Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Guillin Emballages a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 2 août 2011 par laquelle le ministre du travail a, sur recours hiérarchique, confirmé la décision de l'inspecteur du travail lui refusant l'autorisation de licencier pour faute M.B....
Par un jugement n° 1101436 du 31 mai 2012, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 2 août 2011.
Par un arrêt n° 12NC01186 et 12NC01187 du 17 décembre 2012, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de M. B...tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon et dit n'y avoir pas lieu à statuer sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.
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Par une décision n° 366105 du 11 avril 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 17 décembre 2012 de la cour administrative d'appel de Nancy et a renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 12NC01186 et le n° 14NC00781, les 12 juillet 2012, 25 octobre 2012 et 21 novembre 2012, M. A...B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101436 du 31 mai 2012 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Guillin Emballages devant le tribunal administratif de Besançon ;
3°) de condamner la société Guillin Emballages à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- le climat social de l'entreprise Guillin Emballages est caractérisé par de nombreuses violences verbales et physiques, qui entraînent un fort taux d'absentéisme et des dépressions chez les salariés ;
- étant suivi pour un syndrome dépressif réactionnel, il a décidé après l'altercation avec l'une de ses collègues de travail d'user de son droit de retrait pour préserver sa santé ;
- la gravité de la faute qui lui est reprochée doit être relativisée au regard du contexte de l'entreprise et des circonstances de l'altercation ;
- c'est à tort que les premiers juges ont pris en compte les sanctions antérieures prononcées à son encontre pour apprécier la gravité des faits qui ont motivé la demande d'autorisation de licenciement dès lors que les faits ayant donné lieu à sanctions étaient sujets à caution.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 octobre 2012, 23 juillet 2014 et 15 décembre 2014, la SAS Guillin Emballages, représentée par la SCP Masson-Pilati-Braillard-Leroux, demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :
1°) de rejeter la requête de M.B... ;
2°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. B...a fait l'objet à de nombreuses reprises, depuis son embauche le 1er janvier 2006, de sanctions disciplinaires ; il n'y a pas de problème de climat social dans l'entreprise mais un problème d'agressivité de M.B... ; le comité d'entreprise a d'ailleurs donné un avis favorable à son licenciement ;
- M. B...a fait preuve d'un comportement fautif le 25 octobre 2010 en agressant une collègue de travail ; le même jour, il a abusé de son droit de retrait, ce qui constitue un abandon de poste ; il a quitté l'entreprise sans autorisation malgré le refus de sa hiérarchie ;
- aucune discrimination liée aux mandats détenus par M. B...ne peut être retenue à l'encontre de l'entreprise.
Par des mémoires enregistrés les 7 novembre 2012 et 8 décembre 2014, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif et au rejet de la demande présentée par la société Guillin Emballages devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- il existe un doute très sérieux sur l'imputabilité de l'agression verbale invoquée par l'employeur dans sa demande ; le salarié a usé de son droit de retrait après en avoir informé préalablement son employeur et eu égard à son état de santé ; son départ n'a pas eu d'effet sur la bonne marche de l'entreprise ;
- l'inspection du travail confirme que les conditions de travail étaient difficiles dans l'entreprise ;
- les faits ne sont pas fautifs ou du moins ne constituent pas une faute suffisante pour justifier le licenciement.
II. Par une requête enregistrée le 11 juillet 2012 sous le numéro 12NC01187, M. A... B...a demandé à la cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1101436 du 31 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 2 août 2011 par laquelle le ministre en charge du travail a refusé d'autoriser son licenciement et de mettre à la charge de la société Guillin Emballages la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire enregistré le 27 août 2012, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social fait valoir que la requête en sursis n'appelle aucune observation de sa part.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2012, la société Guillin Emballages, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me Braillard, avocat de la société Guillin Emballages.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées tendent à l'annulation et au sursis à exécution d'un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 31 mai 2012 :
2. La société Guillin Emballages a sollicité le licenciement pour faute de M.B..., délégué syndical et membre titulaire du comité d'entreprise, au motif que, le 25 octobre 2010, l'intéressé a eu une grave altercation avec une salariée et a ensuite quitté l'entreprise sans y être autorisé. L'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation demandée par une décision implicite du 9 février 2011, explicitement confirmée sur recours hiérarchique par le ministre chargé du travail le 2 août 2011. Par jugement du 31 mai 2012, le tribunal administratif de Besançon a, sur demande de la société Guillin Emballages, annulé la décision du 2 août 2011 refusant l'autorisation de licencier M.B..., au motif que le ministre avait commis une erreur d'appréciation en estimant que M. B...n'avait pas commis, le 25 octobre 2010, de fautes d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement.
3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. La société Guillin Emballages, pour solliciter l'autorisation de licencier M. B..., s'est fondée sur le comportement récurrent d'agressivité et d'insubordination de l'intéressé, en dernier lieu lors d'une altercation le 25 octobre 2010, et son retrait sans autorisation de l'entreprise, constitutif d'un abandon de poste, le jour même de l'altercation.
5. Il est constant que M.B..., opérateur tête de ligne au sein de l'entreprise Guillin Emballage, a eu une altercation le 25 octobre 2010 avec une opératrice, avec laquelle il avait déjà eu un différend. Il a refusé de donner suite à sa demande de mettre en marche la machine de thermoformage de l'atelier de fabrication, alors que cette fonction lui incombe. Il est ensuite allé trouver le chef d'atelier et a indiqué qu'il entendait faire usage de son droit de retrait estimant sa santé mentale menacée. Le directeur industriel lui a proposé de faire appel à un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail pour apprécier les risques encourus, ce que M. B...a refusé. M. B... a quitté l'entreprise le 25 octobre à 18h sans autorisation. Le lendemain, 26 octobre 2010, il a consulté un médecin qui lui a prescrit un arrêt de travail.
5. En premier lieu, il ressort de la contre-enquête effectuée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la Région de Franche Comté que c'est l'opératrice, en réponse à une réflexion, certes hors de propos, de M.B..., qui l'a rabroué et qu'une altercation verbale s'en est suivie. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement de M. B... lors de cette altercation puisse être qualifié, compte tenu du différend préexistant entre les deux salariés, de fautif.
6. En deuxième lieu, il est constant que M. B...est suivi depuis le 20 octobre 2009 pour un syndrome dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles. Le 25 octobre 2010, après l'altercation qui l'avait selon ses dires fortement éprouvé, il a demandé à sa hiérarchie l'autorisation de quitter l'entreprise afin d'aller consulter son médecin, sans qu'une suite favorable soit réservée à sa demande. S'il a quitté l'entreprise à 18 heures sans autorisation, il n'est pas contesté que le lendemain de l'altercation, un arrêt de travail lui a été prescrit. Dans ces circonstances, alors même que les conditions d'exercice du " droit de retrait " ne seraient pas réunies et que M. B...avait déjà été sanctionné pour des faits similaires, sa décision de quitter l'entreprise sans autorisation ne constitue pas un abandon de poste ou une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a retenu le motif tiré de l'erreur d'appréciation de la gravité des fautes commises pour annuler la décision du 2 août 2011 du ministre du travail refusant d'autoriser son licenciement.
8. La société Guillin Emballages n'a pas fait valoir devant le tribunal administratif ou la cour d'autres moyens à l'appui de sa demande d'annulation du refus d'autorisation de licenciement litigieux. M. B...est donc fondé à demander à la cour l'annulation du jugement ayant annulé la décision du 2 août 2011 et le rejet de la demande de première instance de la société Guillin emballages.
Sur la demande de sursis à exécution du jugement :
9. Le présent arrêt statue sur la demande d'annulation du jugement du 31 mai 2012. La requête à fin de sursis à exécution de ce jugement est dès lors devenue sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Guillin Emballages au titre des frais qu'elle a exposés au cours de la présente instance.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Guillin emballages une somme de 1 500 euros à verser à M. B...au titre des frais de procédure qu'il a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement n° 1101436 du tribunal administratif de Besançon.
Article 2 : Le jugement n° 1101436 du tribunal administratif de Besançon en date du 31 mai 2012 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par la SAS Guillin Emballages devant le tribunal administratif et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 4 : La société Guillin emballages versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à la SAS Guillin Emballages et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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