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05/02/2015 | FRANCE | N°13NC01394

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 05 février 2015, 13NC01394


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant ..., par Me C... ;

M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201810 du 21 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006, 2007 et 2008, respectivement, pour des montants de 3 929, 3 426 et 4 016 euros, et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;


3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. ...

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant ..., par Me C... ;

M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201810 du 21 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006, 2007 et 2008, respectivement, pour des montants de 3 929, 3 426 et 4 016 euros, et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. B...soutient que :

- la société DVPWEB a effectivement exercé son activité depuis le territoire du Grand-Duché du Luxembourg ;

- il exerçait son activité en qualité de salarié de DVPWEB au Luxembourg, où il s'est acquitté de ses obligations fiscales et sociales ;

- la gestion du site internet, qui seule emporte la création du chiffre d'affaires, s'effectuait au Luxembourg ;

- les activités accessoires ou préparatoires en France ne permettent pas de rattacher ses revenus à la France ;

- l'administration ne peut légalement lui opposer les éléments recueillis lors de la procédure de visite et de saisie, celle-ci étant irrégulière ;

- les données de la société étaient stockées non en France mais sur un ordinateur portable ;

- les messages tirés de sa messagerie personnelle n'établissent en rien qu'il n'aurait pas réellement travaillé au Luxembourg avant 2009 ;

- le tribunal administratif de Montreuil a reconnu l'exercice d'une activité de la société DVPWEB au Luxembourg ; il peut se prévaloir de l'article 24 de la convention fiscale entre la France et le Grand-Duché du Luxembourg ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2014, présenté par le ministre chargé du budget, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre fait valoir que :

- le déploiement intégral de la société DVPWEB en France et les échanges de messages électroniques entre M. B...et l'administrateur du site de la société établissent l'exercice par M. B... de son activité en France ;

- les éléments caractéristiques de l'activité de la société DVPWEB démontrent son établissement stable en France entre 2005 et 2008 ;

- la société n'a pas disposé de locaux au Luxembourg avant le 5 janvier 2009 ;

- la régularité de la procédure de visite et de saisie, outre qu'elle est inopérante s'agissant du litige concernant M.B..., a été reconnue par une ordonnance de la cour d'appel de Nancy en date du 19 mai 2010 ;

- la proposition de rectification se réfère aux éléments saisis sur l'ordinateur portable de M.B... ;

- la circonstance que M. B...se serait acquitté de ses obligations fiscales au Luxembourg est inopérante ;

- les seules mentions du contrat de travail n'ont aucun caractère probant pour fixer le lieu d'exercice de l'activité ;

- le manquement est délibéré ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention du 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg en matière d'impôts sur le revenu et la fortune modifiée par l'avenant du 8 septembre 1970, publiée au journal officiel de la République française du 9 avril 1960 ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2015 :

- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., gérant salarié de la société DVPWEB dont le siège social est au Luxembourg et qui a pour activité le commerce électronique de faire-part, a fait l'objet le 27 mars 2009 à son domicile en France de la procédure de saisie et de visite prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; que, sur le fondement des constatations effectuées au cours de cette procédure et des éléments recueillis lors d'une vérification de comptabilité de la société DVPWEB, l'administration fiscale a assujetti M. B...à l'impôt sur le revenu en France à raison des salaires tirés de cette activité au titre des années 2006, 2007 et 2008 ; que M. B...demande l'annulation du jugement du 21 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande de décharge de ces impositions ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le principe de l'assujettissement de M. B...à l'impôt sur le revenu en France :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...) " ; que, selon l'article 2-4 de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 susvisée : " le domicile fiscal des personnes physiques est au lieu de la résidence normale entendue dans le sens de foyer permanent d'habitation ou, à défaut, au lieu du séjour principal " ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : " les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus " ;

3. Considérant, d'une part, que M.B..., dont il n'est pas contesté que le domicile personnel se trouve à Montigny-sur-Chiers (Meurthe-et-Moselle), a exercé de manière continue les fonctions de gérant salarié de la société DVPWEB au cours des trois années d'imposition litigieuses ; qu'il résulte des éléments recueillis par l'administration fiscale, notamment lors du contrôle de la société DVPWEB qui a repris l'activité précédemment exercée en France sous l'enseigne " WebProg International " par son administrateur de site, que cette société a enregistré en France la propriété de ses sites internet hébergés en France sur un même serveur ; qu'elle a commercialisé depuis la France et principalement vers la France des faire-part qui y étaient conçus et imprimés avant d'être livrés par les services postaux français contre des règlements perçus sur un compte bancaire en France, notamment par le moyen d'un terminal de paiement électronique géré en France ; que la gestion de ces sites était assurée depuis le territoire français et que les données traitées par la société DVPWEB, qui constituaient l'intégralité de son activité, étaient stockées, fût-ce également sur un ordinateur portable, en France ; qu'il est ainsi démontré que la société DVPWEB dont M. B...était, au titre des années en litige, le gérant salarié, avait établi de manière stable en France l'exercice de son activité ; que, d'autre part, il ressort tant des courriels échangés par M. B... avec l'administrateur du site de la société au cours des années 2008 et 2009 que des informations transmises par l'administration fiscale luxembourgeoise, que l'activité au Luxembourg de la société DVPWEB, qui n'a disposé de locaux dans ce pays qu'au 5 janvier 2009, y était avant cette date insignifiante ; que les circonstances invoquées par M. B... et qui tiennent notamment au respect par la société DVPWEB et lui-même de leurs obligations fiscales au Luxembourg, de la détention par la société d'un compte bancaire dans ce pays et de la mention du Luxembourg comme lieu de travail exclusif dans les contrats de travail conclus avec les salariés, ne sont pas de nature à contredire les éléments factuels réunis par le vérificateur qui démontrent que le siège de la société au Luxembourg correspond à une simple adresse de domiciliation au cours des trois années d'imposition ; que, par suite, les stipulations précitées de la convention bilatérale conclue entre la France et le Luxembourg n'ont pas pour effet de s'opposer à l'imposition en France de l'intéressé ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration, qui a pu valablement se fonder sur les éléments recueillis à l'issue de la procédure conduite en application de l'article 16 B du code général des impôts et déclarée régulière par une ordonnance du premier président de la cour d'appel de Nancy du 19 mai 2010 prise sur le fondement de l'article 164 de la loi susvisée du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, a regardé M. B...comme ayant exercé en France son activité professionnelle au cours des années 2006 à 2008 et l'a assujetti à l'impôt sur le revenu en application des dispositions précitées du code général des impôts pour les revenus tirés de cette activité ;

En ce qui concerne la situation de double imposition :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la convention franco-luxembourgeoise susvisée : " 1. Tout contribuable qui prouve que les mesures prises par les autorités fiscales des deux Etats contractants ont entraîné pour lui une double imposition en ce qui concerne les impôts visés par la présente convention peut adresser une demande soit aux autorités compétentes de l'Etat sur le territoire duquel il a son domicile, soit à celles de l'autre Etat. Si le bien-fondé de cette demande est reconnu, les autorités compétentes s'entendent pour éviter de façon équitable la double imposition (...) " ;

5. Considérant que M. B...se prévaut de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, notamment de l'article 24 précité ; que, toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, le requérant a son domicile fiscal en France et les rémunérations en litige concernent une activité réalisée en France ; que, par ailleurs, s'agissant d'un contribuable distinct, la circonstance, à la supposer avérée, que la société DVPWEB aurait déclaré les sommes litigieuses au titre de l'impôt sur les sociétés au Luxembourg n'est pas susceptible d'établir l'existence d'une double imposition des sommes en litige ; qu'ainsi, M. B...n'est pas fondé à soutenir que les sommes litigieuses auraient fait l'objet d'une double imposition en violation de la convention franco-luxembourgeoise précitée ;

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :

6. Considérant qu'en application de l'article 1729 du code général des impôts, les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration entraînent l'application d'une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré ; que, pour justifier l'application de cette majoration, l'administration a relevé, à bon droit dans ses motifs, que M. B...ne pouvait ignorer, en sa qualité de gérant de la société DVPWEB, que celle-ci disposait d'une installation fixe d'affaires sur le territoire français lui permettant d'y développer une activité de négoce ; qu'elle a ensuite déduit de ces circonstances que le requérant ne pouvait non plus ignorer qu'il exerçait ses activités en France, depuis son domicile privé, au moyen notamment des données de la société transportées sur ordinateur portable et que les revenus tirés de ces activités devaient être soumis à l'impôt sur le revenu en France bien qu'ils aient été versés par une société dont le siège était luxembourgeois ; que par suite, l'administration doit être regardée comme ayant établi la volonté de l'intéressé d'éluder une partie des impositions dont il était redevable ;

7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006, 2007 et 2008 pour les revenus qu'il a perçus pour son activité de gérant salarié de la société DVPWEB ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre chargé du budget.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Est.

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N° 13NC01394


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01394
Date de la décision : 05/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Lieu d'imposition.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Territorialité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : HAUBOURDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-02-05;13nc01394 ?
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