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18/06/2015 | FRANCE | N°14NC00755

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 18 juin 2015, 14NC00755


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner Réseau ferré de France (RFF), la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et la commune de Pfaffenhoffen à l'indemniser des préjudices subis en raison de la chute de vélo dont il a été victime le 17 décembre 2006.

Par un jugement n° 1002258 du 20 février 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2014,

M. E..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner Réseau ferré de France (RFF), la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et la commune de Pfaffenhoffen à l'indemniser des préjudices subis en raison de la chute de vélo dont il a été victime le 17 décembre 2006.

Par un jugement n° 1002258 du 20 février 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2014, M. E..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 février 2014 ;

2°) de déclarer RFF et la SNCF solidairement responsables des conséquences dommageables de sa chute ;

3°) d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer son préjudice corporel ;

4°) de condamner solidairement RFF et la SNCF à lui verser une provision de

30 000 euros ;

5°) de mettre à la charge conjointe de RFF et de la SNCF la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le lien de causalité entre sa chute et l'ouvrage public est établi ;

- le passage à niveau présente le long du rail une ornière dangereuse pour les cyclistes ;

- la voie n'est manifestement plus entretenue ;

- la circulation des trains n'implique pas techniquement une ornière de contre-rail d'une largeur supérieure à 6 centimètres ;

- le danger présenté par l'ornière excédait le risque auquel un usager doit s'attendre en franchissant un passage à niveau ;

- il circulait à une allure modérée et n'a commis aucune imprudence ;

- une expertise est nécessaire pour déterminer l'étendue de son préjudice corporel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2014, la SNCF, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le requérant ayant chuté après le franchissement du passage à niveau, le lien de causalité entre l'accident et l'ouvrage public n'est pas établi ;

- en l'absence de manquement de la SNCF à ses obligations, seule la responsabilité de RFF en sa qualité de propriétaire de l'infrastructure peut être recherchée ;

- des travaux de remise en état du passage à niveau avaient eu lieu les 17 et 18 mai 2006 et les visites de contrôle réalisées les 18 juillet 2006 et 31 juillet 2007 permettent d'établir que ce passage à niveau était en bon état ;

- la présence d'une ornière de contre-rail est nécessaire à la circulation des trains ;

- le requérant ne pouvait, en sa qualité de cycliste confirmé, ignorer les règles de sécurité à respecter pour le franchissement des passages à niveau et a commis une faute en n'adaptant pas sa vitesse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2014, RFF, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, dans l'hypothèse où une part de responsabilité serait laissée à sa charge, à ce que la SNCF soit condamnée à le garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre.

Il soutient que :

- il n'est pas démontré que le passage à niveau serait à l'origine de la chute du requérant ;

- M.E..., cycliste confirmé et habitant à proximité du lieu de l'accident, a commis une grave imprudence qui exonère totalement la personne chargée de l'entretien de l'ouvrage public de toute responsabilité ;

- le bon état du passage à niveau est établi par les pièces produites par la SNCF ;

- le passage à niveau ne présente pas le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux ;

- la demande de provision n'est pas justifiée ;

- RFF doit être mis hors de cause dès lors qu'il n'a pas la charge de l'entretien de l'ouvrage public.

Par un mémoire, enregistré le 10 octobre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, représentée par MeG..., demande à la cour :

- d'annuler le jugement attaqué ;

- de déclarer RFF et la SNCF responsables de l'accident dont a été victime M.E... ;

- de condamner solidairement RFF et la SNCF à lui verser la somme de 1 481,30 euros à titre de provision, 493,76 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le caractère dangereux du passage à niveau et le défaut d'entretien manifeste sont établis ;

- elle ne s'oppose pas à la mesure d'expertise sollicitée ;

- sa créance s'élève selon un décompte provisoire à 1 481,30 euros.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif de Strasbourg pour défaut de mise en cause de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.

Un mémoire, enregistré le 21 mai 2015, a été présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des transports ;

- la loi n° 97-135 du 13 février 1997;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonifacj, président-assesseur,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations Me B...pour M. E...et de Me D...pour Réseau ferré de France et la Société nationale des chemins de fer français.

1. Considérant que M. E...a été victime d'une chute à vélo, le 17 décembre 2006 vers 10 heures, en franchissant un passage à niveau situé sur la route départementale n° 235 à Pfaffenhoffen ; que l'intéressé qui a souffert de diverses blessures à la suite de cet accident, a recherché la responsabilité de Réseau ferré de France (RFF), de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de la commune de Pfaffenhoffen devant le tribunal administratif de Strasbourg ; qu'il relève appel du jugement du 20 février 2014 portant rejet de sa demande dirigée contre la SNCF et RFF et demande à la cour de les condamner solidairement à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de provision et d'ordonner une expertise médicale aux fins de déterminer l'étendue de son préjudice corporel ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin demande également la condamnation solidaire de RFF et de la SNCF à lui verser la somme de 1 481,30 euros à titre de provision, en remboursement des sommes exposées pour le compte de son assuré ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. /Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt. " ;

3. Considérant qu'il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'ordonner la mise en cause des parties intéressées au litige ; qu'en ayant omis de mettre en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin à laquelle était affilié le requérant, en vue de l'exercice par celle-ci de l'action susmentionnée, le tribunal administratif de Strasbourg a méconnu la portée des dispositions précitées ; que, par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en date du 20 février 2014 ; que les pièces de la procédure ayant été communiquées par la cour à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. E... ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant, d'une part, qu'une personne victime d'un accident lors du franchissement d'un passage à niveau a la qualité d'usager de cet ouvrage public ; que si, en vertu de l'article 5 de la loi susvisée du 13 février 1997, les passages à niveau sont au nombre des infrastructures ferroviaires appartenant à l'établissement public RFF, un accident imputable aux modalités d'entretien de l'ouvrage est de nature à engager la responsabilité de la SNCF au titre de la mission d'entretien qui lui est confiée par l'article 1er de la même loi ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'ornière de contre-rail, dans laquelle la roue du vélo de M. E... s'est bloquée, est nécessaire à la circulation des trains et ne présentait pas un risque excédant, pour les cyclistes, ceux auxquels doivent normalement s'attendre ces usagers de la voie publique et contre lesquels il leur appartient de se prémunir eux-mêmes en prenant les précautions nécessaires ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, la voie ferrée incriminée n'est pas laissée à l'abandon, des travaux de remise en état ayant d'ailleurs été réalisés les 17 et 18 mai 2006 au niveau du platelage du passage à niveau en cause ; qu'en outre, le compte-rendu des visites de contrôle réalisées les 18 juillet 2006 et 31 juillet 2007 permet d'établir son bon état d'entretien ; qu'ainsi, la SNCF, qui apporte la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage, ne saurait être tenue pour responsable des dommages subis par M. E...;

6. Considérant, d'autre part, que la responsabilité d'une collectivité publique peut être engagée à l'égard des usagers, même en l'absence de tout défaut d'aménagement ou d'entretien normal, lorsque l'ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception, doit être regardé comme présentant par lui-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux ;

7. Considérant en l'espèce, que la seule circonstance que d'autres chutes de cyclistes ont eu lieu au même endroit, avant la réalisation en 2006 des travaux de réfection précités, ne permet pas d'établir que les risques auxquels sont exposés les usagers du passage à niveau litigieux présentent un caractère exceptionnel de gravité qui aurait pour effet d'imposer une signalisation particulière ; que, par suite, ce passage à niveau ne peut être regardé comme présentant le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux qui engagerait la responsabilité de RFF vis-à-vis de M. E...même en l'absence de tout défaut d'aménagement ou d'entretien normal ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise médicale sollicitée, que M. E... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la SNCF et de RFF à raison de l'accident dont il a été victime ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin n'est pas fondée à demander le remboursement des sommes qu'elle à exposées pour le compte de M.E... ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la SNCF et de RFF, qui ne sont pas dans la présente instance des parties perdantes, les sommes demandées par M. E...et la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. E... les sommes demandées par la SNCF et RFF au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1002258 du 20 février 2014 est annulé.

Article 2 : La demande de M. E... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la SNCF et de RFF présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à Réseau ferré de France, à la Société nationale des chemins de fer français, à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, à la mutuelle générale et à la commune de Pfaffenhoffen.

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N° 14NC00755


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00755
Date de la décision : 18/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : EVEN
Rapporteur ?: Mme Julienne BONIFACJ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : STE ADDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-06-18;14nc00755 ?
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