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24/03/2015 | FRANCE | N°13NC00961

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 24 mars 2015, 13NC00961


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai 2013 et 29 juin 2013, présentés pour le département du Bas-Rhin, représenté par le président du conseil général en exercice, par la SELARL Soler-Couteaux/E... ; le département du Bas-Rhin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801418 du 21 mars 2013 par lequel tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à titre principal :

- à la condamnation solidaire des sociétés Bernard Ropa ACHR, Toa Architectes, OTE Ingénierie et C2BI à lui verser la somme de 7 9

23 045,12 euros en réparation des préjudices financiers qu'il a subis à l'occasion...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai 2013 et 29 juin 2013, présentés pour le département du Bas-Rhin, représenté par le président du conseil général en exercice, par la SELARL Soler-Couteaux/E... ; le département du Bas-Rhin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801418 du 21 mars 2013 par lequel tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à titre principal :

- à la condamnation solidaire des sociétés Bernard Ropa ACHR, Toa Architectes, OTE Ingénierie et C2BI à lui verser la somme de 7 923 045,12 euros en réparation des préjudices financiers qu'il a subis à l'occasion de l'exécution du marché de maîtrise d'oeuvre confié à ces entreprises dans le cadre des travaux de construction d'un nouveau bâtiment pour accueillir les archives départementales, assortie des intérêts de droit à compter de l'enregistrement de la demande, ainsi que de la capitalisation desdits intérêts ;

- à la condamnation de la société Axima, titulaire du lot " chauffage - ventilation - climatisation ", à lui verser une somme de 100 000 euros à parfaire, assortie des intérêts aux taux légal à compter de l'enregistrement de la demande, ainsi que de la capitalisation desdits intérêts ;

- et à la condamnation des sociétés Bernard Ropa Architecture, Toa Architectes, C2BI, OTE Ingénierie et Axima au paiement d'une somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral ;

2°) de condamner solidairement la SARL Bernard Ropa ACHR, la SARL Toa Architectes, la SA OTE Ingénierie, la société C2BI et la société Axima à lui verser les sommes de 7 904 942,59 euros au titre du préjudice matériel et de 50 000 euros au titre du préjudice moral, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) à défaut, de condamner solidairement le groupement de maîtrise d'oeuvre à lui verser la somme de 5 875 841,64 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation du préjudice matériel, la société C2BI à lui verser la somme de 100 000 euros assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, la société Axima à lui verser la somme de 1 929 100,95 euros assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation et l'ensemble de ces entreprises à lui verser la somme de 50 000 euros assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation du préjudice moral ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la SARL Bernard Ropa ACHR, la SARL Toa Architectes, la SA OTE Ingénierie, la société C2BI et la société Axima à lui verser les sommes de 5 744 964,59 euros au titre du préjudice matériel et de 50 000 euros au titre du préjudice moral, ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts ;

5°) à défaut, de condamner solidairement le groupement de maîtrise d'oeuvre à lui verser la somme de 5 644 964,47 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation du préjudice matériel, la société C2BI à lui verser la somme de 100 000 euros assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation et l'ensemble de ces entreprises et la société Axima à lui verser la somme de 50 000 euros assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation du préjudice moral ;

6°) de mettre à la charge de la SARL Bernard Ropa ACHR, de la SARL Toa Architectes, de la SA OTE Ingénierie, de la société C2BI et de la société Axima la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le département du Bas-Rhin soutient que :

- le principe de l'unicité du décompte ne fait pas obstacle à ce que le maître d'ouvrage recherche la responsabilité contractuelle des entreprises avant l'établissement du décompte général ;

- le principe d'unicité du décompte ne vaut que pour les marchés de travaux publics et non pour les marchés de maîtrise d'oeuvre ;

- certaines des sommes réclamées n'ayant pas vocation à être inscrites dans le décompte, le tribunal ne pouvait refuser d'en faire bénéficier le département au motif de l'unicité du décompte ;

- la société Axima n'a pas atteint les résultats imposés par le cahier des clauses techniques particulières et a manqué à son obligation de conseil ;

- le groupement de maîtrise d'oeuvre a commis de nombreuses erreurs de conception ;

- la société C2BI, titulaire de la mission ordonnancement, pilotage, coordination, n'a pas produit les plans d'exécution dans les délais et a tardé à modifier ou actualiser les plannings des travaux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2013, présenté pour la SA OTE Ingénierie, ayant son siège social au 1 rue de la Lisière, BP 40110, à Illkirch (67403), par la SELARL d'avocats Le Discorde - Deleau ; la SA OTE Ingénierie demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du département ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'infirmer le jugement du 21 mars 2013 en tant qu'il a rejeté ses conclusions reconventionnelles ;

3°) de condamner le département du Bas-Rhin à lui verser la somme de 187 721,05 euros TTC augmentée des intérêts légaux à la date du 5 décembre 2013 et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge du département du Bas-Rhin la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le département ne pouvait saisir le juge avant d'avoir établi les décomptes généraux suivant la résiliation du contrat de maîtrise d'oeuvre et celle du contrat relatif au lot n° 301 " chauffage - ventilation - climatisation " dont la société Axima était titulaire ;

- les sommes dont le département demande le paiement ont vocation à être intégrées dans le décompte, y compris les sommes dues le cas échéant par l'entrepreneur au titre de la mise en cause de sa responsabilité contractuelle ;

- le département n'apporte aucune preuve des manquements contractuels qu'il invoque à son encontre ;

- le système initial de diffusion d'air par murs en briques, qui a reçu l'aval de la direction des archives de France, ne présentait pas de défaut de conception mais l'inconvénient d'une accessibilité réduite ;

- le département ne produit aucun élément de nature à établir que la façade parieto-dynamique pourrait perturber le système de traitement d'air ;

- l'absence de calorifugeage des gaines de reprise d'air a fait l'objet d'un avenant en moins-value entre la société Axima et le département ;

- les registres de réglages, qui ont été installés devant l'insistance du maître d'ouvrage, s'avèrent inutiles ;

- il est admis de ne pas isoler le sol pour une chambre froide positive, ce qui n'est donc pas une erreur de conception ;

- le programme de construction ne prévoyait pas de réglage individuel du chauffage par bureau ;

- aucune pièce du marché n'impose que la réception des travaux se fasse avec des magasins vides ;

- en vertu du CCAP applicable à son marché, la maîtrise d'oeuvre était tenue de respecter les recommandations des archives de France et le programme de construction ;

- le département n'apporte pas la preuve d'une faute du groupement de maîtrise d'oeuvre alors que les dernières mesures réalisées sont conformes aux conditions du programme ;

- le préjudice lié aux frais de stockage et le lien de causalité entre ce préjudice et une faute de la société OTE Ingénierie ne sont pas établis ;

- les marchés dont le département demande la prise en charge par le groupement de maîtrise d'oeuvre ne sont pas des marchés de substitution dans la mesure où le maître d'ouvrage a modifié l'expression de ses besoins ;

- le département ne produit aucun élément de nature à caractériser l'existence d'un préjudice moral ;

- le préjudice financier est injustifié ;

- la résiliation du contrat de maîtrise d'oeuvre par le département est abusive dès lors qu'aucune faute ne peut être reprochée au groupement ;

- la société OTE Ingénierie a subi un préjudice résultant du non paiement de l'ensemble des prestations, de la mauvaise publicité qui lui a été faite, dans la presse notamment, et de son éviction des consultations du département ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2014, présenté pour la société C2BI, ayant son siège BP 90057, 20 avenue du Neuhof à Strasbourg Cedex (67020), par la SELAS MetR Avocats ; la société C2BI demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du département ;

2°) de mettre à la charge du département la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'article 3 du jugement du 21 mars 2013 du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il a rejeté ses conclusions d'appel en garantie ;

4°) de condamner solidairement les sociétés Bernard Ropa ACHR, Toa Architectes et OTE Ingénierie à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

5°) de condamner ces sociétés à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'absence de décompte de liquidation faisait obstacle à la saisine directe du juge et la demande de première instance était donc irrecevable ;

- le département n'établit aucune faute à la charge du groupement de maîtrise d'oeuvre et plus particulièrement à la charge de la société C2BI ;

- les préjudices invoqués par le département ne sont pas établis ;

- les autres membres du groupement devront la garantir de toute condamnation éventuelle prononcée à son encontre ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 février 2014, présenté pour le département du Bas-Rhin qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et demande en outre à la Cour de rejeter les conclusions d'appel incident de la société OTE Ingénierie ;

Il soutient que :

- les préjudices qu'il invoque trouvent leur origine dans les fautes de conception de la maîtrise d'oeuvre, et notamment de la société OTE Ingénierie qui ne peut se prévaloir d'aucun préjudice ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mai 2014, présenté pour la SARL Bernard Ropa ACHR, ayant son siège social au 148, avenue de l'Italie à Paris (75013) et pour la SARL Toa Architectes, ayant son siège au 22, rue d'Adelshoffen à Schiltigheim (67300), agissant par leurs représentants légaux, par Me Monheit, avocat ; la SARL Bernard Ropa et la SARL Toa Architectes demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête du département du Bas-Rhin ;

2°) de mettre à la charge du département la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de rejeter les conclusions à fin d'appel en garantie de la société C2BI en tant qu'elles sont dirigées contre elles ;

4°) de mettre à la charge de la société C2BI la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- l'absence de décompte de liquidation faisait obstacle à la saisine directe du juge ;

- le département n'apporte pas la preuve des manquements qu'il allègue ;

- elles s'approprient les écritures de la société OTE Ingénierie ;

- les travaux supplémentaires du lot électricité ont été exécutés alors que le marché de maîtrise d'oeuvre avait été résilié et leur réception a donc été le fait du seul maître d'ouvrage ;

- la résiliation du marché est fautive ;

- le département a aggravé son préjudice en refusant d'utiliser le bâtiment qui pouvait pourtant être utilisé en totalité ;

- aucune faute ne pouvant être retenue à leur encontre, les appels en garantie formulés par la société C2BI seront rejetés ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 juillet 2014, présenté pour la société Axima, ayant son siège au 46, boulevard de la prairie au Duc, A...10119, à Nantes (44201), agissant par ses représentants légaux, par le cabinet d'avocats Racine ; la société Axima demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du département du Bas-Rhin ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement le groupement de maîtrise d'oeuvre à la garantir de toute condamnation éventuelle ;

3°) de condamner le département du Bas-Rhin aux dépens et de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu à la fin de non-recevoir qu'elle avait opposée tirée de l'absence d'établissement du décompte général de son marché ;

- les prétentions relatives au surcoût des marchés de substitution sont irrecevables dans la mesure où un tel surcoût à vocation à être intégré dans le décompte définitif ;

- le département n'apporte pas la preuve des manquements dont il se prévaut à son encontre ;

- l'absence d'atteinte des objectifs a pour cause la faute de conception commise par le groupement de maîtrise d'oeuvre qui devra donc la garantir de toute condamnation éventuelle ;

- la résiliation de son marché était irrégulière d'une part parce qu'elle n'a commis aucune faute, d'autre part, parce qu'elle n'a pas été mise en mesure de suivre l'exécution du marché de substitution qui ne lui a pas été notifié ;

- le marché de substitution dont le département demande à être indemnisé comporte cinq lots qui sont sans rapport avec le marché qui lui avait été initialement attribué ;

- une collectivité publique ne saurait subir de préjudice moral ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juillet 2014, présenté pour le département du Bas-Rhin qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens et demande en outre à la Cour de condamner la société C2BI à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire enregistré le 30 octobre 2014, présenté pour la société OTE Ingénierie, par la SELAS Endrös - Braun et Associés ; la société OTE Ingénierie indique se désister de ses conclusions d'appel incident, maintient ses autres conclusions et demande en outre à la Cour de condamner la société Axima de la garantir de toute condamnation éventuelle ;

Vu le mémoire enregistré le 30 octobre 2014, présenté pour la société C2BI qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens et demande en outre à la Cour de rejeter l'appel en garantie formulé à son encontre par la société Axima ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2014, présenté pour le département du Bas-Rhin qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 octobre 2014, présenté pour le département du Bas-Rhin qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 4 décembre 2014, présenté pour la société Axima, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 2014, présenté pour le département du Bas-Rhin, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 2014, présenté pour le département du Bas-Rhin qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens et demande en outre à la Cour de mettre à la charge de la société Axima le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 décembre 2014, présenté pour la société OTE Ingénirie qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 décembre 2014, présenté pour la société C2BI, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles approuvé par le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 2015 :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- les observations de MeE..., représentant le département du Bas-Rhin,

- les observations de Me Monheit, représentant les sociétés Ropa ACHR et Toa architectes,

- les observations de MeB..., représentant la société C2BI,

- les observations de MeC..., représentant la société OTE Ingénierie Ingénierie,

- et les observations de MeD..., représentant la société Axima ;

1. Considérant que le département du Bas-Rhin a décidé, au cours de l'année 2001, de faire construire un bâtiment destiné à accueillir les archives départementales ; que la maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée, par acte d'engagement du 9 novembre 2001, au groupement d'entreprises solidaire constitué des sociétés Bernard Ropa ACHR, Toa Architectes, OTE Ingénierie et C2BI ; que la mission " ordonnancement - pilotage - coordination " (OPC) a été confiée à la société C2BI par acte d'engagement du 26 novembre 2001 ; que le lot n° 301 " chauffage - ventilation - climatisation " a été attribué à la société Axima par acte d'engagement du 25 janvier 2006 ; qu'au cours de l'exécution des travaux, des difficultés sont apparues dans le fonctionnement des installations climatiques, générant des travaux supplémentaires et des surcoûts pour le département du Bas-Rhin ; que, sans attendre la réception des travaux, le département a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à ce que le groupement de maîtrise d'oeuvre, la société C2BI et la société Axima soient condamnés, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à l'indemniser des préjudices résultant de ces dysfonctionnements ; que, par un jugement du 21 mars 2013 dont le département du Bas-Rhin relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du groupement de maîtrise d'oeuvre, comme irrecevables, et ses conclusions tendant à la condamnation des sociétés C2BI, en tant que titulaire de la mission OPC, et Axima, en tant qu'entreprise chargée des travaux relatifs aux installations climatiques, comme non fondées ;

Sur le désistement de la société OTE Ingénierie :

2. Considérant que la société OTE Ingénierie a indiqué, dans un mémoire enregistré le 31 octobre 2014, se désister de ses conclusions d'appel incident ; que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que les collectivités publiques sont recevables à demander au juge du contrat, avant l'établissement du décompte définitif, la condamnation de leur cocontractant, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à les indemniser des dommages nés de l'exécution du contrat ; que, par suite, la circonstance qu'à la date à laquelle le département du Bas-Rhin a saisi le tribunal administratif de Strasbourg de sa demande indemnitaire, date à laquelle le marché n'avait pas encore été résilié, aucun décompte général du marché de maîtrise d'oeuvre n'avait été établi, n'était pas de nature à rendre cette demande irrecevable ; qu'il suit de là que le département du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable en tant qu'elle était dirigée contre le groupement de maîtrise d'oeuvre ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé comme irrégulier dans cette mesure ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le département du Bas-Rhin devant le tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'elle est dirigée contre le groupement de maîtrise d'oeuvre et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les conclusions du département dirigées contres les sociétés C2BI et Axima ;

Sur les conclusions dirigées contre la société C2BI en tant que titulaire de la mission d'OPC :

5. Considérant que le département du Bas-Rhin soutient que le nombre des modifications ou d'actualisations des plannings des travaux a été insuffisant et que le retard dans l'exécution des travaux est imputable à la société C2BI ; qu'il demande en conséquence la condamnation de cette société à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation de ce préjudice ; que le département n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir la réalité des manquements qu'il impute à la société C2BI et leur incidence sur le retard global du chantier ; que, par suite, le département du Bas-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation à ce titre de la société C2BI ;

Sur les conclusions dirigées contre le groupement de maîtrise d'oeuvre et la société Axima :

6. Considérant que l'opération en cause concernait la construction d'un bâtiment devant, aux termes du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), " permettre d'assurer la conservation des documents dans les conditions recommandées par les Archives de France et de porter la capacité de stockage actuelle de 30 km à 60 km " ; que le marché était constitué, s'agissant des pièces particulières, de l'acte d'engagement, du CCAP ainsi que du programme de l'opération et de ses annexes ; que le programme de l'opération indique qu'un service d'archives doit répondre à cinq fonctions essentielles obligatoires, notamment " conserver : maintenir vivante une mémoire vieille de plusieurs siècles exige des conditions de conservation très précises (humidité, température, lumière, matériaux de conditionnement...) " et précise que " parmi les causes de détérioration des documents d'archives, une des plus fréquentes est l'excès d'humidité qui entraîne l'apparition et le développement de champignons destructeurs du papier et provoque l'hydrolyse des fibres. Ce danger est accentué lorsque l'air circule mal et qu'il se forme des poches d'air stagnant et humide " ; que ce programme prévoyait ainsi, pour répondre à ces impératifs, que dans les magasins de conservations des documents d'archives, " température et humidité relative soient stabilisées au taux moyen de 18° et 55% HR avec une tolérance d'évolution régulière au sein d'une fourchette pouvant aller de 16° à 60% HR l'hiver à 20° et 40% l'été " ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties " ;

8. Considérant que le département du Bas-Rhin, pour demander à titre principal la condamnation du groupement de maîtrise d'oeuvre et de la société Axima, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à lui verser les sommes de 7 904 942,59 au titre du préjudice matériel et de 50 000 euros au titre du préjudice moral, soutient que la conception de l'ouvrage proposé par le groupement de maîtrise d'oeuvre ne permettait pas d'atteindre les objectifs fixés par le programme ; que le département du Bas-Rhin reproche à la société Axima d'avoir manqué à son obligation de conseil et, au stade de l'exécution, de ne pas avoir respecté son cahier des clauses techniques particulières ; qu'il résulte de l'instruction que le département du Bas-Rhin a désigné, au cours de la réalisation de l'ouvrage, un maître d'ouvrage délégué qui a contesté les principes constructifs proposés par la maîtrise d'oeuvre, pourtant validés par un premier maître d'ouvrage délégué lors de la phase de conception ; que, au vu des évaluations menées par ce nouveau maître d'ouvrage délégué, le département du Bas-Rhin a évalué à la somme de 1 406 376,41 euros le préjudice résultant de la construction puis de la démolition du mur de briques, à la somme de 2 159 978 euros, le préjudice résultant des dysfonctionnement des installations de climatisation et à la somme de 2 104 415,37 euros le préjudice lié à l'installation de la façade dite pariéto-dynamique ; que les entreprises mises en cause contestent tant le principe de l'engagement de leur responsabilité que ces évaluations ;

9. Considérant que, dans ces conditions, l'état du dossier ne permettant pas à la Cour de se prononcer sur les responsabilités encourues, il y a lieu, avant de statuer sur la requête présentée par le département du Bas-Rhin, d'ordonner une expertise ;

D É C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la société OTE Ingénierie de ses conclusions à fin d'appel incident.

Article 2 : Les conclusions de la requête du département du Bas-Rhin tendant à la condamnation de la société C2BI en tant que titulaire de la mission " Ordonnancement Pilotage Climatisation " sont rejetées.

Article 3 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête du département du Bas-Rhin, procédé par un expert en génie climatique, désigné par le président de la Cour administrative d'appel, à une expertise avec mission de :

- prendre connaissance des pièces du marché et de tous documents utiles, notamment des documents élaborés par le groupement de maîtrise d'oeuvre en vue de la conception de l'ouvrage et des remarques formulées par le maître d'ouvrage délégué ;

- analyser la conception de l'ouvrage au regard des objectifs du programme de l'opération, en ce qui concerne le rôle du mur de diffusion d'air, le fonctionnement de la façade dite pariéto-dynamique et le fonctionnement global des installations de climatisation ;

- d'indiquer si la conception de l'ouvrage est entachée d'un vice l'empêchant d'atteindre les objectifs du programme et si l'exécution des travaux a été faite dans le respect des règles de l'art ;

- de donner son avis sur la pertinence des travaux ordonnés par le département du Bas-Rhin pour remédier aux désordres et malfaçons de l'ouvrage et sur la justification des montants demandés à ce titre par le département ;

- si faire se peut, concilier les parties.

Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent jugement, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au département du Bas-Rhin, à la société Bernard Ropa ACHR, à la société Toa architectes, à la société OTE Ingénierie, à la société C2BI et à la société Axima.

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N° 13NC00961


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00961
Date de la décision : 24/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTÉRA
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX / LLORENS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-03-24;13nc00961 ?
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