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05/02/2015 | FRANCE | N°14NC01404

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 05 février 2015, 14NC01404


Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant à..., par MeC... ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400706 du 13 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2013 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 7 octobre 2013 ;

3°) d'

enjoindre au même préfet de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jo...

Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant à..., par MeC... ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400706 du 13 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2013 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 7 octobre 2013 ;

3°) d'enjoindre au même préfet de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de renonciation de Me C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Mme B...soutient que :

- des pièces de procédure ne lui ont pas été communiquées ;

S'agissant du refus de titre de séjour :

- le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour ;

- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- le refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il porte atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale et méconnait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- l'obligation de quitter le territoire doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'alinéa 10 de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est intervenue en violation des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

Vu le jugement et l'arrêté du 7 octobre 2013 attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2014, présenté par la préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 8 juillet 2014 admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du 4 novembre 2014 portant clôture d'instruction au 20 novembre 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2015 :

- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président-assesseur ;

1. Considérant que MmeB..., de nationalité congolaise, est entrée irrégulièrement en France le 11 février 2011, à l'âge de trente-deux ans ; que sa demande d'asile a été rejetée une première fois par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 27 avril 2012 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2012 ; que Mme B...a alors sollicité son admission au séjour en faisant valoir son état de santé ; que, par un arrêté du 7 octobre 2013, le préfet du Bas-Rhin a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays dont elle a la nationalité pour destination de cette mesure ; que, par un jugement du 13 mai 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le recours en annulation de Mme B...contre cette décision ; que Mme B...demande l'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 7 octobre 2013 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe./ La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin a produit, avant la clôture de l'instruction fixée par ordonnance du vice-président du tribunal administratif au 25 mars 2014, un mémoire et des pièces complémentaires enregistrés le 24 mars 2014, qui n'ont pas été communiqués à MmeB... ; qu'il ressort de la motivation du jugement attaqué que le tribunal administratif de Strasbourg a pris ces pièces en compte pour estimer que l'administration établissait l'existence dans le pays d'origine de l'intéressée de structures médicales et d'un traitement appropriés à son état de santé ; qu'en s'abstenant de procéder à la communication de ces pièces, le tribunal a méconnu les exigences qui découlent des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et qui sont destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction ; que les premiers juges ont ainsi entaché le jugement attaqué d'irrégularité ; que Mme B...est dès lors fondée à en demander l'annulation ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée du préfet du Bas-Rhin du 7 octobre 2013 a été signé par M. Christian Riguet, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, qui, en vertu d'un arrêté du 16 septembre 2013, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, disposait d'une délégation à l'effet de signer en la matière, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers ; qu'ainsi, le moyen tiré par MmeB..., à qui il incombe, en tout état de cause, d'établir que les conditions d'exercice de la délégation n'étaient pas réunies, de ce que l'arrêté contesté aurait été pris par une autorité incompétente manque en fait ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. "; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (... ). " ; qu'aux termes de l'article de l'article 4 de l'arrêté interministériel du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois " ;

7. Considérant que l'avis émis le 1er août 2013 par le médecin de l'agence régionale de santé comporte l'ensemble des mentions exigées par les dispositions précitées ainsi que la signature de son auteur, dont il indique le nom et la qualité ; que, par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le refus de séjour pour raison médicale aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la Cour statue " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le I de l'article L. 511-1 est alors applicable " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article R. 213-3 du même code : " L'étranger est informé du caractère positif ou négatif de cette décision dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend " ;

9. Considérant que le refus de séjour dont Mme B...demande l'annulation répond à sa demande, formée le 23 octobre 2012, d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, elle ne peut utilement invoquer les dispositions précitées relatives à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de demandeur d'asile à l'encontre du refus que le préfet du Bas-Rhin a opposé à cette demande ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des dispositions précédemment citées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;

11. Considérant que pour refuser de délivrer à Mme B...le titre de séjour qu'elle sollicitait à raison de son état de santé, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé sur l'avis, émis le 1er août 2013, par le médecin de l'agence régionale de santé d'Alsace aux termes duquel l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, que les soins nécessités par son état de santé doivent, en l'état actuel, être poursuivis pendant douze mois et que son état de santé lui permet de voyager sans risque ; que si Mme B...fait valoir qu'elle souffre d'une névrose post traumatique et qu'elle a fait l'objet d'une hospitalisation d'office, elle n'établit pas, notamment par les certificats médicaux versés au dossier, que le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'un traitement approprié à son état de santé serait inexistant dans son pays d'origine quand bien même l'accessibilité aux soins serait rendue difficile en raison de son coût ;

12. Considérant que, dès lors, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas commis d'erreur d'appréciation, ni d'erreur de droit, en estimant que la requérante ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade du fait de l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

13. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que ces stipulations ne sauraient, en tout état de cause, s'interpréter comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par un demandeur de titre de séjour, d'y établir sa résidence privée et de permettre son installation ou le regroupement de sa famille sur son territoire ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ;

14. Considérant que si Mme B...se borne à faire valoir qu'elle parle couramment le français et qu'elle a développé un réseau social, elle ne justifie ni de l'existence ni de l'ancienneté d'une vie privée ou familiale en France ; qu'elle ne fait état d'aucun obstacle à ce qu'elle retourne dans son pays d'origine, où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant la délivrance du titre de séjour qu'elle demandait, le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni encore entaché l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle d'une erreur manifeste ;

15. Considérant, en dernier lieu, que si, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ", il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent ; que, comme il a été dit précédemment, Mme B...n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet du Bas-Rhin n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

16. Considérant, en premier lieu, que la décision portant refus de séjour n'étant pas, ainsi qu'il a été dit, entachée d'excès de pouvoir, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision invoqué par voie d'exception à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

17. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi du 16 juin 2011 : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;(...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;

18. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'autorité administrative ne peut prendre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire français sans lui avoir, dans la même décision, refusé, de manière explicite et motivée, un titre de séjour ; qu'ainsi, la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'implique pas, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives permettant d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences des dispositions susmentionnées de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

19. Considérant, d'autre part, que, dès lors que, comme en l'espèce, le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation, qui se confond avec celle de la décision de refus de séjour, n'implique pas, ainsi qu'il vient d'être dit, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12 précité de la directive du 16 décembre 2008 ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;

20. Considérant, en troisième lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 742-1, L. 742-3, des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de la requérante, qui reprennent ce qui a été développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment ;

21. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ... " ;

22. Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de cette dernière ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

23. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;

24. Considérant que, si Mme B...soutient qu'elle encourt des persécutions en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son soutien à des rebelles du Bas-Congo, elle ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations de nature à établir la réalité et le caractère personnel et direct des risques encourus ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Bas-Rhin a méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant pour destination de la mesure d'éloignement le pays dont elle a la nationalité ;

25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2013 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

26. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

27. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 mai 2014 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 14NC01404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01404
Date de la décision : 05/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-02-05;14nc01404 ?
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