Vu, 1°), la requête, enregistrée le 11 juillet 2012 sous le numéro 12NC01186, complétée par deux mémoires enregistrés les 25 octobre et 21 novembre 2012, présentée pour M. Hervé , demeurant au ..., par la SCP d'avocats Dufay Suissa Corneloup Werthe ; M. demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101436 du 31 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 2 août 2011 du ministre du travail refusant d'autoriser son licenciement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Guillin Emballages devant le Tribunal administratif de Besançon ;
3°) de condamner la société Guillin Emballages à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
M. soutient que :
- le climat social de l'entreprise Guillin Emballages est caractérisé par de nombreuses violences verbales et physiques, qui entraînent un fort taux d'absentéisme et des dépressions chez les salariés ;
- étant suivi pour un syndrome dépressif réactionnel, il a décidé après l'altercation avec l'une de ses collègues de travail d'user de son droit de retrait pour préserver sa santé ;
- la gravité de la faute qui lui est reprochée doit être relativisée au regard du contexte de l'entreprise et des circonstances de l'altercation ;
- c'est à tort que les premiers juges ont pris en compte les sanctions antérieures prononcées à son encontre pour apprécier la gravité des faits qui ont motivé la demande d'autorisation de licenciement dès lors que les faits ayant donné lieu à sanctions étaient sujets à caution ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 21 septembre 2012 fixant la clôture de l'instruction le 25 octobre 2012 à 16 heures ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2012, complété par un mémoire enregistré le 9 novembre 2012, présenté pour la société Guillin Emballages, dont le siège est zone industrielle BP 89 à Ornans (25290), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Cadrot ;
La société Guillin Emballages demande à la Cour :
- de rejeter la requête ;
- d'enjoindre à l'inspecteur du travail compétent de se prononcer à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement de M. dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
- de mettre à la charge de M. la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
La société Guillin Emballages fait valoir que :
- le 25 octobre 2010, M. a agressé verbalement une de ses collègues de travail, a abandonné son poste de travail et a quitté l'entreprise sans autorisation ; il a déjà été sanctionné antérieurement pour son agressivité récurrente à l'égard de ses collèges de travail et son insubordination à l'égard de sa hiérarchie ; la faute commise par M. était ainsi suffisamment grave pour justifier son licenciement ;
- l'entreprise Guillin Emballages ne connaît pas d'autre problème que celui résultant de l'agressivité de M. ;
- M. n'a jamais contesté au contentieux les sanctions dont il a déjà fait l'objet ; ces sanctions étaient sans lien avec son mandat ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 novembre 2012, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui conclut à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Besançon du 31 mai 2012 et au rejet de la demande présentée par la société Guillin Emballages devant le Tribunal administratif de Besançon ;
Le ministre fait valoir que :
- il n'est pas établi que M. aurait agressé verbalement une de ses collègues de travail ;
- l'état de santé de M. ne lui permettait pas de rester à son poste après l'incident du 25 octobre 2010 ; son départ ne saurait être assimilé à un abandon de poste ;
- le fait pour M. d'avoir quitté l'entreprise sans autorisation n'a pas eu de répercussion sur la bonne marche de l'entreprise ; cette faute n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
- les conditions de travail dans l'entreprise sont difficiles ;
Vu l'ordonnance en date du 16 novembre 2012 rouvrant l'instruction ;
Vu la lettre en date du 16 novembre 2012 informant les parties que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, 2°), sous le numéro 12NC01187, la requête, enregistrée le 11 juillet 2012, présentée pour M. Hervé , demeurant au ..., par la SCP d'avocats Dufay Suissa Corneloup Werthe ; M. demande à la Cour :
- de surseoir à l'exécution du jugement n° 1101436 du 31 mai 2012, par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 2 août 2011 par laquelle le ministre en charge du travail a refusé d'autoriser son licenciement ;
- de mettre à la charge de la société Guillin emballages la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
M. soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les fautes qui lui étaient reprochées étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement dès lors que la gravité des faits en cause devaient être appréciés au regard du contexte de l'entreprise et des circonstances de l'espèce ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 août 2012, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
Le ministre fait valoir que la requête en sursis n'appelle aucune observation de sa part ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2012, présenté pour la société Guillin emballages dont le siège est zone industrielle BP 89 à Ornans (25290), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Cadrot, avocat ; la société Guillin emballages conclut au rejet de la requête ;
Elle fait valoir que :
- les faits invoqués étaient suffisamment graves pour justifier le licenciement de M. ;
- il n'existe aucun lien entre le mandat syndical et les sanctions prononcées à son encontre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 2012 :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,
- et les observations de Me Cadrot pour la société Guillin emballages ;
Sur la jonction :
1. Considérant que les requêtes susvisées n° 12NC01186 et n° 12NC01187 de M. tendent à l'annulation et au sursis à l'exécution du jugement en date du 31 mai 2012 du Tribunal administratif de Besançon ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur la requête n° 12NC01187 :
2. Considérant que la présente décision statue sur la requête n° 12NC01186 de M. à fin d'annulation du jugement dont il est demandé le sursis à exécution ; que, dès lors, la requête à fin de sursis à exécution du jugement est devenue sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer ;
Sur la requête n° 12NC01186 :
3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des représentants du personnel, qui bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
4. Considérant que l'inspecteur du travail de Besançon a, par une décision implicite du 9 février 2010, refusé d'autoriser le licenciement de M. Hervé , délégué syndical CGT membre titulaire du comité d'entreprise de la société Guillin Emballages ; que, par une décision expresse du 2 août 2011 intervenue à la suite du recours hiérarchique formé le 31 mars 2011 par la société Guillin Emballages, le ministre du travail a également refusé d'autoriser le licenciement de M. ; que M. demande l'annulation du jugement du 31 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision ; que la société Guillin Emballages conclut au rejet de la requête, et, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint à l'inspecteur du travail territorialement compétent de se prononcer à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement de M. dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
En ce qui concerne les conclusions d'appel principal :
5. Considérant que pour solliciter l'autorisation de licencier M. , la société Guillin Emballages s'est fondée sur le comportement récurrent d'agressivité et d'insubordination de l'intéressé ;
6. Considérant qu'il est constant que M. , opérateur tête de ligne, a eu une altercation le 25 octobre 2010 avec Mme X., opératrice, qu'à la suite de cette altercation, M. a décidé de faire usage de son droit de retrait, enfin qu'il a quitté l'entreprise sans autorisation à 18 heures ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. ait agressé verbalement Mme X. le 25 mai 2010 ; qu'il ressort tout au contraire de la contre-enquête effectuée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Franche-Comté que c'est Mme X. qui, en réponse à une réflexion - certes hors de propos - de M. , l'a vivement rabroué ; qu'ainsi le comportement de M. avec Mme X. n'est pas constitutif d'une faute ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que M. est suivi depuis le 20 octobre 2009 pour un syndrome dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles ; que dans ces circonstances, la décision de M. , à la suite de cette altercation, de faire usage de son droit de retrait ne constitue, ni un usage abusif de ce droit, ni un abandon de poste ;
9. Considérant, en dernier lieu, que le fait pour M. de quitter l'entreprise sans y avoir été autorisé constitue une faute ; que M. ayant déjà été sanctionné par trois jours de mise à pied pour des faits similaires en juin 2008, cette faute est d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, sans que M. puisse se prévaloir en l'espèce du contexte de l'entreprise ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 2 août 2011 du ministre du travail refusant d'autoriser son licenciement ;
Sur les conclusions d'appel incident de la société Guillin Emballages :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L.911-2 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après nouvelle instruction, la juridiction saisie, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé" ;
12. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique que l'inspecteur du travail se prononce à nouveau sur la demande de la société Guillin Emballages tendant à obtenir l'autorisation de licencier M. ; que par suite, il est enjoint à l'inspecteur du travail de se prononcer à nouveau sur cette demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Guillin Emballages, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. la somme demandée au même titre par la société Guillin Emballages ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. tendant au sursis à l'exécution du jugement du 31 mai 2012 du Tribunal administratif de Besançon.
Article 2 : La requête n° 12NC01186 de M. est rejetée.
Article 3 : Il est enjoint à l'inspecteur du travail de se prononcer à nouveau sur la demande de la société Guillin Emballages tendant à obtenir l'autorisation de licencier M. dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions de la société Guillin Emballages présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hervé , à la société Guillin Emballages et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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