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02/06/2015 | FRANCE | N°15NC00605

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juin 2015, 15NC00605


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 13 octobre 2006 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Total Petrochemicals France à le mettre à la retraite d'office et la décision du 21 mars 2007 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail, a autorisé sa mise à la retraite d'office.

Par un jugement n° 0702546 du 10 mai 2011, le tribunal administrati

f de Strasbourg a, d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 13 octobre 2006 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Total Petrochemicals France à le mettre à la retraite d'office et la décision du 21 mars 2007 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail, a autorisé sa mise à la retraite d'office.

Par un jugement n° 0702546 du 10 mai 2011, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. C... dirigées contre la décision du 13 octobre 2006 de l'inspecteur du travail et, d'autre part, annulé la décision du 21 mars 2007 par laquelle le ministre chargé du travail a autorisé la mise à la retraite de l'intéressé.

Par un arrêt rendu le 3 mai 2012 sous le n°11NC01119, la cour administrative d'appel de Nancy a, à la demande de la société Total Petrochemicals France, annulé le jugement susmentionné du 10 mai 2011 en tant qu'il a annulé la décision susmentionnée du 21 mars 2007.

Par une décision nos 360685,360686 en date du 8 octobre 2014, le Conseil d'Etat, saisi de pourvois présentés, d'une part, par M. E... et, d'autre part, par M.C..., a joint ces pourvois puis annulé les arrêts n° 11NC01116 et n° 11NC01119 rendus le 3 mai 2012 par la cour administrative d'appel de Nancy en renvoyant le jugement de ces deux affaires à la même cour.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2011 et des mémoires enregistrés le 14 mars 2012 et le 2 avril 2015, sous le n°14NC01908, la société Total Petrochemicals France, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 mai 2011 en tant qu'il a annulé la décision du ministre chargé du travail en date du 21 mars 2007 ;

2°) de rejeter la demande de M. C...devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. C...le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal administratif, le ministre n'a pas commis d'erreur de droit dès lors que la demande d'autorisation de mise à la retraite anticipée d'un salarié protégé n'a pas à mentionner les textes applicables ;

- la décision du 21 mars 2007 est signée par une autorité compétente ;

- M.C..., qui avait choisi d'être maintenu dans le régime spécial d'assurance vieillesse des mines, relevait de ce régime et avait atteint l'âge limite de maintien en activité prévu par le décret du 16 janvier 1954, à savoir cinquante-cinq ans et pouvait bénéficier d'une retraite complémentaire normale ;

- en tout état de cause M. C...remplissait les conditions pour être mis à la retraite de manière anticipée par application des dispositions de l'article L. 122-14-13 du code du travail ;

- il n'y a aucun lien entre la demande d'autorisation de mise à la retraite anticipée de M. C... et l'exercice de ses mandats de représentants du personnel.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 décembre 2011, le 20 décembre 2014 et le 6 mai 2015, M. D... C..., représenté par l'association d'avocats Wassermann - Becker - Buynowski, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner la société requérante à le réintégrer sous astreinte de 350 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de cette même société sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le ministre ne pouvait pas autoriser sa mise à la retraite pour un motif distinct de celui invoqué par l'employeur dans sa demande d'autorisation ;

- le décret du 16 janvier 1954 n'est pas applicable à sa situation dès lors qu'il ne relève ni d'une entreprise minière ni d'une entreprise assimilée visée par l'article 5 du décret du 9 août 1953 ;

- le décret du 27 octobre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines ne prévoit pas d'âge de mise à la retraite alors que la convention collective de la chimie ne comporte pas de dispositions applicables au personnel affilié au régime des mines ;

- contrairement à ce qui est indiqué dans la décision du ministre, il n'est pas affilié aux régimes complémentaires de retraite des agents des mines mais à des régimes complémentaires de droit privé et il ne pouvait prétendre au taux maximum de pensions acquis à l'âge de 60 ans tel que prévu pour les affiliés relevant des régimes de retraites complémentaires des mines cités dans le décret du 16 janvier 1954 ;

- à la date à laquelle s'est prononcé le ministre, les circonstances de fait et de droit étaient différentes de celles existant à la date de la demande d'autorisation de mise à la retraite d'office, le plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre ne prévoyant pas cette mise à la retraite comme une modalité de rupture du contrat de travail ;

- il ne pouvait être mis à la retraite d'office par application du troisième alinéa de l'article L.122-14-13 du code du travail puisqu'il ne relève pas du régime général de retraite de la sécurité sociale mais du régime spécial des mines ;

- il existe un lien entre l'exercice de ses mandats représentatifs et la volonté de son employeur de le mettre d'office à la retraite, l'examen de son parcours professionnel dégradé venant le confirmer ;

- sa situation n'a pas fait l'objet d'une analyse personnalisée ;

- la décision du ministre méconnait la directive du 27 novembre 2000, consacrant un principe général du droit de l'Union européenne d'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

Une mise en demeure a été adressée le 22 novembre 2011 au ministre du travail et de la santé, qui n'a pas présenté de mémoire.

II. Par une requête enregistrée le 2 avril 2015, la société Total Petrochemicals France, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 mai 2011 ;

2°) à titre subsidiaire, de constater que le sursis ordonné le 13 octobre 2011 demeure en vigueur et que la requête est donc sans objet.

Elle soutient que :

- sa requête tendant à l'annulation du jugement du 10 mai 2011 est fondée sur le moyen sérieux tiré de l'analyse erronée du tribunal administratif, qui a à tort considéré que le ministre s'était fondé sur un motif distinct de celui invoqué par elle-même ;

- les autres moyens invoqués par M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg sont infondés ;

- elle entend également se prévaloir de l'article R. 811-16 du code de justice administrative, dès lors que l'exécution du jugement du tribunal risque de l'exposer à la perte définitive de sommes qui ne devraient pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies.

Par un mémoire enregistré le 6 mai 2015, M. C...représenté par l'association d'avocats Wassermann - Becker - Buynowski, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Total Petrochemicals France le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la demande de sursis présentée par la société Total Petrochemicals France n'est pas fondée.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de la sécurité social ;

- le décret n° 46-2769 du 27 novembre 1946 ;

- le décret n° 54-51 du 16 janvier 1954 ;

- la convention collective nationale des industries chimiques du 30 décembre 1952 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- les observations de MeB..., représentant la société Total Petrochemicals France, et de M.C....

1. Considérant que la société Total Petrochemicals France a, par courrier du 9 août 2006, demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de mettre à la retraite d'office M.C..., représentant syndical au comité d'établissement et conseiller prud'homal ; que, par une décision du 13 octobre 2006, l'inspecteur du travail a accordé à la société l'autorisation de mettre M. C... à la retraite ; que, par décision du 21 mars 2007, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a annulé cette décision du 13 octobre 2006 et a, à son tour, autorisé la mise à la retraite de M.C... ; que, par jugement du 10 mai 2011, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. C... dirigées contre la décision du 13 octobre 2006 de l'inspecteur du travail et, d'autre part, annulé la décision du 21 mars 2007 par laquelle le ministre chargé du travail avait autorisé la mise à la retraite de l'intéressé ; que, sous le n°14NC01908, la société Total Petrochemicals France relève appel de ce jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du ministre chargé du travail en date du 21 mars 2007 en tant qu'elle avait autorisé la mise à la retraite de M.C... ; que, sous le n° 15NC00605, la société Total Petrochemicals France demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement dans cette mesure ;

2. Considérant que les requêtes n°14NC01908 et n°15NC00605 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt ;

Sur la légalité de la décision du ministre chargé du travail en date du 21 mars 2007 autorisant la mise à la retraite de M.C... :

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, dans le cas où la demande de rupture du contrat de travail d'un salarié protégé par l'employeur est motivée par la survenance de l'âge, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de vérifier sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, que la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé et, d'autre part, que les conditions légales de mise à la retraite sont remplies ; que cette rupture doit suivre la procédure prévue en cas de licenciement ;

4. Considérant, d'une part, que lorsqu'un employeur demande à l'inspecteur du travail l'autorisation de mettre à la retraite un salarié protégé, il lui appartient de faire précisément état dans sa demande des motifs justifiant, selon lui, cette mise à la retraite, en indiquant notamment les dispositions légales ou les stipulations conventionnelles permettant de prendre cette mesure à l'égard du salarié concerné ; que, d'autre part, l'inspecteur du travail et, le cas échéant, le ministre, ne peuvent, pour accorder l'autorisation demandée, se fonder sur d'autres motifs que ceux énoncés dans la demande ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Total Petrochemicals France a indiqué, dans sa demande datée du 9 août 2006, qu'elle sollicitait l'autorisation de mettre à la retraite M. C...sur le fondement des dispositions alors applicables de l'article L. 122-14-13 du code du travail et des stipulations de l'accord du 2 février 2004 sur les départs à la retraite dans les industries chimiques, au motif que ce dernier était âgé de soixante-et-un ans et qu'il avait déjà cotisé 177 trimestres, soit une durée suffisante pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein ; que le ministre chargé du travail a annulé pour erreur de droit, à la demande de M.C..., la décision du 13 octobre 2006 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé sa mise à la retraite sur le fondement de ces dispositions puis a autorisé la mise à la retraite de l'intéressé sur le fondement du régime d'assurance minier régi par le décret du 16 janvier 1954, qu'il a considéré comme lui étant applicable, au motif que l'intéressé avait atteint l'âge de soixante ans et pouvait bénéficier du maximum de la pension servie par le régime complémentaire de retraite des mines auquel il était adhérent ;

6. Considérant que, ce faisant, le ministre a accordé l'autorisation de mettre à la retraite M. C... pour un motif distinct de celui qui avait été invoqué par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation et sur le fondement duquel la procédure de mise à la retraite avait été préalablement suivie au sein de l'entreprise, alors que le régime général de mise à la retraite résultant des dispositions susmentionnées du code du travail est différent du régime législatif et réglementaire spécial régissant les pensions de retraite versées par la sécurité sociale des mines ; que le ministre chargé du travail a ainsi entaché sa décision d'erreur de droit ; que, dans ces conditions, la société Total Petrochemicals France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 21 mars 2007 ;

Sur les conclusions de M. C...tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Total Petrochemicals France de le réintégrer sous astreinte :

7. Considérant que M. C...demande à la cour de condamner la société Total Petrochemicals France à le réintégrer sous astreinte de 350 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; que ces conclusions, qui n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative dès lors qu'elles ne tendent pas à ce qu'une mesure d'exécution soit prescrite à l'auteur de la décision administrative annulée, doivent en tout état de cause être rejetées comme nouvelles en appel ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

8. Considérant que le présent arrêt statue sur les conclusions présentées par la société Total Petrochemicals France tendant à l'annulation du jugement n° 0702546 du 10 mai 2011 du tribunal administratif de Strasbourg ; qu'il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 15NC00605 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Total Petrochemicals France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros à verser à M. C... sur le fondement des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Total Petrochemicals France est rejetée.

Article 2 : La société Total Petrochemicals France versera à M. C...la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15NC00605.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Total Petrochemicals France, à M. D... C...et au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.

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Nos 14NC01908,15NC00605


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00605
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTÉRA
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : DE PARDIEU - BROCAS - MAFFEI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-06-02;15nc00605 ?
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