Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Domaine de Kiesbruck a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 13 mars 2013 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé d'accorder une dérogation à l'interdiction d'ouverture des établissements de commerce le dimanche, et d'enjoindre au préfet d'accorder cette dérogation.
Par un jugement n° 1301045 du 26 mars 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et a rejeté les conclusions à fin d'injonction présentées par la société.
Procédure devant la cour :
I. Par un recours, enregistré le 30 mai 2014 sous le n° 14NC01068, le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 mars 2014 ;
2°) de rejeter la demande de la SARL Domaine de Kiesbruck.
Le ministre soutient que :
- la vente d'articles de pêche ne fait l'objet d'aucune dérogation au principe d'interdiction d'ouverture le dimanche, prévu à l'article L. 3134-2 du code du travail ;
- si l'exploitation des étangs dont la société est propriétaire peut être regardée comme une activité de divertissement pour laquelle l'ouverture le dimanche est permise en application de l'article L. 3134-10 du même code, il n'en va pas de même de l'activité de vente d'articles de pêche ;
- la vente d'articles de pêche n'est pas nécessaire à l'activité de divertissement ;
- une dérogation au principe d'interdiction d'ouverture le dimanche ne peut être accordée à titre individuel, mais seulement pour un secteur d'activité.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 14 août 2014 et le 16 juillet 2015, la SARL Domaine de Kiesbruck, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Domaine de Kiesbruck soutient que :
- le recours du ministre est irrecevable pour avoir été présenté tardivement ;
- le ministre n'a pas qualité pour faire appel ;
- elle exerce une activité récréative de loisirs ;
- la vente de matériels de pêche est destinée aux utilisateurs de la base de loisirs.
II. Par une ordonnance du 11 juin 2014, le président du tribunal administratif de Nancy a transmis à la cour le recours, enregistré le 3 juin 2014 au greffe de ce tribunal, et, sous le n° 14NC01091, le 13 juin 2014 au greffe de la cour, formé par le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 mars 2014.
Par un recours, enregistré le 3 juin 2014, le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 mars 2014 ;
2°) de rejeter la demande de la SARL Domaine de Kiesbruck.
Le ministre soulève les mêmes moyens que ceux exposés dans la requête susvisée, enregistrée le 30 mai 2014 sous le n° 14NC01068.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 14 août 2014 et le 16 juillet 2015, la SARL Domaine de Kiesbruck, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Domaine de Kiesbruck soulève les mêmes moyens que ceux exposés dans son mémoire en défense susvisé, enregistré le 14 août 2014 sous le n° 14NC01068.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code du travail ;
- l'arrêté préfectoral du 17 juillet 1956 autorisant l'ouverture de certains commerces les dimanches et jours fériés ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la SARL Domaine de Kiesbruck.
1. Considérant que le préfet de la Moselle a, par une décision du 13 mars 2013, refusé d'accorder la dérogation sollicitée par la SARL Domaine de Kiesbruck sur le fondement de l'article L. 3134-7 du code du travail, en vue de permettre l'ouverture le dimanche de son établissement de commerce d'articles de pêche situé à Manom ; que, par deux recours qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social fait appel du jugement du 26 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3134-2 du code du travail, applicable aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin : " L'emploi de salariés dans les entreprises industrielles, commerciales ou artisanales est interdit les dimanches et jours fériés, sauf dans les cas prévus par le présent chapitre " ; qu'aux termes de l'article L. 3134-4 du même code, inséré dans le même chapitre : " Dans les exploitations commerciales, les salariés ne peuvent être employés le premier jour des fêtes de Noël, de Pâques ou de Pentecôte. / Les autres dimanches et jours fériés, leur travail ne peut dépasser cinq heures. / Par voie de statuts ayant force obligatoire, adoptés après consultation des employeurs et des salariés et publiés selon les formes prescrites, les départements ou communes peuvent réduire la durée du travail ou interdire complètement le travail pour toutes les exploitations commerciales ou pour certaines branches d'activité. / Pendant les quatre dernières semaines précédant Noël ou pour certains dimanches et jours fériés pour lesquels les circonstances locales rendent nécessaire une activité accrue, l'autorité administrative peut porter le nombre d'heures travaillées jusqu'à dix. / Les heures pendant lesquelles le travail a lieu sont déterminées, compte tenu des horaires des services religieux publics, par les dispositions statutaires qui ont réduit la durée des heures de travail et, dans les autres cas, par l'autorité administrative. Elles peuvent être fixées de façon différente pour chaque branche d'activité commerciale (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté préfectoral du 17 juillet 1956 autorisant l'ouverture de certains commerces les dimanches et jours fériés, pris en application du troisième alinéa de l'article L. 3134-4 du code du travail : " L'ouverture des commerces les dimanches et jours fériés reste interdite, sauf pour les commerces suivants : pharmacie, débits de tabac, journaux, hôtels, restaurants, cafés, spectacles, transports, pâtisseries et fleurs naturelles. " ; qu'aux termes de l'article L. 3134-10 du même code : " Les articles L. 3134-2 à L. 3134-9 ne s'appliquent pas aux activités de restauration, d'hôtellerie et de débits de boissons, aux représentations musicales et théâtrales, aux expositions ou à d'autres divertissements, ainsi qu'aux entreprises de transport. / Dans ces secteurs d'activité, les employeurs ne peuvent obliger les salariés durant les dimanches et les jours fériés qu'aux seuls travaux qui, en raison de la nature de l'exploitation intéressée, ne peuvent être ajournés ou interrompus. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SARL Domaine de Kiesbruck exploite, sur le territoire de Manom, un domaine ouvert aux pêcheurs, constitué de plusieurs étangs, d'installations de pique-nique et d'aires de jeux destinés aux enfants ; que la société exploite en outre, à proximité de ses installations de loisirs, un établissement de commerce de location et de vente d'articles de pêche ; qu'à supposer même que les installations de loisirs destinées aux pêcheurs permettent d'assurer un divertissement au sens de l'article L. 3134-10 précité du code du travail, la circonstance que la vente et la location d'articles de pêche constituent une activité utile aux pêcheurs, accessoire desdites installations de loisirs, n'est pas par elle-même de nature à faire entrer cette activité commerciale dans le champ d'application de l'article L. 3134-10 du code du travail ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision attaquée, les premiers juges ont considéré que l'établissement de la société intimée commercialisant des articles de pêche entrait dans le champ d'application de cet article et pouvait, à ce titre, ouvrir le dimanche sans restriction ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Domaine de Kiesbruck devant le tribunal administratif de Strasbourg et devant elle-même ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3134-7 du code du travail : " Des dérogations aux dispositions des articles L. 3134-3 et L. 3134-4 peuvent être accordées par l'autorité administrative pour les catégories d'activités dont l'exercice complet ou partiel est nécessaire les dimanches ou les jours fériés pour la satisfaction de besoins de la population présentant un caractère journalier ou se manifestant particulièrement ces jours-là (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que la pêche est une activité de loisir pratiquée plus particulièrement le dimanche ; qu'eu égard à la nature de cette activité, la faculté de procéder, le jour même, aux achats et à la location des diverses fournitures en permettant l'exercice est nécessaire à la satisfaction de ce besoin ; que si la dérogation au principe d'interdiction d'ouverture le dimanche prévue par les dispositions de l'article L. 3134-7 du code du travail ne peut être accordée que pour une catégorie d'activités, cette circonstance n'interdit pas à une société commerciale de solliciter cette dérogation pour la catégorie dont relève son activité ; que par suite, la SARL Domaine de Kiesbruck est fondée à soutenir que le préfet ne pouvait refuser d'accorder la dérogation sollicitée sur le fondement de l'article L. 3134-7 du code du travail ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées en défense, que le ministre chargé du travail n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 13 mars 2013 par laquelle le préfet de la Moselle a rejeté la demande de la SARL Domaine de Kiesbruck ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Domaine de Kiesbruck et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les recours du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social sont rejetés.
Article 2 : L'Etat versera à la SARL Domaine de Kiesbruck une somme de 1 000 (mille) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la SARL Domaine de Kiesbruck.
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N° 14NC01068, 14NC01091