Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2014 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois.
Par un jugement n° 1402544 du 12 mai 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 juin 2014, M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1402544 du tribunal administratif de Strasbourg en date du 12 mai 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 6 mai 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " commerçant " ou " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de remise aux autorités italiennes du 5 février 2014 a été prise par une autorité incompétente et est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et ne lui a pas été notifiée ; l'arrêté du 6 mai 2014 est de ce fait privé de base légale ;
- l'arrêté du 6 mai 2014 est entaché d'un défaut de motivation ;
- le préfet n'a pas répondu à sa demande de titre de séjour du 8 janvier 2014, ce qui entache d'illégalité la décision portant assignation à résidence du 6 mai 2014 ; la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit puisqu'il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 août 2014, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant marocain né le 12 novembre 1968, est entré en France le 25 avril 2011 selon ses dires, accompagné de son épouse et de ses enfants, sous couvert d'une carte de résident de longue durée-CE obtenue en Italie. Il a sollicité, le 25 mars 2013, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de commerçant. Le préfet du Haut-Rhin, par arrêtés du 5 février 2014, a, d'une part, refusé de lui délivrer un titre de séjour et, d'autre part, décidé de le remettre aux autorités italiennes. Le préfet du Haut-Rhin a ensuite décidé, par arrêté du 6 mai 2014, d'assigner M. A...à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. L'intéressé relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2014.
Sur la légalité externe de l'arrêté d'assignation à résidence :
2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) ". L'article L. 551-1 du même code vise notamment (1°) l'étranger qui " doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 et L. 531-2 ".
3. En premier lieu, la décision d'assignation à résidence contestée vise les articles L. 561-2, R. 561-2 et R. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que M. A... a fait l'objet d'une décision de remise aux autorités italiennes le 5 février 2014, décision à laquelle il n'a pas déféré, qu'il existe une perspective raisonnable d'éloignement et que l'assignation à résidence constitue une mesure appropriée et proportionnée. Ainsi, la décision du préfet du Haut-Rhin comporte les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse doit être écarté.
4. En deuxième lieu, M. A...fait valoir que la décision d'assignation à résidence litigieuse est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors que les décisions de refus de titre de séjour et de remise aux autorités italiennes du 5 février 2014 sur lesquelles elle se fonde ne lui ont pas été préalablement notifiées. Ces décisions, adressées le jour même par courrier recommandé au 9 rue du Cerf à Mulhouse, ont été renvoyées le 14 février 2014 par les services postaux à l'administration avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". S'il est constant que l'adresse 9 rue du Cerf a été portée par M. A...dans un courrier relatif à sa demande de titre de séjour reçu en préfecture le 23 décembre 2013, les courriers antérieurs, puis à nouveau un courrier reçu le 8 janvier 2014, mentionnaient une adresse 20 rue Jean Jaurès. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que les décisions de refus de titre de séjour et de remise aux autorités italiennes lui ont à nouveau été notifiées le 6 mai 2014 à 11 h 30 et 11 h 40 à la préfecture, préalablement à l'intervention de l'arrêté d'assignation à résidence litigieux. Le moyen tiré du défaut de notification préalable de ces décisions ne peut dès lors qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) ".
6. M. A...soutient que l'arrêté l'assignant à résidence a été pris au terme d'une procédure irrégulière en ce qu'il ne respecte pas les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dès lors que le préfet ne l'a pas invité à présenter des observations avant de prendre la décision litigieuse. Cependant, il ressort des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le III de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse spéciales auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution de ces mesures d'éloignement, y compris les décisions de remise à un Etat membre de l'Union européenne prises en application, comme en l'espèce, des articles L. 531-1 et L. 531-2 du même code. Le législateur a ainsi entendu exclure, en ce qui les concerne, l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales. Si M. A...a entendu se prévaloir des dispositions de l'article L. 531-1 du même code selon lesquelles la décision de remise aux autorités d'un autre Etat membre " peut être exécutée d'office par l'administration après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ", il est constant que l'ensemble de ces droits ont été rappelés à M. A...lors de la notification de la décision de remise, réitérée préalablement à l'intervention de la décision d'assignation à résidence litigieuse, et qu'il a été mis en mesure de les exercer avant toute exécution d'office. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision d'assignation à résidence en litige serait illégale faute d'avoir été précédée du recueil des observations de l'intéressé doit être écarté.
Sur la légalité interne de l'arrêté d'assignation à résidence :
En ce qui concerne le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision en date du 5 février 2014 portant refus de séjour :
7. Aux termes de l'article 14 de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 : " 1. Un résident de longue durée acquiert le droit de séjourner sur le territoire d'États membres autres que celui qui lui a accordé son statut de résident de longue durée, pour une période dépassant trois mois, pour autant que les conditions fixées dans le présent chapitre soient remplies. / 2. Un résident de longue durée peut séjourner dans un deuxième État membre pour l'un des motifs suivants : a) exercer une activité économique à titre salarié ou indépendant (...) ". Aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-CE (...) qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée : (...) 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. / Pour l'application du présent article, sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, indépendamment des prestations familiales et des allocations (...). Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement (...) ".
8. M. A...fait valoir qu'il bénéficie, ainsi que sa famille, d'un logement, de l'assurance maladie et vit de son activité sans bénéficier de prestations sociales. Il ressort cependant des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que l'activité de M. A... lui procure des ressources très inférieures au montant du salaire minimum de croissance. Le préfet, qui n'a pas fondé sa décision de rejet sur la circonstance que M. A... n'a pas demandé la délivrance d'un titre de séjour dans les trois mois qui ont suivi son entrée sur le territoire français, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis d'erreur de droit en lui refusant la délivrance du titre de séjour commerçant.
9. Si M. A...fait valoir qu'il a trois enfants dont l'aîné est handicapé et le dernier né en France et qu'il est bien intégré en France où réside une partie de sa famille, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision en date du 5 février 2014 portant remise aux autorités italiennes :
10. Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'État membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les États membres de l'Union européenne. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'État. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix (...) ". L'article L. 531-2 du même code dispose que les dispositions de l'article L. 531-2 sont applicables aux étrangers titulaires d'un titre de résident longue durée-CE qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français, dans des conditions déterminées notamment par les articles R. 531-3-2 et R. 531-10 du même code.
11. La décision de remise du 5 février 2014 a été signée pour le préfet du Haut-Rhin par le sous-préfet, directeur de cabinet. Celui-ci disposait d'une délégation de signature à cet effet par arrêté du 31 janvier 2014 régulièrement publié. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse manque en fait.
12. L'arrêté du 5 février 2014 comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent. Il est suffisamment motivé.
13. Il ressort des dispositions précitées de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative auxquelles est soumise l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à un étranger sa remise aux autorités d'un État membre de l'Union européenne. Ces dispositions ne prévoient pas que l'intéressé soit mis à même de présenter des observations avant l'édiction de la décision de remise, mais seulement avant l'exécution effective de celle-ci. Dès lors qu'une procédure spécifique est prévue par des dispositions législatives, la procédure prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'est pas applicable. M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision de remise aux autorités italiennes est illégale du fait qu'il n'a pas été mis à même de présenter des observations préalablement à cette décision.
14. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision d'assignation à résidence litigieuse est fondée sur des décisions de refus de séjour et de remise aux autorités italiennes illégales et manque de ce fait de base légale.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Haut-Rhin en date du 6 mai 2014 portant assignation à résidence. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à la condamnation de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, à prendre en charge, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les frais de procédure.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 14NC01099