Vu la décision n° 364042 du 4 décembre 2013 par laquelle le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour M.A..., annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Nancy en date du 27 septembre 2012 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour ;
Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2011 présentée pour M. B...A..., demeurant ...; M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900221 en date du 23 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser une somme de 210 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison des fautes commises par l'administration fiscale lors de l'établissement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Autoteile et Autovermietung au titre de la période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2002 ;
2°) de condamner l'État à lui verser cette somme ;
3°) de mettre à la charge de l'État à une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'administration a commis des fautes lors de la procédure d'imposition de la société Autoteile et Autovermietung ;
- en estimant que la société Autoteile et Autovermietung disposait d'un établissement stable en France, l'administration a commis une faute dans l'appréciation des faits, alors qu'elle ne disposait d'aucun indice sérieux permettant de considérer que les locaux dont disposaient M. A... et sa compagne en France permettaient l'exercice de l'activité de réparation de moteurs de camions ;
- c'est à tort que l'administration s'est fondée sur la notion d'établissement stable retenue par la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959, alors que cette convention ne s'applique pas en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le service a également imposé à tort la société sur une période au cours de laquelle elle n'existait pas encore ;
- M. A...n'a pas commis de fautes et n'a notamment pas refusé de remettre toutes les pièces utiles à l'administration ;
- faute de dégrèvement avant le 25 février 2007, la société qui entendait acheter la société Autoteile et Autovermietung, a fait jouer la clause résolutoire qui stipulait que les litiges fiscaux devaient être éteints avant cette date et a renoncé à son acquisition ;
- l'échec de la vente des parts de la société Autoteile et Autovermietung résulte directement du maintien des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette société au titre des années 1999 à 2002, ce qui a causé à M. A...un préjudice direct qui peut-être évalué à 210 000 euros ;
- il était dans l'incapacité financière de procéder au règlement de la dette d'impôt ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2012 présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- faute pour le requérant de justifier de la date de réception de la notification du jugement attaqué, son appel doit être regardé comme tardif ;
- M. A...ne peut invoquer des fautes qui auraient été commises à l'encontre de la société Autoteile et Autovermietung, qui a la personnalité juridique, pour faire valoir qu'il a subi un préjudice personnel ;
- l'administration n'a pas commis de faute au cours des opérations de vérification de la comptabilité de la société Autoteile et Autovermietung ;
- le fait du contribuable, en l'espèce, s'oppose à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait de l'action de l'administration fiscale ;
- l'administration disposait, en effet, d'un certains nombre d'éléments matériels laissant présumer l'existence d'un établissement stable sans que les constatations faites trois ans plus tard par les services fiscaux allemands soient de nature à avoir une influence sur le litige ; M. A...a par ailleurs fait preuve d'une attitude peu coopérative, refusant de communiquer à l'administration les éléments relatifs à la réalité de la société Autoteile et Autovermietung ;
- l'existence d'un lien direct entre l'action de l'administration fiscale et le retrait de l'offre d'achat de la société SKS Motoren n'est pas établi ;
- le préjudice allégué n'est pas démontré ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 juillet 2012, présenté pour M.A..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 27 août 2012, présenté par le ministre délégué chargé du budget, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 janvier 2014, présenté pour M. A... par la SELARL Schreckenberg et Parnière ; M. A...conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 février 2014, présenté pour le ministre délégué chargé du budget, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire enregistré le 12 mai 2014, présenté pour M.A..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2015 :
- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de Me Pinlon, avocat de M.A... ;
1. Considérant que l'administration, estimant que la société Autoteile et Autovermietung, dont M. A...était l'associé unique et le gérant, exerçait son activité de réparation de moteurs de camions, non pas seulement depuis son siège à Offenburg, en Allemagne, mais aussi depuis un établissement situé à Rosheim, dans le Bas-Rhin, l'a assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 244 136 euros au titre de la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2002, qui ont été mis en recouvrement le 28 juillet 2004 ; que, toutefois, par un jugement, devenu définitif, du 19 juin 2008, le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé la société de la totalité de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'estimant que la résiliation unilatérale par la société SKS Motoren, le 5 mars 2007, de la convention de rachat de la société Autoteile et Autovermietung, au plus tard le 20 novembre 2006 et pour un prix de 520 000 euros, qu'il avait conclue avec elle le 4 septembre 2006, trouvait sa cause dans le maintien des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, M. A...a demandé à l'État, le 2 septembre 2008, le versement d'une indemnité d'un montant de 210 000 euros en réparation du préjudice qu'il soutenait avoir subi du fait des fautes de l'administration fiscale ; que M. A... relève appel du jugement du 23 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à l'indemniser à hauteur de ce montant ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie ; que le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition ; qu'enfin, l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ;
3. Considérant qu'en assujettissant la société Autoteile et Autovermietung à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de prestations de service de réparation de moteurs de camions réalisées depuis un établissement stable sis à Rosheim, alors que cette société, qui ne disposait pendant la période litigieuse d'aucune installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à la réalisation desdites opérations, n'avait pas réalisé d'opérations imposables en France, ainsi qu'il résulte du jugement susmentionné du tribunal administratif de Strasbourg en date du 19 juin 2008, l'administration fiscale a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'État vis-à-vis de M.A..., associé unique et gérant de cette société ;
Sur le préjudice :
4. Considérant que, par convention du 4 septembre 2006, M. A...avait convenu de vendre ses parts de la société Autoteile et Autovermietung à la société SKS Motoren, pour un prix de 520 000 euros ; qu'il sollicite l'indemnisation du préjudice résultant de ce que, postérieurement à l'échec du projet de rachat de sa société, il n'a pas été en mesure de vendre ses parts pour le prix convenu avec la société SKS Motoren ; qu'il estime que ce préjudice doit être évalué à la somme de 210 000 euros, correspondant à la différence entre le montant prévu dans la convention du 4 septembre 2006 et la valeur vénale de la société, déterminée au vu d'un courrier en date du 8 août 2008 que lui a adressé une société de conseil fiscal allemande ; que, dès lors que la convention du 4 septembre 2006 stipulait que ce rachat était subordonné au " règlement de la question de la dette d'impôt en France " et que " la reprise ne pourra être effective que lorsque les droits du fisc français à l'encontre de la GmbH n'existeront plus ", un lien direct existe entre le maintien des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et l'échec de ce projet de rachat ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que M. A... n'a pas, postérieurement à l'échec de cette vente, vendu sa société et n'a donc pas constaté de manière certaine la perte de valeur de celle-ci par rapport au prix auquel il aurait pu la vendre en 2006 ; que le document établi le 30 juillet 2011 par la société de conseil fiscal susmentionnée, qui indique que des tentatives pour vendre la société ont échoué, ne contient aucun élément précis de nature à permettre d'apprécier la réalité des démarches infructueuses entreprises par M. A...pour vendre ses parts dans la société Autoteile et Autovermietung ; que, dans ces conditions, le préjudice que M. A...allègue, résultant de la perte de valeur que ses parts auraient subie depuis la date du 4 septembre 2006, ne présente qu'un caractère éventuel et ne peut donc donner lieu à indemnisation ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
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N° 13NC02228