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18/06/2015 | FRANCE | N°14NC00854

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 18 juin 2015, 14NC00854


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J...D..., M. G...D...et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser une somme de 637 804,30 euros en réparation des préjudices subis du fait de la contamination de M. E... D...par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1201206-1201909 du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté le

ur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J...D..., M. G...D...et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser une somme de 637 804,30 euros en réparation des préjudices subis du fait de la contamination de M. E... D...par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1201206-1201909 du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2014, Mme D... et autres, représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne du 4 mars 2014 ;

2°) de condamner l'ONIAM à leur verser la somme de 637 804,30 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contamination de M. E... D...par le virus de l'hépatite C ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la prescription quadriennale n'est pas applicable à leur demande ;

- le délai de prescription de 10 ans n'a commencé à courir qu'à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise ;

- l'origine transfusionnelle de la contamination de M. E... D...par le virus de l'hépatite C est établie par les conclusions du rapport d'expertise ;

- M. D...a subi des pertes professionnelles à compter du 31 août 1993 au 31 juillet 1995 pour un montant de 6 311,39 euros, puis jusqu'à son décès pour un montant de 30 501,90 euros, sa perte de droits à la retraite s'élevant à 244 983,86 euros ;

- Mme D...a dû souscrire un emprunt pour faire face aux échéances restant à régler pour le paiement de leur maison pour un montant de 16 007,15 euros ;

- M. D...a subi un déficit fonctionnel temporaire de 1982 à 1991 qui sera indemnisé par une somme de 30 000 euros ;

- son déficit permanent fixé à 10 % par l'expert ayant été sous-évalué compte tenu de la gravité de son état, une somme de 175 000 euros sera accordée à ce titre ;

- une somme de 35 000 euros viendra réparer son préjudice moral évalué à 5 sur une échelle de 7 ;

- une somme de 50 000 euros sera accordée à son épouse en réparation de son préjudice moral et une somme de 25 000 euros à chacun de ses deux enfants.

Par un mémoire, enregistré le 11 août 2014, la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, représentée par la SCP d'avocats Billy-Flory, demande à la cour de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 69 584,30 euros en remboursement des sommes exposées pour M.D..., 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la prescription quadriennale est inopposable aux consortsD... ;

- lorsqu'il se trouve substitué à l'établissement français du sang, l'ONIAM doit indemniser les tiers payeurs ;

- sa créance s'élève à 48 050,50 euros au titre des dépenses de santé et à 21 533,80 euros au titre de la pension de réforme versée à la victime à compter du 1er août 1994.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2014, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF et à la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la prescription quadriennale est applicable à la créance des consortsD... ;

- le délai a commencé à courir à compter du décès de la victime ;

- l'origine transfusionnelle de la contamination avait été retenue dès le 15 mars 1995 dans le compte rendu opératoire de la transplantation hépatique ;

- la prescription leur a régulièrement été opposée par le directeur de l'ONIAM le 21 septembre 2012 ;

- la demande des consorts D...étant prescrite, la demande de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF suivra le même sort ;

- le recours ayant été déposé après le 1er juin 2010, le recours des tiers payeurs ne peut s'exercer à l'encontre de l'ONIAM.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2014, le centre hospitalier de Troyes, représenté par MeI..., demande à la cour de le mettre hors de cause en faisant valoir qu'aucune conclusion n'est dirigée contre lui.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonifacj, président-assesseur,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., substituant MeB..., pour les consortsD....

1. Considérant que M. E...D..., victime d'une contamination par le virus de l'hépatite C diagnostiquée en 1990, a développé une cirrhose ayant nécessité une transplantation hépatique réalisée le 15 mars 1995 ; qu'il est décédé le 13 décembre 1998 au cours d'un syndrome septique et d'une défaillance multiviscérale ; que Mme J...D..., son épouse, et ses deux enfants, M. G...D...et Mme C...A..., ont demandé au administratif de Châlons-en-Champagne, le 5 août 2005, d'ordonner une expertise en vue de déterminer l'origine de sa contamination ; que l'expert désigné par le président du tribunal a déposé son rapport le 25 juin 2007 ; que, par une demande enregistrée le 13 juillet 2012, les consortsD..., agissant en leur nom propre et en leur qualité d'ayants-droit de M. E...D..., ont demandé au tribunal de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser une somme de 637 804,30 euros en remboursement des préjudices subis du fait de la contamination de M. E...D...par le virus de l'hépatite C ; qu'ils relèvent appel du jugement du 4 mars 2014 par lequel les premiers ont rejeté leur demande comme prescrite ; que, par la voie d'un appel incident, la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF demande également l'annulation de ce jugement et la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 70 599,30 euros en remboursement des sommes exposées pour le compte de M. D... ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public " ; que, s'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées ; qu'il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime ;

3. Considérant, d'autre part, que la loi du 4 mars 2002 n'a pas rendu la prescription décennale applicable aux actions par lesquelles les victimes de contaminations d'origine transfusionnelle recherchaient la responsabilité du centre de transfusion sanguine ayant élaboré les produits sanguins transfusés, sous réserve du cas où ce centre n'aurait pas eu une personnalité morale distincte de celle d'un établissement de santé ; que si l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, issu de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, et l'article L. 3122-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la même loi, confient à l'ONIAM l'indemnisation des personnes contaminées par certains agents pathogènes à l'occasion de transfusions de produits sanguins ou d'injections de médicaments dérivés du sang, les actions fondées sur ces dispositions ne peuvent être regardées comme entrant dans le champ de la prescription décennale dès lors que l'ONIAM n'est pas appelé à assurer une réparation en lieu et place du professionnel ou de l'établissement de santé qui a procédé à l'administration des produits sanguins, la responsabilité de ce professionnel ou de cet établissement n'étant pas normalement engagée en pareil cas ; que, dès lors que l'ONIAM est un établissement public doté d'un comptable public, ces actions sont soumises à la prescription quadriennale ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que les actions dirigées contre l'ONIAM, substitué à l'établissement français du sang, se prescrivent par quatre ans après la consolidation du dommage ou le décès de la victime ; qu'en l'espèce, alors qu'au demeurant l'origine transfusionnelle de la contamination de M. D...par le virus de l'hépatite C avait été mentionnée dans le compte-rendu opératoire du 15 mars 1995, les consorts D...étaient en mesure de connaître l'étendue de leur créance au plus tard à la date du décès de la victime ; que le décès de M. D... étant survenu le 13 décembre 1998, l'action engagée par les consorts D...le 5 août 2005 était prescrite ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu l'exception de prescription quadriennale opposée par l'ONIAM à cette demande ;

5. Considérant que lorsque la responsabilité d'une collectivité publique est recherchée au titre d'un dommage corporel, l'acte par lequel l'autorité compétente de cette collectivité oppose la prescription à la victime produit également effet à l'égard de la caisse de sécurité sociale subrogée dans les droits de celle-ci ; que, par suite, dès lors que la créance des consorts D...est prescrite, les conclusions de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF ne peuvent qu'être rejetées ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts D...et la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants le versement de la somme que l'ONIAM demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... et autres et les conclusions de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J...D..., à M. G... D..., à Mme C...A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF et au centre hospitalier de Troyes.

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N° 14NC00854


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00854
Date de la décision : 18/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968.

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968 - Point de départ du délai.


Composition du Tribunal
Président : EVEN
Rapporteur ?: Mme Julienne BONIFACJ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP SAMMUT-CROON-JOURNE-LEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-06-18;14nc00854 ?
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