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11/12/2014 | FRANCE | N°13NC00274

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2014, 13NC00274


Vu la requête, enregistrée le 15 février 2013, présentée pour M. et Mme A...C..., demeurant..., par Me B...;

M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale ;

2°) d'annuler le jugement n° 1000515 du 18 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;

3°) de prononcer la décharge demandée d'un montant de 64 277 euros ;

4°)

de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de jus...

Vu la requête, enregistrée le 15 février 2013, présentée pour M. et Mme A...C..., demeurant..., par Me B...;

M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale ;

2°) d'annuler le jugement n° 1000515 du 18 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;

3°) de prononcer la décharge demandée d'un montant de 64 277 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme C...soutiennent que :

- si la cour n'est pas tenue de surseoir à statuer, une bonne administration de la justice le justifie en l'espèce, compte tenu des nombreuses approximations dans les constatations opérées par l'administration fiscale, révélées par les procédures pénales en cours dont le dénouement est proche ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ce qu'elle se réfère aux propositions de rectification adressées aux sociétés en participation (SEP), qui étaient elles mêmes insuffisamment motivées faute d'être accompagnées de documents de nature à justifier la position de l'administration ;

- l'administration, à qui il revient de l'établir, ne démontre pas le caractère fictif de l'investissement de la SEP Magnolia 1 qui motive le redressement ;

- le principe général communautaire de proportionnalité, qui s'applique en l'espèce contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, doit conduire à la décharge des redressements en litige dès lors que l'administration inflige aux autres intervenants des amendes qui lui permettent d'obtenir plusieurs fois le remboursement des réductions d'impôt accordées et que les investisseurs, dont la sécurité n'est pas assurée, ne seront pas en mesure d'obtenir le remboursement des redressements par les autres intervenants alors qu'ils subissent un préjudice en raison d'actions de tiers ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2013, présenté par le ministre chargé du budget, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre fait valoir que :

- les instances pénales et fiscales sont indépendantes et la cour n'est pas tenue de surseoir à statuer ;

- la proposition de rectification est suffisamment motivée en droit comme en fait et comporte en annexe l'ensemble des pièces de nature à permettre la présentation d'observations de manière utile ;

- les éléments du dossier établissent l'inexistence des investissements, d'ailleurs retirés de son actif au titre de l'exercice 2006 par la SEP Magnolia 1, dont le montant des immobilisations a été réduit de 288.290 euros à 69 290 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2014 :

- le rapport de M. Martinez, président de chambre,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) SGI, qui a son siège à la Réunion et a pour objet de permettre à des particuliers de bénéficier des avantages fiscaux instaurés par le code général des impôts en faveur des investissements réalisés outre-mer, a créé de nombreuses sociétés en participation (SEP) dont elle assurait la gestion ; que chaque SEP était chargée de la réalisation d'une opération et devait acheter à un fournisseur un matériel ou plusieurs matériels qu'elle devait ensuite louer à un artisan ou entrepreneur dans des conditions ouvrant droit aux avantages prévus par l'articles 199 undecies B du code général des impôts ; que M.C..., qui, par le biais de l'EURL Sixso dont il est l'associé unique, a apporté des fonds aux SEP Magnolia 1, 2, 3, 4 et 5, a bénéficié des avantages fiscaux correspondant à ses investissements dans ces SEP ; que, toutefois, l'administration a remis en cause ces avantages fiscaux au motif que les opérations réalisées par chacune de ces SEP ne remplissaient pas, en réalité, les conditions exigées par les dispositions du code général des impôts ; que M. et Mme C... demandent l'annulation du jugement n° 1000515 du 18 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu d'un montant de 64 277 euros auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation...." ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 9 mars 2007, envoyée à M. et Mme C...en tant que M. C...était associé des SEP Magnolia 1, 2, 3 et 5, comporte les règles de droit applicables, la nature, les montants et les motifs des redressements et renvoie, pour l'exposé des faits relatifs à chaque SEP, aux propositions de rectification très précises adressées à ces sociétés, dont les extraits pertinents sont également joints en annexe ; qu'ainsi, le contribuable a été mis à même de présenter de manière utile ses observations ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, qui n'exigent pas que l'administration joigne aux propositions de rectification les pièces qu'elle a utilisées pour établir les redressements, doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l'investissement réalisé dans la SEP Magnolia 1 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : "I. - Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer.../ Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ... dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société... / La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions mentionnées aux quatorzième à dix-septième alinéas du I de l'article 217 undecies sont remplies..." ; qu'il résulte de ces dispositions que la réduction d'impôt qu'elles instaurent est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit bail " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions spécifiques que le fait générateur du droit à déduction du montant total des investissements que peut exercer l'entreprise est constitué, soit par la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, soit par la livraison effective de l'immobilisation dans le département ou territoire d'outre-mer concerné ;

5. Considérant que, pour l'essentiel, M. et Mme C...se bornent à produire un procès-verbal, en date du 7 octobre 2008, d'audition de M.D..., entendu par les agents judiciaires du service des douanes, à l'appui de leurs affirmations sur la livraison du matériel loué par la SEP Magnolia 1 ; que, si l'intéressé déclare avoir reçu du matériel facturé par la société Clima Run pour l'équipement de sa boulangerie, cette seule déclaration, qui ne permet pas d'identifier les équipements dont s'agit ni de déterminer une date effective de leur réception, n'établit pas la réalité de la livraison du matériel litigieux au cours de l'année d'imposition en litige ;

6. Considérant par ailleurs, que, pour écarter les prétentions de M. et MmeC..., s'agissant des autres éléments de fait invoqués par les requérants, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur les motifs suivants : " que les opérations de vérification de comptabilité menées auprès de l'Eurl SGI, gérante de la SEP Magnolia 1, et le contrôle sur place de la Sarl Clima Run, chargée de la fourniture des matériels destinés à la réalisation de l'investissement, ont révélé que les matériels du laboratoire de pâtisserie industrielle destinés à être donnés en location et qui ont été facturés, n'avaient pas d'existence réelle ; (que)..., la SEP Magnolia 1 n'a pas été mesure de prouver la réalité de ces investissements suite à la proposition de rectification la concernant, alors que les biens litigieux ont été retirés de l'actif de son bilan et que la liasse fiscale émise par la SEP n'enregistre aucune dette fournisseur suite à la livraison litigieuse ; qu'un contrôle sur place de la société Clima Run a démontré l'inexistence des matériels facturés, qui n'ont fait l'objet d'aucune commande, achat, importation ou fabrication préalable par cette société ; que le prix facturé n'a été réglé qu'à hauteur d'une fraction de 30 %, le solde n'ayant jamais été acquitté ; qu'en outre, il est établi que la " boulangerie industrielle " n'a pas versé de dépôt de garantie alors que le montant déclaré des biens livrés est de 1 887 745 euros, et qu'aucune activité n'a jamais été exercée " ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs précités du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré de ce que le défaut de réalité de l'investissement ne serait pas établi ;

7. Considérant qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le service s'est fondé sur le motif tiré du caractère fictif des investissements déclarés pour justifier le redressement contesté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe communautaire de proportionnalité :

8. Considérant que les requérants soutiennent qu'en remettant en cause, du fait d'agissements réalisés à leur insu, les avantages fiscaux qu'ils ont obtenus sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts, alors qu'ils sont de bonne foi, l'administration a méconnu le principe communautaire de proportionnalité ; que, selon ce principe, les Etats membres doivent avoir recours à des moyens qui, tout en permettant d'atteindre efficacement l'objectif poursuivi par le droit interne, portent le moins possible atteinte aux objectifs et aux principes posés par la législation communautaire en cause ; que, toutefois, ce principe, qui fait partie des principes généraux de l'Union européenne ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que lorsque la situation dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que les avantages en litige ne sont pas établis dans le cadre des pouvoirs que les directives communautaires confèrent aux Etats membres et qu'aucune violation d'une liberté instaurée par le traité CE n'est invoquée ; que, par suite, M. et Mme C...ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance de ce principe ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer jusqu'à la fin des procédures pénales en cours, que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme C...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C...et au ministre chargé du budget.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Est.

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N° 13NC00274


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00274
Date de la décision : 11/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : COSICH AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-12-11;13nc00274 ?
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