour M.E....

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.E..., né le 19 décembre 1974 au Sierra-Leone, est entré sur le territoire français le 13 novembre 1999 ; que, par une décision de la commission de recours des réfugiés du 18 octobre 2000, il a obtenu le statut de réfugié politique à raison des risques encourus au Sierra-Leone ; qu'il a épousé le 20 août 2010 Mme A...C..., de nationalité nigériane, et mère de ses quatre enfants nés sur le territoire français les 14 mars 2005, 27 janvier 2007, 22 juin 2008 et 12 novembre 2011 ; que M. E...et son épouse ont été condamnés à une peine d'emprisonnement de trois ans par une décision du tribunal correctionnel de Strasbourg en date du 18 février 2009, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 17 décembre 2009 ; que par un arrêt du 23 novembre 2011, cette même cour a également prononcé à l'encontre des deux époux une interdiction définitive du territoire français ; que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté le 14 novembre 2012 par la cour de cassation ; que par une décision du 13 avril 2012, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a cessé de reconnaitre la qualité de réfugié à M. E...au motif que l'intéressé, titulaire d'un passeport délivré par les autorités nigérianes, pouvait désormais se prévaloir de la protection des autorités du Nigéria ; que, tirant les conséquences de l'interdiction définitive du territoire français dont fait l'objet M.E..., libérable le 10 octobre 2013, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par une décision du 18 février 2013, fixé le Nigéria comme pays à destination duquel il pourra être reconduit ; que le requérant relève appel du jugement du 18 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La peine d'interdiction du territoire français susceptible d'être prononcée contre un étranger coupable d'un crime ou d'un délit est régie par les dispositions des articles 131-30, 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal ci-après reproduites : "Art. 131-30 du code pénal. / "Lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit. / "L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. / "Lorsque l'interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d'exécution de la peine. Elle reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. / "L'interdiction du territoire français prononcée en même temps qu'une peine d'emprisonnement ne fait pas obstacle à ce que cette peine fasse l'objet, aux fins de préparation d'une demande en relèvement, de mesures de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de permissions de sortir. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 541-3 du même code : " Les dispositions de l'article L. 513-2, du premier alinéa de l'article L. 513-3 et de l'article L. 561-1 sont applicables à la reconduite à la frontière des étrangers faisant l'objet d'une interdiction du territoire, prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal " ; que selon l'article L. 513-2 de ce code : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle a fixé le Nigéria comme pays à destination duquel M. E...pourrait être éloigné au motif que l'intéressé à la nationalité de ce pays ; que le préfet fait valoir que M. E...est titulaire d'un passeport délivré par les autorités du Nigéria, valable du 25 janvier 2011 au 24 janvier 2016, et soutient que cette circonstance permet de présumer que l'intéressé dispose de la nationalité nigériane ; que toutefois, M. E..., qui conteste avoir cette nationalité, produit en appel un courrier établi le 10 septembre 2015 à l'entête du service de l'immigration du Nigéria aux termes duquel l'intéressé " n'est pas nigérian tel que cela ressort des documents officiels tenus par l'autorité compétente " ; que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne conteste pas l'authenticité de ce document dont il ressort que M. E...n'a pas la nationalité nigériane ; que par suite, M. E...est fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle a entaché sa décision d'une erreur de fait en ordonnant l'éloignement de l'intéressé à destination du Nigéria au motif qu'il a la nationalité de ce pays ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que l'interdiction définitive du territoire français prononcée à l'encontre de M. E...fait obstacle, en l'absence de relèvement de cette mesure par l'autorité judiciaire, à ce qu'il soit délivré un titre de séjour ou même une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé ; qu'il s'ensuit que l'annulation de la décision attaquée implique seulement, pour son exécution, qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. E...demande sur le fondement des dispositions susvisées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1300555 du 18 mars 2014, ainsi que la décision du 18 février 2013 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a fixé le Nigéria comme pays à destination duquel M. E... pourrait être reconduit, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder au réexamen de la situation de M. E...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 14NC00899


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00899
Date de la décision : 29/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-12-29;14nc00899 ?
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