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10/12/2015 | FRANCE | N°15NC00654

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2015, 15NC00654


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Ets Milleret Centrale Laitière Notre Dame de Leffond a demandé au tribunal administratif de Besançon de lui accorder la décharge des intérêts de retard et pénalités mis en recouvrement à son encontre le 7 décembre 2012 pour un montant total de 123 493 euros et de dire et juger qu'elle est en droit d'exercer la déduction de la somme de 250 000 euros créditée au compte n°44563000 intitulé " TVA bloquée/immo et producteur ".

Par un jugement n° 1301044 du 19 février 20

15, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Ets Milleret Centrale Laitière Notre Dame de Leffond a demandé au tribunal administratif de Besançon de lui accorder la décharge des intérêts de retard et pénalités mis en recouvrement à son encontre le 7 décembre 2012 pour un montant total de 123 493 euros et de dire et juger qu'elle est en droit d'exercer la déduction de la somme de 250 000 euros créditée au compte n°44563000 intitulé " TVA bloquée/immo et producteur ".

Par un jugement n° 1301044 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 avril et 4 novembre 2015, la SA Ets Milleret Centrale Laitière Notre Dame de Leffond, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui accorder cette décharge ;

3°) de dire qu'elle est en droit d'exercer la déduction de la somme de 250 000 euros créditée au compte n° 44563000 intitulé " TVA bloquée/immo et producteur " ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration refuse d'admettre en déduction la somme de 250 000 euros figurant sur le compte n° 44563000 dès lors que l'administration fiscale lui a conseillé, en 1999, de pratiquer une telle retenue forfaitaire et l'a validée au cours de précédents contrôles en 2005 et 2007 ;

- l'administration ne lui a jamais opposé une quelconque péremption de ce droit à déduction ;

- les pénalités mises à sa charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts sont injustifiées ;

- sa bonne foi ne peut être remise en cause ;

- c'est sur les conseils de l'administration qu'elle a pratiqué une retenue forfaitaire de taxe sur la valeur ajoutée déductible ;

- elle est fondée à se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales de prises de positions formelles ;

- les intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts ne sont pas dus pour les mêmes raisons.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut à ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge des pénalités, celles-ci étant abandonnées et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- la requérante ne peut plus déduire la somme de 250 000 euros dès lors que se rattachant à des factures établies en 1999 et 2006, le droit à déduction ne s'exerce que dans le cadre du délai prévu au I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts ;

- cette somme a au demeurant été admise en compensation de précédents rappels de taxe sur la valeur ajoutée en 2005 et 2007 ; le solde du compte n° 44563000 aurait déjà dû être soldé à ces dates.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public.

1. Considérant que la SA Ets Milleret Centrale Laitière Notre-Dame de Leffond a fait l'objet du 1er décembre 2011 au 6 avril 2012 d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 septembre 2011 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a notamment constaté que sur la somme de 529 668 euros de crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont la société avait obtenu le remboursement par décision du 2 décembre 2011 à la suite de sa demande présentée le 20 octobre 2011 au titre du 3ème trimestre 2011, une somme de 201 019 euros avait été déduite à tort alors que le règlement des factures correspondantes n'était pas encore intervenu ; que la société a été informée, par proposition de rectification du 13 avril 2012, que cette somme de 201 019 euros allait faire l'objet d'un rappel ; qu'au cours du contrôle, la société a demandé à l'administration que soit imputée sur cette somme, une somme de 250 000 euros figurant à l'actif du bilan sur un compte n° 44563000 intitulé " TVA bloquée/immo et producteur " et correspondant selon la société à un montant de taxe sur la valeur ajoutée non encore déduite ; que le vérificateur a rejeté cette demande au motif qu'il n'était pas justifié que cette somme se rapportait à une taxe déductible dont l'omission de déduction pouvait être encore réparée dans le délai prévu au I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts ; que le rappel de 201 019 euros a été mis en recouvrement le 7 décembre 2012 ; qu'il a été assorti de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; que le 21 janvier 2012, la société a également présenté une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du 4ème trimestre 2011 pour un montant de 147 418 euros sur la base d'une taxe sur la valeur ajoutée déductible de 526 366 euros et d'une taxe sur la valeur ajoutée collectée de 378 948 euros ; qu'au titre de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, figurait à nouveau la somme de 250 000 euros ; que l'administration ayant refusé d'admettre en déduction cette somme pour le même motif que précédemment, la société s'est vu notifier, par proposition de rectification du 25 juin 2012, un rappel de 102 582 euros ; que ce rappel, mis en recouvrement le 7 décembre 2012, a été assorti de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts et des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du même code ; que la SA Ets Milleret Centrale Laitière Notre Dame de Leffond relève appel du jugement du 19 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période allant du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2011 ainsi que des pénalités et des intérêts de retard dont ces rappels ont été assortis ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que postérieurement à l'introduction de la requête, le 16 octobre 2015, l'administration a accordé à la requérante un dégrèvement de l'ensemble des pénalités ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le droit à déduction de la somme de 250 000 euros :

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts : " Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. Les régularisations prévues à l'article 207 doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations " ;

4. Considérant qu'il est constant que la somme de 250 000 euros que la requérante souhaite voir admise en déduction se rapporte à des factures établies en 1999 à hauteur de 181 444,33 euros et des factures établies en 2006 pour le solde soit 68 585,67 euros ; que la société avait dès lors, en application du I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, le droit de déduire cette taxe jusqu'au 31 décembre 2001 pour la somme de 181 444,33 euros et jusqu'au 31 décembre 2008 pour la somme de 68 585,67 euros ; que la société requérante ne peut, pour échapper à cette péremption, utilement soutenir que l'administration se contredit après lui avoir conseillé, lors d'un contrôle en 1999, de pratiquer une retenue forfaitaire de la taxe sur la valeur ajoutée égale au décalage existant alors entre la taxe sur la valeur ajoutée déduite et la taxe sur la valeur ajoutée facturée et après avoir admis, lors d'un deuxième contrôle en 2005, la validité d'une telle retenue ; qu'elle ne peut davantage utilement se prévaloir de ce que les services fiscaux n'ont pas, lors de précédents contrôles, opposé une telle péremption ; que cette dernière circonstance ne saurait constituer une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales opposable à l'administration fiscale ; que la société requérante n'établit pas non plus que l'administration fiscale aurait formellement admis que la somme de 250 000 euros puisse être admise en déduction au-delà du délai qui lui était imparti ; qu'il résulte, au demeurant, de l'instruction que la somme de 250 000 euros en litige a été admise à deux reprises au cours des précédentes vérifications de comptabilité effectuées en 2005 et 2007 en compensation de rappels de taxe ; que le solde du compte 44563000 aurait en conséquence du être soldé à ces dernières dates et non, comme la société prétend l'avoir fait, après le dépôt de sa demande de remboursement du 21 janvier 2012 ; qu'il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre à nouveau en 2011 la déduction de cette somme ;

Sur les intérêts de retard :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. II. - L'intérêt de retard n'est pas dû : 1. Lorsque sont applicables les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F ; 2. Au titre des éléments d'imposition pour lesquels un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte, ou dans une note annexée, les motifs de droit ou de fait qui le conduisent à ne pas les mentionner en totalité ou en partie, ou à leur donner une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées ; 2 bis. Au titre des éléments d'imposition afférents à une déclaration souscrite dans les délais prescrits, lorsque le principe ou les modalités de la déclaration de ces éléments se heurtent, soit à une difficulté d'interprétation d'une disposition fiscale entrée en vigueur à compter du 1er janvier de l'année précédant l'échéance déclarative, soit à une difficulté de détermination des incidences fiscales d'une règle comptable, et que les conditions suivantes sont remplies : 1° Le contribuable de bonne foi a joint à sa déclaration la copie de la demande, déposée avant l'expiration du délai de déclaration, par laquelle il a sollicité de l'administration, de manière précise et complète, une prise de position sur la question sans obtenir de réponse ; 2° L'administration n'a pas formellement pris position sur la question avant l'expiration du délai de déclaration. 2 ter. Si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur la valeur locative des biens mentionnés au I de l'article 1496 et à l'article 1498 et s'il est démontré, d'une part, que le contribuable de bonne foi a acquitté l'imposition sur la base du rôle établi par l'administration et, d'autre part, que celui-ci ne résultait ni d'un défaut ni d'une inexactitude de déclaration. 3. Sauf manquement délibéré, lorsque l'insuffisance des chiffres déclarés, appréciée pour chaque bien, n'excède pas le dixième de la base d'imposition en ce qui concerne les droits d'enregistrement ou la taxe de publicité foncière ; 4. Sauf manquement délibéré, lorsque l'insuffisance des chiffres déclarés n'excède pas le vingtième de la base d'imposition en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés. Sont assimilées à une insuffisance de déclaration lorsqu'elles ne sont pas justifiées : a. les dépenses de tenue de comptabilité et d'adhésion à un centre de gestion ou à une association agréés ouvrant droit à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 quater B ; b. les charges ouvrant droit aux réductions d'impôt prévues à l'article 199 septies ; c. les dépenses ouvrant droit aux crédits d'impôts prévus aux articles 200 quater et 200 quater A ; d. les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater B. En cas de rectifications apportées aux résultats des sociétés appartenant à des groupes mentionnés à l'article 223 A, l'insuffisance des chiffres déclarés s'apprécie pour chaque société (...) " ;

6. Considérant que si la société requérante soutient que les intérêts de retard ne sont pas dus dès lors que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux sont l'une des conséquences directes des conseils donnés par le vérificateur lors du précédent contrôle effectué en 1999, il résulte de l'instruction que la société ne se trouve dans aucune des hypothèses prévues par le II de l'article 1727 du code général des impôts où les intérêts de retard ne sont pas dus ; qu'enfin, comme il a été dit au point 4, l'administration fiscale n'a jamais formellement admis, en particulier au cours de précédents contrôles, que la société requérante puisse déduire la somme de 250 000 euros au-delà du délai de péremption de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts ; que la SA Ets Milleret Centrale Laitière Notre Dame de Leffond n'est en conséquence et, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir sur le fondement des articles L. 80 A et L 80 B du livre des procédures fiscales d'une telle prise de position formelle qui serait opposable à l'administration fiscale ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Ets Milleret Centrale Laitière Notre Dame de Leffond n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SA Ets Milleret demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SA Ets Milleret Centrale Laitière Notre Dame de Leffond en tant qu'elles tendent à la décharge des pénalités.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA Ets Milleret Centrale Laitière Notre Dame de Leffond est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Ets Milleret Centrale Laitière Notre Dame de Leffond et au ministre des finances et des comptes publics.

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N° 15NC0654


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00654
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-01-03 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Opposabilité des interprétations administratives (art. L. 80 A du livre des procédures fiscales).


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : SELARL BULLE PITTET SUTTER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-12-10;15nc00654 ?
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