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11/06/2015 | FRANCE | N°14NC01323

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 11 juin 2015, 14NC01323


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2014, complétée le 15 octobre 2014, la société Bricorama France, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 1er avril 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a annulé, à la demande des sociétés Leroy-Merlin France et Bricoman, la décision par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial du Territoire de Belfort l'avait autorisée à créer un magasin de 5 976 m² à Bessoncourt et lui a refusé cette autorisation ;


2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2014, complétée le 15 octobre 2014, la société Bricorama France, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 1er avril 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a annulé, à la demande des sociétés Leroy-Merlin France et Bricoman, la décision par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial du Territoire de Belfort l'avait autorisée à créer un magasin de 5 976 m² à Bessoncourt et lui a refusé cette autorisation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse n'est pas suffisamment motivée et est contradictoire ;

- les motifs de refus méconnaissent les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 1er avril 2014 :

1. Le 9 septembre 2010, la commission départementale d'aménagement commercial du Territoire de Belfort a autorisé la société Bricorama France à créer un magasin spécialisé à l'enseigne " Bricomarché " de 5 976 m² de surface de vente à Bessoncourt. Sur la saisine des sociétés Leroy Merlin et Bricoman, la Commission nationale d'aménagement commercial a, le 9 mars 2011, refusé de lui accorder l'autorisation préalable en vue de créer ce magasin. Par une décision du 24 mai 2013, le Conseil d'Etat a annulé cette décision au motif que le rapporteur n'avait ni recueilli ni présenté l'avis du ministre chargé du commerce. Après réexamen de sa demande, la commission nationale a, par la décision litigieuse du 1er avril 2014, à nouveau refusé le projet de la société Bricorama France.

En ce qui concerne la motivation de la décision attaquée :

2. Eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées. Cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. En l'espèce, la décision attaquée mentionne les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et n'est pas contradictoire. Le moyen tiré d'une motivation insuffisante doit donc être écarté.

En ce qui concerne l'appréciation de la commission nationale :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; b) L'effet du projet sur les flux de transport ; c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet ; b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs ".

5. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation des objectifs prévus par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'un magasin Bricorama d'une surface de 4 998 m² est exploité au lieudit " Au Sarré " depuis 1992 dans la zone commerciale de " La Porte de Belfort ", qui s'organise autour d'un ensemble commercial comportant un hypermarché " Auchan ". Le bail commercial de la société Bricorama a expiré le 1er janvier 2008 et la société Immochan lui a donné congé au 1er janvier 2009. La société Bricorama a souhaité déplacer et étendre de 978 m² son magasin en l'installant quelques dizaines de mètres plus loin au lieudit " Blosier ".

7. En premier lieu, si le projet litigieux entraîne une imperméabilisation des sols supplémentaire, notamment par la création de 287 emplacements de stationnement, il est constant que le magasin Bricorama a reçu congé de son bailleur et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que son transfert à quelques dizaines de mètres de son emplacement précédent est susceptible de provoquer, sur son ancien site à proximité immédiate du magasin Auchan, la création d'une friche commerciale de 4 988 m². La direction départementale des territoires et les ministres concernés ont d'ailleurs émis un avis favorable à cette implantation par extension, qui est compatible avec le schéma de cohérence territoriale, complète le maillage du territoire concerné et est située au sein d'une zone commerciale accueillant de nombreux commerces.

8. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que les flux de transport supplémentaires occasionnés par le projet, évalués à 10 %, pourront être absorbés par les infrastructures routières existantes dès lors que l'accès au projet s'effectuera par l'intermédiaire d'une voirie interne au centre commercial qui conduit au giratoire existant sur la route départementale 419, dont aucun élément au dossier ne permet d'établir qu'il serait insuffisant.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Bricorama France est fondée à soutenir que la commission nationale a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet compromettrait la réalisation des objectifs prévus par la loi et a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce en lui refusant le 1er avril 2014 l'autorisation demandée. Par suite, la société Bricorama France est fondée à demander l'annulation de la décision du 1er avril 2014.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Bricorama France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 1er avril 2014 est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à la société Bricorama France une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bricorama France, à la Commission nationale d'aménagement commercial, à la société Leroy Merlin et à la société Bricoman.

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N° 14NC01323


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01323
Date de la décision : 11/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-02-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Procédure. Commission nationale d`aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : CHAUMANET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-06-11;14nc01323 ?
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