La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2015 | FRANCE | N°14NC02271

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2015, 14NC02271


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...et Mme C...D...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 30 janvier 2014 par lesquels le préfet de la Moselle leur a refusé un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés.

Par un jugement n° 1402155-1402157 du 17 septembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistr

ée le 17 décembre 2014, M. et MmeD..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...et Mme C...D...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 30 janvier 2014 par lesquels le préfet de la Moselle leur a refusé un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés.

Par un jugement n° 1402155-1402157 du 17 septembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2014, M. et MmeD..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

- les refus de titre de séjour sont insuffisamment motivés ;

- ils méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils sont entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences ;

- les obligations de quitter le territoire français doivent être annulées en raison de l'illégalité des refus de titre de séjour ;

- le préfet s'est à tort cru en situation de compétence liée pour prendre de telles mesures à leur encontre ;

- leur placement en procédure prioritaire est entaché d'illégalité ;

- le préfet s'est également cru à tort lié par le délai de trente jours indiqué à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour leur accorder un délai de départ volontaire de cette durée ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne leur accordant pas un délai de départ volontaire d'une durée supérieure à 30 jours ;

- les décisions fixant le pays de destination sont insuffisamment motivées ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2015, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par une décision du 27 novembre 2014, le président du bureau d'aide juridictionnelle a admis M.et Mme D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Bonifacj, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme et M.D..., ressortissants bosniens, sont entrés irrégulièrement en France le 9 octobre 2011 afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que leurs demandes ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 23 décembre 2013 rendues selon la procédure prioritaire ; que, par deux arrêtés du 30 janvier 2014, le préfet de la Moselle leur a refusé le titre de séjour sollicité, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés ; que, par un jugement du 17 septembre 2014, dont M. et Mme D... relèvent appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que les décisions contestées font mention de ce que M. et Mme D...ont sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié le 9 octobre 2013, que l'admission au séjour leur a été refusée, que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qu'ils ne disposaient du droit de se maintenir sur le territoire français que jusqu'à la notification du rejet de leurs demandes et que les intéressés pouvaient, dès lors, se voir refuser la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si le préfet n'a pas indiqué que M. et Mme D...n'entraient pas non plus dans le cas prévu à l'article L. 313-13 de ce code relatif à la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger ayant obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire, cette seule circonstance n'est pas de nature à entacher d'un défaut de motivation les décisions contestées, qui ont énoncé en des termes suffisamment précis que M. et Mme D...ne pouvaient se voir attribuer un titre de séjour au titre de l'asile du fait du rejet de leurs demandes, ce qui visait nécessairement à la fois le refus de reconnaissance de la qualité de réfugiée et le refus du bénéfice de la protection subsidiaire ; que, par ailleurs, le préfet, qui n'avait pas été saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais qui devait examiner d'office, ainsi qu'il l'a fait, s'il y avait lieu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régulariser la situation de M. et Mme D..., n'avait pas à expliciter les éléments d'appréciation l'ayant conduit à estimer que leur admission au séjour ne se justifiait ni à titre dérogatoire, ni au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, en l'absence de circonstances autres que celles invoquées dans la demande d'asile des intéressés ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions attaquées ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences à l'égard des intéressés en cas de retour dans leur pays d'origine sont inopérants, dès lors que ces décisions portant refus de titre de séjour n'impliquent pas, par elles-mêmes, le renvoi de ces derniers dans leur pays d'origine ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué par voie d'exception, tiré de l'illégalité des refus de titre de séjour doit être écarté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour assortir ses décisions de refus de séjour de mesures d'éloignement ou pour fixer à trente jours le délai laissé aux requérants pour exécuter leurs obligations de quitter le territoire français ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / (...) 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande. / (...) Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4°. " ; qu'aux termes de l'article L. 723-1 du même code : " (...) L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-5 du même code : " Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande. Celle-ci est examinée dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 723-1. " et qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (...) " ;

12. Considérant, d'une part, que les décisions par lesquelles le préfet refuse, en fin de procédure, le séjour à l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et l'oblige à quitter le territoire français ne sont pas prises pour l'application de la décision par laquelle le préfet statue, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour ; que la décision prise sur l'admission au séjour ne constitue pas davantage la base légale du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des refus d'admission provisoire au séjour opposés le 9 octobre 2013 à M. et Mme D...ne peut, en tout état de cause, être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre les décisions contestées du préfet de la Moselle du 30 janvier 2014, prises après la notification du rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié dans le cadre de la procédure prioritaire ;

13. Considérant, d'autre part, que, alors que la Bosnie est inscrite sur la liste des pays sûr arrêtée par délibération du conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, il ne ressort pas des pièces du dossier que les demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié présentées par M. et Mme D...auraient à tort été regardées par le préfet de la Moselle comme relevant des cas mentionnés à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

14. Considérant, enfin, que la seule circonstance que les recours de M. et Mme D... devant la Cour nationale du droit d'asile étaient alors toujours pendants ne permet pas d'établir que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle des intéressés en ne leur octroyant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

15. Considérant, en premier lieu, que les décisions contestées visent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionnent, notamment, que les requérants n'ont pas démontré que leur vie ou leur liberté seraient menacées s'ils étaient éloignés à destination de leur pays ; que, dès lors, ces décisions contiennent les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté pour ce motif ;

16. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que M. et Mme D..., dont les demandes d'admission au statut de réfugié ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 décembre 2013, soutiennent qu'ils encourent le risque d'être exposés à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Bosnie ; que, toutefois, la seule production de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 22 septembre 2014, qui a rejeté leurs recours contre les décisions précitées de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ne permet pas d'établir que les requérants se trouveraient personnellement exposés à un risque réel, direct et sérieux pour leur vie ou leur liberté en cas de retour dans leur pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme et M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., à M. B...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.

''

''

''

''

2

N° 14NC02271


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC02271
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : EVEN
Rapporteur ?: Mme Julienne BONIFACJ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 30/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-02;14nc02271 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award