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18/06/2015 | FRANCE | N°14NC00665

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 18 juin 2015, 14NC00665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B..., dans le dernier état de ses écritures, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise et, à titre subsidiaire, de condamner solidairement la commune de Garrebourg et la commune de Saint-Louis à lui verser la somme de 121 815 euros hors taxes en réparation des préjudices qu'il subit à la suite des travaux de reconstruction d'un pont sur la rivière Zorn.

Par un jugement n° 0602589 du 20 février 2014, le tribunal administratif de

Strasbourg a limité à la somme de 3 333 euros l'indemnité au versement de laque...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B..., dans le dernier état de ses écritures, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise et, à titre subsidiaire, de condamner solidairement la commune de Garrebourg et la commune de Saint-Louis à lui verser la somme de 121 815 euros hors taxes en réparation des préjudices qu'il subit à la suite des travaux de reconstruction d'un pont sur la rivière Zorn.

Par un jugement n° 0602589 du 20 février 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a limité à la somme de 3 333 euros l'indemnité au versement de laquelle il a solidairement condamné les communes de Garrebourg et de Saint-Louis en réparation des préjudices subis par M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 avril 2014, et un mémoire en réplique enregistré le 11 mai 2015, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 février 2014 ;

2°) à titre principal, de condamner solidairement la commune de Garrebourg et la commune de Saint-Louis à lui verser la somme de 200 396,16 euros en réparation de ses préjudices matériels, la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance et la somme de 20 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral, ces sommes étant assorties des intérêts à compter du 2 juin 2006 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise aux fins de déterminer l'étendue de ses préjudices ;

4°) de mettre à la charge des communes de Garrebourg et de Saint-Louis la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité des communes de Garrebourg et de Saint-Louis est engagée à raison des travaux de reconstruction du pont sur la Zorn, lesquels ont eu pour effet d'augmenter le niveau d'eau du canal longeant le bâtiment dont il est propriétaire et d'inonder le sous-sol de ce bâtiment ;

- aucun manquement ne peut lui être reproché dans l'entretien du canal de fuite situé au droit de sa propriété ;

- il n'est pas établi qu'un tel manquement pourrait être à l'origine de l'ensablement du canal et de l'élévation des eaux ;

- à supposer que ce manquement soit établi, le partage de responsabilité ne doit s'appliquer qu'au chef de préjudice relatif à l'ensablement du canal de fuite ;

- l'expert désigné par les premiers juges a omis de se prononcer sur l'étendue des préjudices subis ;

- il justifie de la réalité et du montant de l'ensemble de ses préjudices, et notamment de la dégradation de la microcentrale hydroélectrique, des vannes, et des locaux situés en sous-sol ;

- les frais de remise en état s'établissent au montant de 200 396,16 euros toutes taxes comprises, ainsi qu'il ressort de la contre-expertise produite devant les premiers juges, complétée par les éléments produits en appel ;

- il justifie de ce que ses dommages sont imputables aux seuls maîtres de l'ouvrage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2014, la commune de Garrebourg, représentée par Mes David, David-Lenhof et Veler, conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Garrebourg fait valoir que :

- il ressort du rapport de l'expertise contradictoire diligentée par les premiers juges que sa responsabilité n'est pas engagée ;

- si les premiers juges ont donné partiellement satisfaction au requérant, celui-ci n'apporte aucun élément de nature à infirmer le jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2014, la commune de Saint-Louis, représentée par la société d'avocats Gaucher - Dieudonné -A..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Saint-Louis fait valoir que :

- le manquement du requérant dans l'entretien du canal de fuite est constitutif d'une faute de nature à exonérer l'administration d'une part de sa responsabilité ;

- le préjudice résultant de la dégradation de la microcentrale hydroélectrique n'est pas établi dès lors que cet équipement avait cessé de fonctionner avant la reconstruction du pont ;

- si le requérant peut se prévaloir d'un trouble dans la jouissance de son bien, il n'est pas établi que l'ouvrage public serait à l'origine d'une dégradation du mur d'enceinte, des vannes ou du sous-sol du bâtiment, eu égard à leur vétusté.

Un mémoire, enregistré le 20 mai 2015, a été présenté pour la commune de Saint-Louis.

Vu :

- le jugement attaqué ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour M. B...et de MeA..., pour la commune de Saint-Louis.

1. Considérant que les communes de Garrebourg et de Saint-Louis ont procédé, au cours de l'année 2002, à la reconstruction du pont " Rappenmühl ", lequel permet de traverser la rivière Zorn au lieu-dit Sparsbrod ; que M.B..., propriétaire à 60 mètres en amont de l'ouvrage public d'une ancienne scierie constituée de plusieurs bâtiments et d'une microcentrale hydroélectrique, a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation solidaire des communes de Garrebourg et de Saint-Louis à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de la reconstruction du pont ; qu'il fait appel du jugement du 20 février 2014 par lequel le tribunal administratif a limité le montant des réparations à la somme de 3 333 euros ;

2. Considérant qu'il appartient au riverain d'un ouvrage public qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice ; que, pour se dégager de sa responsabilité, l'administration doit établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les bâtiments dont M. B... est propriétaire sont traversés par un bief ou " canal de fuite ", alimenté par un barrage situé sur la Zorn, rejoignant la rivière à quelques mètres en amont du pont reconstruit en 2002 ; que, constatant une augmentation du niveau de l'eau dans ce canal de fuite depuis la reconstruction du pont, le requérant impute à celle-ci l'ensablement du bief, l'inondation du sous-sol du hangar longeant le canal et l'arrêt de la microcentrale hydroélectrique ;

4. Considérant que M. B...soutient, d'une part, que l'élévation du niveau d'eau est imputable au radier horizontal installé sous le nouveau pont, lequel présenterait une épaisseur d'environ 75 centimètres et constituerait un obstacle à l'écoulement des eaux en provenance du bief ; que, toutefois, il ressort des relevés topographiques effectués par un géomètre expert les 23 avril 2012 et 15 février 2013, sur lesquels s'est fondé l'expert désigné par les premiers juges, que la différence de niveau entre la dalle située sous le pont et le fond de la rivière, au point de confluence avec le canal de fuite, s'établit, au plus, à une quinzaine de centimètres ; que si, selon les contre-expertises produites par le requérant, tout obstacle posé dans le lit mineur d'un cours d'eau entraine nécessairement une élévation du niveau d'eau, au droit et en amont de cet obstacle, l'expert n'a constaté aucune rétention d'eau en amont immédiat du pont, précisant que le radier avait seulement eu pour effet d'accentuer le seuil qui existait déjà avant 2002 ; que, tenant compte en outre du rétrécissement du lit de la rivière au niveau du nouveau pont, celui-ci étant moins large que l'ouvrage précédent, l'expert conclut que le niveau de la rivière Zorn n'a pas été modifié de façon notable par les travaux réalisés par les communes de Garrebourg et de Saint-Louis ;

5. Considérant que M. B...soutient, d'autre part, que le radier installé sous le nouveau pont entraine un ralentissement de la vitesse d'écoulement des eaux en amont, à l'origine de l'ensablement de son bief et, par suite, de l'élévation du niveau d'eau constaté au droit de son bâtiment ; que toutefois, il n'est pas établi, eu égard à ce qui a été dit précédemment, que ce radier présenterait les caractéristiques physiques que lui prêtent les auteurs des contre-expertises produites par le requérant et sur lesquelles ils se sont fondés pour procéder à leurs simulations ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la Zorn présenterait le même niveau d'ensablement dans sa partie située en amont du pont, avant le point de confluence avec le canal de fuite ; que, dans ces conditions, le requérant n'établit pas que le nouveau pont serait à l'origine d'un ensablement de son bief ou d'une aggravation de celui-ci, alors que l'expert a estimé que cet ensablement résultait d'un défaut d'entretien qui lui est imputable ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'établit pas que les dommages résultant de l'ensablement du bief, de l'inondation du sous-sol de son hangar et de l'arrêt de la microcentrale hydroélectrique seraient imputables aux travaux de construction réalisés par les communes de Garrebourg et de Saint-Louis ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des seules photographies produites à l'instance, que les communes de Garrebourg et de Saint-Louis seraient responsables de la destruction, à la supposer établie, du mur d'enceinte de la parcelle cadastrée en section n° 71, dont M. B...soutient être propriétaire ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préjudice allégué n'était pas établi ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, en l'absence d'appel incident présenté par les communes intimées et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a limité à 3 333 euros le montant des dommages et intérêts accordés ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner M. B... à verser la somme de 750 euros à chacune des deux communes intimées, en remboursement des frais qu'elles ont engagés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B...versera une somme de 750 (sept cents cinquante) euros à la commune de Garrebourg et une somme d'un même montant à la commune de Saint-Louis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à la commune de Garrebourg et à la commune de Saint-Louis.

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N° 14NC00665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00665
Date de la décision : 18/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-03-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Lien de causalité. Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : GAUCHER DIEUDONNE NIANGO SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-06-18;14nc00665 ?
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