Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés des 11 juillet 2014 et 29 septembre 2014 par lesquels le préfet des Vosges leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés, puis les a assignés à résidence.
Par des jugements n° 1402561 et n° 1402562 du 15 octobre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 22 janvier 2015 sous le n° 15NC00155, M. A...B..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1402561 du tribunal administratif de Nancy du 15 octobre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 11 juillet 2014, en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de réexaminer sa situation et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me D...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne que constitue le droit à une bonne administration et l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne obligeant le préfet à l'entendre préalablement à l'édiction de la mesure litigieuse ;
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour prendre la décision litigieuse ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est contraire aux dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et aux stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle a été prise à l'issue d'un examen de sa demande d'asile selon la procédure prioritaire qui le prive d'un accès effectif au juge de l'asile ;
- la décision lui accordant un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation en droit et en fait ;
- il ne résulte pas de cette décision qu'un examen particulier de sa situation personnelle aurait été effectué ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des deux précédentes décisions ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er avril 2015, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par une décision du 18 décembre 2014, le président du bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
II. Par une requête enregistrée le 22 janvier 2015 sous le n° 15NC00156, Mme C...B..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1402562 du tribunal administratif de Nancy du 15 octobre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 11 juillet 2014, en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de réexaminer sa situation et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me D...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Elle soulève les mêmes moyens que ceux qui sont invoqués dans la requête susvisée, enregistrée sous le n° 15NC00155.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2015, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par une décision du 18 décembre 2014, le président du bureau d'aide juridictionnelle a admis Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la décision n° 93-325 du 13 août 1993 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Mme Dhiver a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. et MmeB..., ressortissants albanais nés le 5 avril 1981 et le 19 juillet 1982, sont, selon leurs déclarations, entrés irrégulièrement en France le 13 janvier 2014 accompagnés de leurs deux enfants mineurs afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié, qui leur a été refusée par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 mai 2014, rendues selon la procédure prioritaire ; que, par deux arrêtés du 11 juillet 2014, le préfet des Vosges leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés, puis les a assignés à résidence le 29 septembre suivant ; que, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme B...relèvent appel des jugements du 15 octobre 2014, en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy, saisi selon la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment: / le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " ;
3. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ; que M. et MmeB..., qui ont bénéficié du droit d'être entendus lors de l'examen de leur demande de titre de séjour, ne sont ainsi pas fondés à soutenir qu'ils ont été privés de ce droit qu'ils tiennent notamment de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour assortir les refus de titre de séjour d'obligations de quitter le territoire français ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B...ne sont entrés en France que six mois avant la date des décisions contestées, qu'ils font tous deux l'objet de mesures d'éloignement et que rien ne s'oppose à ce qu'ils poursuivent avec leurs deux enfants leur vie familiale dans leur pays d'origine où ils ont vécu, respectivement, jusqu'à l'âge de 32 et 31 ans ; que, dès lors, les décisions portant obligation de quitter le territoire français du préfet des Vosges n'ont pas porté aux droits des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises ; que, par suite, elles n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant, en quatrième lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution " ; que si ces dispositions garantissent le droit de toute personne d'exercer un recours juridictionnel effectif ; ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 3-325 DC du 13 août 1993, le législateur pouvait, dans le respect de ce principe, prévoir qu'un demandeur d'asile n'aurait pas droit à être maintenu sur le territoire français pendant l'examen de son recours dirigé contre une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dès lors qu'il garantissait la possibilité d'un tel recours ; qu'en outre, aucune stipulation de la convention de Genève ni aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonne l'examen du recours d'un demandeur d'asile auquel l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de reconnaître le statut de réfugié à son maintien sur le territoire français durant l'instance pendante devant la Cour nationale du droit d'asile, réserve faite de l'obligation de déférer à la comparution personnelle que la cour peut ordonner en vertu des dispositions de l'article R. 733-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en dernier lieu, que l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ; que ces stipulations garantissent à toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la convention ont été violés, le droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale ;
9. Considérant que l'étranger qui fait l'objet de la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose du droit de se maintenir sur le territoire uniquement jusqu'à ce que lui soit notifiée la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que s'il dispose de la possibilité de contester cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile, les stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'impliquent pas qu'il puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant cette juridiction, dès lors, d'une part, qu'il peut utilement faire valoir l'ensemble de ses arguments dans le cadre d'une procédure écrite et se faire représenter à l'audience et, d'autre part, qu'un recours suspensif est ouvert contre la mesure d'éloignement ; qu'ainsi, M. et Mme B...qui, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, ont fait l'objet de la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne sont pas fondés à soutenir que les obligations de quitter le territoire français qui leur ont été opposées le 11 juillet 2014 méconnaîtraient les stipulations précitées ;
Sur la légalité des décisions portant octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours :
10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en l'absence de toute illégalité entachant les décisions portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de ce que les décisions fixant le délai de départ volontaire doivent être annulées, par voie de conséquence de l'illégalité de ces autres décisions, ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. [...] Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ;
12. Considérant que, d'une part, lorsqu'elle accorde le délai de trente jours prévu par ces dispositions, la décision accordant un délai de départ volontaire n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens desdites dispositions, une telle prolongation ; qu'en l'espèce, les requérants n'allèguent pas avoir demandé le bénéfice d'une telle prolongation et ne font état d'aucun élément autre que ceux présentés dans le cadre de leur demande d'asile qui seraient suffisamment précis pour rendre nécessaire une telle prolongation ; que la seule circonstance qu'un recours non suspensif contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile serait pendant devant la Cour nationale du droit d'asile ne suffit pas à établir que le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire supérieur ;
13. Considérant que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Vosges se serait cru lié par le délai de trente jours prévu comme limite supérieure du délai devant être laissé pour un départ volontaire et n'aurait pas examiné, au vu des pièces dont il disposait, la possibilité de prolonger le délai de départ volontaire octroyé aux requérants avant de le fixer à trente jours ; qu'ainsi, le préfet, qui a procédé à l'examen de la situation personnelle des requérants, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au délai de départ volontaire ni commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
14. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en l'absence de toute illégalité entachant les décisions portant obligation de quitter le territoire français et accordant un délai de départ volontaire, le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de destination doivent être annulées, par voie de conséquence de l'illégalité de ces décisions, ne peut qu'être écarté ;
15. Considérant, en second lieu, que M. et Mme B...reprennent en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, les moyens qu'ils avaient invoqué en première instance tirés de ce que les décisions contestées ne seraient pas motivées et méconnaîtraient tant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. et Mme B...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 15NC00155, 15NC00156