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20/11/2014 | FRANCE | N°13NC01563

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2014, 13NC01563


Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2013, présentée pour M. et Mme B... Romain, demeurant..., par MeA... ;

M. et Mme Romain demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200415 du 14 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

Ils soutiennent que :

- l'exonéra

tion, en application de l'article 151 septies A du code général des impôts, de la plus-value résu...

Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2013, présentée pour M. et Mme B... Romain, demeurant..., par MeA... ;

M. et Mme Romain demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200415 du 14 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

Ils soutiennent que :

- l'exonération, en application de l'article 151 septies A du code général des impôts, de la plus-value résultant de la cession de l'intégralité de leurs titres dans la société TEH le 28 avril 2006 ne peut pas être remise en cause, l'administration ayant pris une position formelle sur leur situation de fait ;

- ils bénéficient de la garantie prévue par l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2014, présenté par le ministre chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- la garantie prévue par l'article L. 80 B ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une imposition primitive ;

- en tout état de cause, l'administration n'a pas pris de position formelle sur la situation de fait de M. et Mme Romain ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2014 :

- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 151 septies A du code général des impôts dans sa version applicable à l'année en litige : " I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, autres que celles mentionnées au III, réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, sont exonérées lorsque les conditions suivantes sont réunies : (...) 2° La cession est réalisée à titre onéreux et porte sur une entreprise individuelle ou sur l'intégralité des droits ou parts détenus par un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société ou d'un groupement dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu et qui sont considérés comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession au sens du I de l'article 151 nonies (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) " et qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre dans sa rédaction applicable au litige : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ;

2. Considérant que M. Romain, président de la société par actions simplifiées Tradition et Espace de l'Habitat (TEH), a fait valoir ses droit à la retraite en avril 2005 ; qu'après avoir signé le 28 décembre 2005 un protocole de cession, l'intéressé ainsi que son épouse, ont cédé l'intégralité des titres qu'ils détenaient respectivement à hauteur de 1805 actions et 695 actions, le 28 avril 2006, date à laquelle l'assemblée générale ordinaire de ladite société a pris acte de la démission de M. Romain ; qu'alors que les époux Romain avaient entendu placer les plus-values réalisées lors de cette cession sous le régime d'exonération prévue à l'article 151 septies A du code général des impôts, le bénéfice du régime de faveur a été remis en cause par l'administration fiscale par une proposition de rectification du 27 octobre 2009 ; qu'après le rejet de leurs réclamations présentées les 20 octobre 2010 et 23 novembre 2011, les époux Romain ont demandé la décharge des cotisations supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge consécutivement à ce redressement au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui a rejeté leur demande par un jugement du 14 mai 2013 dont ils relèvent appel ;

3. Considérant que les requérants ne contestent pas, en appel, que les plus-values litigieuses, ainsi que l'a jugé le tribunal, ne sont pas éligibles au régime légal d'exonération dès lors que la société concernée, assujettie à l'impôt sur les sociétés, n'entre pas dans le champ d'application dudit dispositif , réservé aux activités professionnelles dont les bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ; que les requérants ne sauraient ainsi prétendre au bénéfice de l'exonération sur le terrain de la loi fiscale ; qu'en revanche, ils soutiennent qu'ils sont en droit de se prévaloir, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales , d'une prise de position formelle du service sur leur situation de fait au regard du dispositif légal d'exonération susmentionné ;

4. Considérant d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'afin de déterminer les modalités de déclaration de la plus-value résultant de la cession des titres détenues dans la société par actions simplifiées Tradition et Espace de l'Habitat (TEH), M. et Mme Romain ont sollicité un rendez-vous avec les services fiscaux ; qu'ils ont à cet effet été orientés vers un inspecteur des impôts spécialisé en fiscalité des entreprises, lequel leur a accordé un entretien le 27 mai 2006 dans les locaux de l'administration ; qu'à cette occasion, et conformément à la demande qui leur avait été faite par l'inspecteur, les contribuables ont alors remis le protocole de cession des titres, le dossier de retraite de M. Romain à la date du 1er avril 2005, le procès-verbal de l'assemblée générale de la société TEH du 28 avril 2006 prenant acte de la démission de M. Romain de ses fonctions de président, l'imprimé 2759 relatif à la cession des 2 500 titres le 28 avril 2006 et les deux déclarations spéciales n° 2074 préparées par un expert-comptable indiquant de façon détaillée les modalités de calcul des plus-values ; que les requérants font valoir, sans être contredits par l'administration, qu'à l'issue de l'entrevue et après examen de l'ensemble des documents présentés, l'inspecteur des impôts leur a indiqué oralement que la plus-value réalisée était intégralement exonérée ; que cette assertion est corroborée par la mention manuscrite " PV exonérée (art 151 septies A) ", certes succinctement motivée, mais portée par l'inspecteur des impôts sur les deux déclarations n° 2074, sur lesquelles étaient en outre apposés le nom, le grade et la signature de l'agent ainsi que le cachet du service des impôts des entreprises Reims Ouest ; que la matérialité des faits n'est pas contestée par le service, lequel a d'ailleurs expressément reconnu lors de la procédure de rectification qu'eu égard aux démarches accomplies et documents présentés, les contribuables étaient dispensés du paiement des pénalités, majorations de droits et intérêts de retard inhérents au redressement litigieux ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant formellement pris position sur la situation de fait de M. et Mme Romain au regard du texte fiscal concerné ; que si l'administration soutient que les requérants ne démontrent pas avoir mis à la disposition de l'inspecteur des impôts susvisé un exposé complet, clair et sincère de leur situation, il est constant que le service a, ainsi qu'il a été dit plus haut, lui-même admis la bonne foi des intéressés tant dans la proposition de rectification que dans la réponse aux observations des contribuables ; qu'en outre, à l'exception de quelques erreurs de plume aisément rectifiables et au demeurant non relevées par le service et à supposer même que le dossier de retraite n'eût pas, comme le prétend le service, comporté toutes les précisions sur la date du départ effectif en retraite de M. Romain, l'ensemble des documents ainsi remis par les contribuables à la demande de l'inspecteur des impôts, qui s'est prononcé sans réserve et sans exiger d'informations complémentaires de la part des contribuables, était de nature à permettre de vérifier en pleine connaissance de cause le respect des conditions cumulatives d'exonération posées par l'article 151 septies A du code général des impôts ;

5. Considérant, d'autre part, que lors du dépôt de leurs déclaration d'ensemble du revenu global pour l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2006, les époux Romain, se conformant aux indications ainsi données préalablement par l'inspecteur des impôts, se sont placés sous le régime de l'exonération de plus-value en ne joignant pas les déclarations spéciales n° 2074 susmentionnées ; qu'il résulte également de l'instruction que les intéressés ont fait l'objet, pour l'année considérée, d'une première cotisation au titre de l'impôt sur le revenu concernant le revenu global et notamment les revenus soumis au barème progressif ; qu'à cette cotisation initiale, qui a été mise effectivement en recouvrement, s'est ajoutée une cotisation supplémentaire en matière de revenus catégoriels résultant de la taxation forfaitaire de la plus-value litigieuse, la réévaluation des bases imposables conduisant en définitive à établir l'impôt sur le revenu à un montant de 50 570 euros au lieu de 3 921 euros ; que, dans ces conditions, si les contribuables ont été imposés initialement sur des bases ne comprenant pas la plus-value litigieuse, cette imposition primitive revêt néanmoins le caractère d'une " première décision " fondée sur une prise de position formelle antérieurement admise par l'administration ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le ministre en appel, l'imposition de la plus-value litigieuse, consécutive à une procédure de rectification contradictoire, doit être regardée comme le rehaussement d'une imposition antérieure au sens des dispositions combinées des articles L. 80 B et L. 80 A précités et non comme l'établissement d'une imposition primitive ;

6. Considérant qu'il suit de là que M. et Mme Romain sont fondés à se prévaloir de l'article L 80 B du livre des procédures fiscales pour demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et, par voie de conséquence, des cotisations supplémentaires de contributions sociales, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006 à raison de la taxation de la plus-value réalisée lors de la cession de leurs actions ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme Romain sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 mai 2013 est annulé.

Article 2 : M. et Mme Romain sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... Romain et au ministre chargé du budget.

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