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11/12/2014 | FRANCE | N°14NC00951

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2014, 14NC00951


Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2014, présentée pour M. A... C..., demeurant au..., Mme B...C..., demeurant au..., par Me D... ;

M. et Mme C... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302497-1302498 du 21 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 4 juin 2013 par lesquels la préfète de la Meuse leur a refusé le séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire et a fixé leur pays d'origine pour destination de cette mesure si elle devait être exécutée d'office ;



2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 4 juin 2013 ;

3°) d'enjo...

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2014, présentée pour M. A... C..., demeurant au..., Mme B...C..., demeurant au..., par Me D... ;

M. et Mme C... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302497-1302498 du 21 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 4 juin 2013 par lesquels la préfète de la Meuse leur a refusé le séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire et a fixé leur pays d'origine pour destination de cette mesure si elle devait être exécutée d'office ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 4 juin 2013 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Meuse de leur délivrer un titre de séjour les autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de renonciation de la SCP Annie Lévi-Cyferman - Laurent Cyferman au bénéfice de l'aide juridictionnelle par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. et Mme C...soutiennent que :

- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire sont insuffisamment motivés ;

- ils encourent des risques en cas de retour dans leur pays d'origine ; l'arrêté attaqué méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué porte atteinte à leur droit à une vie privée et familiale et est intervenu en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la même décision méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué et les arrêtés du 4 juin 2013 ;

Vu la mise en demeure, adressée le 8 septembre 2014 à la préfète de la Meuse, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 22 avril 2014, admettant M. et Mme C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2014 :

- le rapport de M. Martinez, président de chambre ;

1. Considérant que M. et MmeC..., de nationalité bosnienne, sont entrés irrégulièrement sur le territoire français selon leurs déclarations en septembre 2012, à respectivement trente-deux et trente ans, avec leurs deux enfants mineurs ; que la préfète de la Moselle leur a refusé le séjour par deux décisions du 24 juillet 2012 ; que, par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 décembre 2012, leurs demandes d'asile conventionnel ont été rejetées ; que le préfet de la Meuse, par deux arrêtés du 4 juin 2013, a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé pour destination de cette mesure, si elle devait être exécutée d'office, le pays dont ils ont la nationalité ou tout pays dans lequel ils sont légalement admissibles ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 21 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés et demandent l'annulation de ces derniers ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; et qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ; qu'il ressort de la lecture des arrêtés attaqués que, contrairement à ce que soutient M. et MmeC..., ceux-ci énoncent les considérations de droit et de fait propres à leur situation personnelle sur lesquelles la préfète a entendu fonder les refus de séjour ; que ces considérations sont suffisamment développées pour mettre utilement en mesure M. et Mme C... de discuter les motifs de ces refus et de l'obligation de quitter le territoire français, et le juge d'exercer son contrôle en pleine connaissance de cause ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués seraient insuffisamment motivés, en méconnaissance notamment de la loi susvisée du 11 juillet 1979, manque en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 dudit code, " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;

4. Considérant que les requérants font valoir qu'en famille, ils justifient d'une vie privée nouée avec les membres de leur communauté installés en France, où leurs enfants sont scolarisés et où ils suivent l'apprentissage de la langue ; que cependant, il ressort des pièces du dossier qu'ils ne sont entrés en France qu'en septembre 2012, à plus de trente ans, pour y demander l'asile ; qu'il n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine, où il n'est fait état d'aucun obstacle à ce que, étant tous en situation irrégulière en France, ils poursuivent avec leurs enfants, qui peuvent y être scolarisés, leur vie familiale ; que dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que les refus de titre de séjour attaqués porteraient à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtraient par suite les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; qu'il suit de là que ledit moyen soulevé à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire doit également être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que cet intérêt s'apprécie au regard de la situation propre à l'enfant concerné par ces stipulations et non des droits ou avantages que pourrait en tirer indirectement par voie de conséquence pour sa propre situation un membre de sa famille ou un proche ; que l'intérêt supérieur des enfants mineurs concernés est de vivre avec leurs parents ; que M . et Mme C...qui n'apportent aucun élément de nature à établir l'impossibilité pour leurs enfants, auxquels la nationalité bosnienne n'ouvre aucun droit à rester en France, de les suivre dans leur pays d'origine commun ; qu'enfin et tout état de cause, les requérants comme les enfants se trouvant ensemble en situation irrégulière en France et ayant vocation à en être éloignés ensemble, les arrêtés attaqués n'ont pas, par eux-mêmes, pour effet de provoquer une séparation ; que, dans ces conditions, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que les refus de séjour contestés, même assortis d'une mesure d'éloignement, préjudicieraient à l'intérêt supérieur de leurs enfants tel que celui-ci est défini et protégé par l'article 3-1 de la convention de New York ; que le moyen qui en est tiré doit dès lors être écarté ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : /1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; /2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; /3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;

7. Considérant d'une part que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant s'agissant de la légalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire, décisions qui n'impliquent pas, par elles-mêmes, le retour des intéressés dans leur pays d'origine ;

8. Considérant d'autre part que M. et Mme C...ne produisent aucun élément probant de nature à établir qu'ils encourraient des risques les visant actuellement et personnellement en cas de retour dans leur pays d'origine ; que dès lors, le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de renvoi auraient été prises en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. et Mme C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Meuse.

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N° 14NC00951


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00951
Date de la décision : 11/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : LEVI-CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-12-11;14nc00951 ?
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