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11/12/2014 | FRANCE | N°13NC00275

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2014, 13NC00275


Vu la requête, enregistrée le 15 février 2013, présentée pour M. et Mme A...C..., demeurant..., par Me B...;

M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale ;

2°) d'annuler le jugement n° 1000096 du 18 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;

3°) de prononcer la décharge demandée d'un montant de 21 367 euros ;

4°)

de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de jus...

Vu la requête, enregistrée le 15 février 2013, présentée pour M. et Mme A...C..., demeurant..., par Me B...;

M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale ;

2°) d'annuler le jugement n° 1000096 du 18 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;

3°) de prononcer la décharge demandée d'un montant de 21 367 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme C...soutiennent que :

- si la cour n'est pas tenue de surseoir à statuer, une bonne administration de la justice le justifie en l'espèce, compte tenu des nombreuses approximations dans les constatations opérées par l'administration fiscale, révélées par les procédures pénales en cours dont le dénouement est proche ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ce qu'elle se réfère aux propositions de rectification adressées aux sociétés en participation (SEP), qui étaient elles-mêmes insuffisamment motivées faute d'être accompagnées de documents de nature à justifier la position de l'administration ;

- en vertu de l'alinéa 2 du II de l'article 199 undecies B applicable à l'exercice 2005, aucun agrément préalable ne pouvait être exigé, dès lors que le financement effectué par chaque SEP ne dépassait pas 300 000 euros ainsi que l'a implicitement admis l'administration pour d'autres SEP, ce qui doit lui être opposé par l'application des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- la livraison du bien, qui est indépendante de sa remise matérielle, a été effectuée en 2005 ; qu'en tout état de cause et à supposer que la livraison ait eu lieu en 2006, l'investissement devrait être admis en déduction au titre de 2006 ;

- la surfacturation alléguée par l'administration n'est pas démontrée ;

- le principe général communautaire de proportionnalité, qui s'applique en l'espèce contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, doit conduire à la décharge des redressements en litige dès lors que l'administration inflige aux autres intervenants des amendes qui lui permettent d'obtenir plusieurs fois le remboursement des réductions d'impôt accordées et que les investisseurs, dont la sécurité n'est pas assurée, ne seront pas en mesure d'obtenir le remboursement des redressements par les autres intervenants alors qu'ils subissent un préjudice en raison d'actions de tiers ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2013, présenté par le ministre chargé du budget, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre fait valoir que :

- les instances pénales et fiscales sont indépendantes et la cour n'est pas tenue de surseoir à statuer ;

- la proposition de rectification est suffisamment motivée en droit comme en fait et comporte en annexe l'ensemble des pièces de nature à permettre la présentation d'observations de manière utile ;

- en ce qui concerne les SEP Oeillet 1 et 3, un agrément préalable était nécessaire en vertu des deux seuils non exclusifs l'un de l'autre prévus par les textes applicables et afin d'éviter des différences de traitement qui résulteraient de la multiplication de SEP inscrivant à leur actif des biens d'un montant inférieur au seuil de 300 000 euros en présence d'un programme de l'exploitant d'un montant annuel supérieur à 1 000 000 euros ;

- en ce qui concerne la SEP Oeillet 1, le moyen tiré de la date de livraison est inopérant dès lors que les textes du code général des impôts subordonnent l'attribution de l'avantage fiscal à la livraison effective du bien ;

- il résulte des pièces du dossier que les investissements relatifs aux SEP Oeillet 1 et 3 ont été surfacturés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2014 :

- le rapport de M. Martinez, président de chambre,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) SGI, qui a son siège à la Réunion et a pour objet de permettre à des particuliers de bénéficier des avantages fiscaux instaurés par le code général des impôts en faveur des investissements réalisés en outre-mer, a créé de nombreuses sociétés en participation (SEP) dont elle assurait la gestion ; que chaque SEP était chargée de la réalisation d'une opération et devait acheter à un fournisseur un matériel ou plusieurs matériels qu'elle devait ensuite louer à un artisan ou entrepreneur dans des conditions ouvrant droit aux avantages prévus par l'articles 199 undecies B du code général des impôts ; que M.C..., qui, par le biais de l'EURL Sixso dont il est l'associé unique, a apporté des fonds aux SEP Oeillet 1, 2, 3, 4 et 5, a bénéficié des avantages fiscaux correspondant à ses investissements dans ces SEP ; que, toutefois, l'administration a remis en cause ces avantages fiscaux au motif que les opérations réalisées par chacune de ces SEP ne remplissaient pas, en réalité, les conditions exigées par les dispositions du code général des impôts ; que M. et Mme C...demandent l'annulation du jugement n° 1000096 du 18 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu d'un montant de 21 367 euros auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation...." ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification en date du 26 novembre 2008, envoyée à M. et Mme C...en tant que M. C...était associé des SEP Oeillet 1, 2, 3 et 5, comporte les règles de droit applicables, la nature, les montants et les motifs des redressements et renvoie, pour l'exposé des faits relatifs à chaque SEP, aux propositions de rectification très précises adressées à ces sociétés, dont les extraits pertinents sont également joints en annexe ; qu'ainsi, le contribuable a été mis à même de présenter de manière entièrement utile ses observations ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, qui n'exigent pas que l'administration joigne aux propositions de rectification les pièces qu'elle a utilisées pour établir les redressements, doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

S'agissant de l'investissement effectué dans les SEP Oeillet 1, 2 et 5 :

4. Considérant que l'article 199 undecies B du code général des impôts prévoit que la réduction d'impôt qu'il instaure est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit bail " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions spécifiques et sans que puisse utilement être invoqué l'article 1606 du code civil, que le fait générateur du droit à déduction du montant total des investissements que peut exercer l'entreprise est constitué, soit par la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, soit par la livraison effective de l'immobilisation dans le département ou territoire d'outre-mer concerné ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la déclaration d'importation de l'unité de production de pâtes achetée par la SEP Oeillet 1 pour la donner en location à la société Montiferro Pasta, qui n'a d'ailleurs jamais mis le matériel en service, n'est parvenue à la Réunion que le 16 octobre 2007 ; que les biens achetés par les SEP Œillet 2 et 5 pour être donnés en location à l'entreprise Fumaison Portois n'ont jamais été expédiés à la Réunion ; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration s'est fondée sur ces motifs pour estimer que les investissements n'avaient pas été réalisés en 2005 et n'ouvraient pas droit à réduction d'impôt au titre de cette année ; qu'il s'ensuit également que les circonstances que les matériels n'auraient pas été surfacturés, contrairement à ce qu'a estimé le service, et que l'administration se serait fondée à tort, selon les requérants, sur l'absence d'agrément préalable, sont en tout état de cause sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition ;

6. Considérant, enfin, et en tout état de cause, que M. et Mme C...ne sauraient utilement soutenir que l'investissement dans l'unité de fabrication de pâtes achetée par la SEP Œillet 1 a été réalisé en 2006 et qu'ils pouvaient prétendre au bénéfice de la réduction prévue par l'article 199 undecies B au titre de l'année 2006 à l'appui de leur présente demande de décharge qui se limite à la contestation du complément d'imposition auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;

S'agissant de l'investissement réalisé dans la SEP Oeillet 3 :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la facture adressée par la société IPC à la société SGI, gérante de la société SEP Œillet 3, pour l'achat de la cintreuse destinée à être donnée en location à l'entreprise de M.D..., s'élevait à un montant de 288 000 euros, alors que la société IPC n'a en réalité acheté le bien à son fabricant Remo que pour un montant de 23 890 euros correspondant à son prix normal ; qu'il est ainsi établi que ce bien a été surévalué ; que la circonstance que le service des douanes n'aurait pas fait d'observations sur la valeur du bien lors de son acheminement à la Réunion est sans incidence sur le litige ; que, dans ces conditions, M. et Mme C...ne sont pas fondés à contester le bien-fondé du rappel d'impôt résultant de cette surfacturation ;

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance du principe communautaire de proportionnalité :

8. Considérant que les requérants soutiennent qu'en remettant en cause, du fait d'agissements réalisés à leur insu, les avantages fiscaux qu'ils ont obtenus sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts, alors qu'ils sont de bonne foi, l'administration a méconnu le principe communautaire de proportionnalité ; que, selon ce principe, les Etats membres doivent avoir recours à des moyens qui, tout en permettant d'atteindre efficacement l'objectif poursuivi par le droit interne, portent le moins possible atteinte aux objectifs et aux principes posés par la législation communautaire en cause ; que, toutefois, ce principe, qui fait partie des principes généraux de l'Union européenne ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que lorsque la situation dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que les avantages en litige ne sont pas établis dans le cadre des pouvoirs que les directives communautaires confèrent aux Etats membres et qu'aucune violation d'une liberté instaurée par le traité CE n'est invoquée ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance de ce principe ;

En ce qui concerne l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales :

9. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1°) lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ; que peuvent se prévaloir de cette dernière disposition les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, ainsi que les contribuables qui ont participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation, sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et MmeC..., qui détiennent des parts des sociétés en participation Oeillet 1, 2, 3, 4 et 5, ne peuvent en tout état de cause pas se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de l'appréciation qui aurait été portée par l'administration fiscale sur la situation d'autres contribuables, en l'occurrence les associés des sociétés en participation Vince 1 à Vince 6 ;

11. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer jusqu'à la fin des procédures pénales en cours, que M. et Mme C...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande de décharge ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme C...la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C...et au ministre chargé du budget.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Est.

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N° 13NC00275


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00275
Date de la décision : 11/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : COSICH AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-12-11;13nc00275 ?
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