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29/10/2015 | FRANCE | N°14NC00849

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 29 octobre 2015, 14NC00849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA DPF Investissements a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales qui ont été mises à sa charge au titre des années 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1201016 du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enr

egistrés respectivement le 12 mai 2014, le 13 octobre 2014 et le 4 mars 2015, la SA DPF Investissem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA DPF Investissements a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales qui ont été mises à sa charge au titre des années 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1201016 du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 12 mai 2014, le 13 octobre 2014 et le 4 mars 2015, la SA DPF Investissements, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 mars 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales qui ont été mises à sa charge au titre des années 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes.

Elle soutient que :

- les dispositions des articles 223 B et 223 D du code général des impôts lui permettent de neutraliser au titre des exercices clos en 2005 et 2006, en sa qualité de société tête de groupe fiscalement intégré, la reprise des provisions pour dépréciation d'un compte courant et d'une participation dans la SA Champagne Prin père et fils qui est une filiale intégrée, alors même que cette société a été absorbée le 1er janvier 2004 par une autre société du groupe ;

- la fusion-absorption de la SA Champagne Prin père et fils par la SA Bourg du Midi le 1er janvier 2004 implique la reprise des droits et obligations de la société absorbée par la société absorbante, qui comprend notamment le droit au bénéfice du régime fiscal d'intégration permettant la neutralisation des reprises de provisions ; contrairement à ce que soutient l'administration, la société absorbante, comme la société absorbée dont elle a repris tous les droits et obligations du fait de la transmission universelle du patrimoine, sont demeurées membres du groupe ;

- le bénéfice du régime fiscal d'intégration fiscale permettant la neutralisation des reprises de provisions en cas de fusion-absorption n'induit pas de double déduction au niveau du résultat d'ensemble du groupe ;

- le principe de neutralité fiscale du régime spécial des fusions issu de la directive 94/434/CEE du 23 juillet 1990 modifiée par la directive 2005/19/CE s'oppose à la perte du bénéfice de la neutralisation des reprises de provisions au niveau du résultat du groupe qui résulte selon l'administration de la fusion-absorption d'une filiale du groupe par une autre ; ce régime s'applique même en cas de fusion purement interne ; c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la règle européenne de neutralité du régime fiscal des fusions n'était pas applicable à une fusion entre deux sociétés de droit interne ;

- la neutralité fiscale de la fusion des sociétés Champagne Prin père et fils et Bourg du Midi implique nécessairement la neutralisation au niveau du résultat du groupe de la reprise des provisions par la SA DPF Investissements dès lors qu'en l'absence de fusion, cette neutralisation aurait été autorisée ; la fusion est seulement une opération intercalaire qui justifie le maintien de la neutralisation de la reprise des provisions ; la position de l'administration conduit à une double imposition ;

- aucune compensation n'existe entre l'absence de neutralisation de la reprise des provisions et la moins-value correspondant à la dépréciation pour laquelle la provision a été constituée à l'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2014, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SA DPF Investissements ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive du conseil n° 90/434 du 23 juillet 1990 modifiée concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant les sociétés d'États membres différents ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi,

- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public.

Sur l'application de la loi fiscale :

1. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. ( ...) / Les provisions qui, en tout ou en partie, (...) deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 B du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 217 bis (...) Il est majoré du montant des dotations complémentaires aux provisions constituées par une société après son entrée dans le groupe, à raison des créances qu'elle détient sur d'autres sociétés du groupe ou des risques qu'elle encourt du fait de telles sociétés (...) Celui-ci est également minoré du montant des provisions rapportées en application du seizième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 qui correspondent aux dotations complémentaires non retenues en application du premier alinéa si les sociétés citées aux deux premières phrases de cet alinéa membres du groupe ou, s'agissant des provisions mentionnées à la première phrase, d'un même groupe créé ou élargi dans les conditions prévues aux c, d ou e du 6 de l'article 223 L au titre de l'exercice au cours duquel ces provisions sont rapportées (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que pour déterminer le résultat imposable d'un groupe fiscalement intégré, conformément au principe général de neutralisation des opérations internes à un groupe fiscalement intégré instauré par le législateur et visant à éviter une double prise en compte, dans le résultat d'ensemble, du résultat des sociétés intégrées, la neutralisation de la reprise des provisions constituées à raison des créances qu'une société membre d'un groupe détient sur d'autres sociétés membres du groupe ou des risques qu'elle encourt du fait de telles sociétés est soumise à la condition que les sociétés créancière et débitrice l'une de l'autre soient encore membres du groupe à la date de cette reprise ;

2. Considérant que la société anonyme DPF Investissements, société mère à la tête d'un groupe fiscalement intégré, a comptabilisé au titre de l'exercice 2002 une provision pour dépréciation du compte courant ouvert au nom de sa filiale, la société par actions simplifiée Champagne Prin père et fils, pour un montant de 1 147 922 euros, dotation complétée au cours de l'exercice 2003 à hauteur de 36 043 euros ; qu'elle a également constitué au titre de l'exercice 2002 une provision pour dépréciation des titres qu'elle détenait dans cette même filiale pour un montant de 211 751 euros ; que le 1er janvier 2004, la société par action simplifiée Champagne Prin père et fils a été absorbée par la société anonyme Bourg du Midi, celle-ci ayant repris la dénomination Champagne Prin père et fils ; qu'au titre des exercices 2004, 2005 et 2006, la société DPF Investissements a partiellement repris dans ses écritures la provision pour dépréciation de compte courant ouvert au nom de la société Champagne Prin père et fils qu'elle avait comptabilisée en 2002 et 2003 et a totalement repris la provision d'un montant de 211 751 euros pour dépréciation de titres qu'elle avait comptabilisée en 2002 ; que la société DPF Investissements, qui avait procédé à la déduction du montant des provisions litigieuses du résultat d'ensemble du groupe, conteste la remise en cause par l'administration de la neutralisation, pour le calcul du résultat du groupe, de la reprise de ces provisions en soutenant que l'administration fait une interprétation erronée des dispositions de l'article 223 B du code général des impôts notamment au regard des effets en droit civil de la transmission de patrimoine consécutive à l'opération de fusion-absorption ; que toutefois, la société SAS Champagne Prin père et fils ayant été absorbée par la SA Bourg du Midi le 1er janvier 2004, la société absorbée a été dissoute, ce qui a nécessairement impliqué sa sortie du groupe ; qu'ainsi, alors même que la fusion a eu pour effet en 2004 la transmission universelle du patrimoine de la société Champagne Prin père et fils à la société Bourg du Midi absorbante, la société DPF Investissements ne pouvait pas neutraliser postérieurement à l'exercice 2004 la reprise des provisions constituées avant l'absorption, c'est-à-dire la disparition, de la société Champagne Prin père et fils ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 223 D du code général des impôts : " la plus-value nette ou la moins-value nette à long terme d'ensemble est déterminée par la société mère en faisant la somme algébrique des plus-values ou des moins-values nettes à long terme de chacune des sociétés du groupe, déterminées et imposables selon les modalités prévues aux articles 39 duodecies à 39 quindecies et 217 bis./ (...) Le montant des dotations complémentaires aux provisions constituées par une société après son entrée dans le groupe à raison des participations détenues dans d'autres sociétés du groupe est ajouté à la plus-value nette à long terme d'ensemble ou déduit de la moins-value nette à long terme d'ensemble. En cas de cession entre sociétés du groupe de titres éligibles au régime des plus ou moins-values à long terme, les dotations aux provisions pour dépréciation de ces titres effectuées postérieurement à la cession sont également ajoutées à la plus-value nette à long terme d'ensemble ou retranchées de la moins-value nette à long terme d'ensemble, à hauteur de l'excédent des plus-values ou profits sur les moins-values ou pertes afférent à ces mêmes titres, qui n'a pas été pris en compte, en application du premier alinéa de l'article 223 F, pour le calcul du résultat ou de la plus ou moins-value nette à long terme d'ensemble. Lorsque, en application du deuxième alinéa de l'article 223 F, la société mère comprend dans la plus ou moins-value nette à long terme d'ensemble la plus ou moins-value non prise en compte lors de sa réalisation, la fraction de la provision qui n'a pas été retenue en application de la deuxième phrase du présent alinéa, ni rapportée en application du dix-septième alinéa du 5° du 1 de l'article 39, est, selon le cas, retranchée de la plus-value nette à long terme d'ensemble ou ajoutée à la moins-value nette à long terme d'ensemble. Le montant des provisions rapportées en application de la première phrase du dix-septième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 qui correspondent aux dotations complémentaires non retenues en application du présent alinéa est déduit de la plus-value nette à long terme d'ensemble ou ajouté à la moins-value nette à long terme d'ensemble si les sociétés citées aux deux premières phrases de cet alinéa sont membres du groupe ou, s'agissant des provisions mentionnées à la première phrase, d'un même groupe créé ou élargi dans les conditions prévues aux c, d ou e du 6 de l'article 223 L au titre de l'exercice au cours duquel les provisions sont rapportées " ;

4. Considérant que si la société DPF Investissements soutient que la neutralisation de la reprise des provisions, constituées en 2002 et 2003, pour déterminer le résultat du groupe au titre des années 2005 et 2006 ne donnerait pas lieu à une déduction indue, il ressort des dispositions précitées de l'article 223 D du code général des impôts que les dettes de la société Champagne Prin père et fils à l'égard de la société DPF Investissements pour lesquelles les provisions ont été constituées ont nécessairement été prises en compte pour déterminer le montant des plus-values ou des moins-values réalisées à l'occasion de l'absorption de la société Champagne Prin père et fils par la société Bourg du Midi au cours de l'exercice 2004 ; que dans ces conditions, la société ne saurait utilement soutenir que l'administration a méconnu ces dispositions en refusant la neutralisation de la reprise des provisions en litige ;

5. Considérant, en troisième lieu, que si la société DPF investissement se prévaut des dispositions de la directive n° 90/434 CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actif et échange d'actions, il résulte toutefois des termes mêmes de l'article 1er de cette directive qu'elle ne crée d'obligations à l'égard des États membres qu'au regard des opérations qui concernent des sociétés de deux ou de plusieurs États membres ; que, dès lors, la société requérante ne peut utilement invoquer les dispositions de cette directive pour contester l'application des dispositions de l'article 223 B du code général des impôts à une opération qui ne concerne pas d'autres sociétés que des sociétés françaises, alors même que le législateur national a choisi de ne pas distinguer les fusions entre sociétés françaises et celles entre sociétés d'États membres différents ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 210 A du code général des impôts : " 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés. / Il en est de même de la plus-value éventuellement dégagée par la société absorbante lors de l'annulation des actions ou parts de son propre capital qu'elle reçoit ou qui correspondent à ses droits dans la société absorbée. L'inscription à l'actif de la société absorbante du mali technique de fusion consécutif à l'annulation des titres de la société absorbée ne peut donner lieu à aucune déduction ultérieure. / 2. L'impôt sur les sociétés n'est applicable aux provisions figurant au bilan de la société absorbée que si elles deviennent sans objet " ;

7. Considérant que la société DPF Investissements soutient que la remise en cause de la neutralisation de la reprise des provisions, qu'elle a effectuée pour déterminer le résultat fiscal du groupe au titre des exercices 2005 et 2006, méconnaîtrait le principe de neutralité fiscale des opérations de fusion entre sociétés qui résulterait des dispositions précitées de l'article 210 A du code général des impôts ; que ces dispositions sont toutefois relatives à l'impôt sur les sociétés dû par la société absorbée et la société absorbante au titre de l'exercice au cours duquel est réalisée une fusion et non à l'impôt dû par la société mère et ne peuvent, par conséquent, être utilement invoquées par la société DPF Investissements pour contester la remise en cause par le service de la neutralisation de la reprise de provisions litigieuses ;

Sur l'application de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales :

8. Considérant que les requérants ne sauraient utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales de la documentation référencée DB 4-I-IS n°2 qui ne donne pas, sur ce point, une interprétation différente des dispositions légales précitées ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA DPF Investissements n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA DPF Investissements est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA DPF Investissements et au ministre des finances et des comptes publics.

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N° 14NC00849


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