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16/10/2014 | FRANCE | N°13NC02161

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2014, 13NC02161


Vu l'ordonnance, en date du 4 décembre 2013, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Nancy le recours, enregistré le 25 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'éducation nationale tendant à l'annulation du jugement n° 1103834 du 19 septembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser à M. B...C...une somme de 11 302 euros en réparation de ses préjudices, assortie des

intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2011, de la capitalisat...

Vu l'ordonnance, en date du 4 décembre 2013, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Nancy le recours, enregistré le 25 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'éducation nationale tendant à l'annulation du jugement n° 1103834 du 19 septembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser à M. B...C...une somme de 11 302 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2011, de la capitalisation de ces intérêts à compter du 3 mars 2012 et de chacune des échéances suivantes, et la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le recours, enregistré le 10 décembre 2013, présenté par le ministre de l'éducation nationale ;

Le ministre de l'éducation nationale demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1103834 du 19 septembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser à M. B...C...une somme de 11 302 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2011, de la capitalisation de ces intérêts, à compter du 3 mars 2012 et de chacune des échéances suivantes, et une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le ministre soutient que :

- le recteur de l'académie de Strasbourg ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour retirer, le 15 octobre 2010, la décision implicite autorisant M. C...à cumuler son activité principale de professeur agrégé d'économie et de gestion avec des fonctions accessoires d'enseignement à l'institut universitaire de technologie ;

- cette décision de retrait était justifiée par l'intérêt du service dès lors que les fonctions envisagées ne sont pas conciliables avec l'exercice de l'activité principale ;

- le lien de causalité entre cette décision de retrait et l'impossibilité pour M. C...d'assurer ses vacations à l'institut universitaire de technologie au cours de l'année universitaire 2010 - 2011 n'est pas établi, dès lors que ladite décision a elle-même été retirée au cours du mois de décembre 2010, avant que l'institut ne décide de confier les vacations à d'autres intervenants, sans que l'intéressé ne se préoccupe, pendant les congés d'hiver, des suites réservées à son recours gracieux ;

- le lien de causalité entre cette décision de retrait et l'impossibilité pour l'intéressé d'assurer ses vacations au cours de l'année universitaire 2011 - 2012 n'est pas établi, dès lors que le cumul d'activités fait l'objet d'une autorisation annuelle ;

- le préjudice moral n'est pas établi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 février 2014, présenté pour M. C..., par Me A..., qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 17 675 euros en réparation de ses préjudices financier et moral ;

2°) de mettre une somme de 3 500 euros à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. C...fait valoir que :

- les premiers juges ne se sont pas fondés sur la circonstance que le recteur se serait estimé en situation de compétence liée ;

- il bénéficiait d'une décision implicite l'autorisant à cumuler son activité principale avec les fonctions accessoires envisagées, dès lors que l'administration n'a pas respecté le délai prévu à l'article 6 du décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat ;

- les faits pris en compte par l'administration pour retirer cette décision implicite résultent des seules déclarations du chef d'établissement et ne sont pas fondés ;

- la décision de retrait est entachée d'une illégalité de nature à engager la responsabilité de l'administration ;

- le lien de causalité entre cette décision de retrait et l'impossibilité d'assurer les vacations prévues au cours des années universitaires 2011 - 2012 et 2012 - 2013 est établi ;

- son préjudice financier et son préjudice moral s'établissent, respectivement, à

15 675 euros et à 2 000 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'État ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2014 :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un courrier reçu le 10 septembre 2010 par les services du rectorat de l'académie de Strasbourg, M.C..., professeur agrégé d'économie et de gestion au lycée Albert Schweitzer de Mulhouse, a sollicité une autorisation de cumul d'activités en vue de dispenser 160 heures de cours à l'institut universitaire de technologie de Mulhouse au cours de l'année 2010-2011 ; que le recteur a refusé d'autoriser cette activité par un courrier du 15 octobre suivant ; que, par un second courrier en date du 1er décembre 2010, le recteur est revenu sur sa position en donnant son accord à l'intéressé pour effectuer les cours prévus lors du premier semestre de l'année 2010-2011 ; qu'enfin, un troisième courrier, daté du 16 décembre 2010, lui a été adressé portant autorisation pour l'ensemble de l'année ; que M.C..., estimant que les décisions des 15 octobre et 1er décembre 2010 étaient illégales, recherche la responsabilité de l'Etat afin d'obtenir réparation de ses préjudices ; que le ministre de l'éducation nationale fait appel du jugement du 19 septembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser une somme de 11 302 euros à M. C...en réparation de ses préjudices financiers et de son préjudice moral ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'État, dans sa version applicable au présent litige : " (...) les fonctionnaires (...) de l'Etat peuvent être autorisés à cumuler des activités accessoires à leur activité principale, sous réserve que ces activités ne portent pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service " ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : " Le cumul d'une activité exercée à titre accessoire (...) avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de ce décret, dans sa version applicable au litige : " L'autorité compétente notifie sa décision dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande. / Lorsque l'autorité compétente estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer sur la demande, elle invite l'intéressé à la compléter dans un délai maximum de quinze jours à compter de la réception de sa demande. Le délai prévu au premier alinéa est alors porté à deux mois. / En l'absence de décision expresse écrite contraire dans le délai de réponse mentionné aux premier et deuxième alinéas, l'intéressé est réputé autorisé à exercer l'activité accessoire. " ; qu'aux termes de l'article 8 de ce décret : " L'autorité dont relève l'agent peut s'opposer à tout moment à la poursuite d'une activité dont l'exercice a été autorisé, dès lors que l'intérêt du service le justifie, que les informations sur le fondement desquelles l'autorisation a été donnée apparaissent erronées ou que l'activité en cause ne revêt plus un caractère accessoire " ;

3. Considérant que, faute pour l'administration d'avoir statué sur la demande présentée par M. C...le 10 septembre 2010, dans le délai d'un mois requis par l'article 6 du décret susvisé du 2 mai 2007, l'intéressé est réputé avoir été autorisé à exercer l'activité accessoire envisagée à compter du 10 octobre 2010, avant que le recteur ne lui signifie son refus d'autoriser cette activité par un courrier du 15 octobre suivant ; que cette décision de refus doit être regardée comme retirant l'autorisation implicite dont bénéficiait M. C...;

4. Considérant que, pour retirer la décision tacite autorisant M. C...à exercer une activité accessoire auprès de l'institut universitaire de technologie, le recteur s'est fondé sur l'avis rendu le 15 octobre 2010 par le proviseur du lycée Albert Schweitzer, dont il ressort que l'intéressé se serait abstenu de participer à trois conseils de classe au cours de l'année 2009-2010, ainsi qu'au conseil d'enseignement et aux réunions de la prérentrée 2010-2011, qu'il se serait absenté dans des conditions irrégulières les 22, 23 et 24 septembre 2010, et qu'il manquerait à ses obligations de ponctualité et d'assiduité malgré un rappel à l'ordre du chef d'établissement adressé en 2009 ; que, toutefois, si ces griefs sont mentionnés dans deux comptes-rendus établis par le chef d'établissement les 11 septembre 2009 et 11 mai 2011, ils ne sont assortis d'aucune pièce justificative, alors que M. C... conteste de manière circonstanciée l'ensemble des faits qui lui sont reprochés ; qu'il soutient en outre, sans être contredit sur ce point, s'être trouvé, de façon imprévisible, dans l'obligation de s'absenter trois jours au cours du mois de septembre 2010, et avoir, dans les meilleurs délais, informé l'administration de cette absence, puis régularisé celle-ci ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que M. C...exerce depuis 2003 son activité accessoire d'enseignement à l'institut universitaire de technologie, tout en faisant l'objet de notations et d'appréciations très positives sur sa manière de servir dans ses fonctions de professeur agrégé, ainsi qu'il ressort notamment du dernier rapport d'inspection, en date du 11 janvier 2011 ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que l'intéressé n'aurait plus été en mesure, à compter de 2010, d'assurer correctement ses fonctions au lycée Albert Schweitzer, justifiant que le recteur retire, dans l'intérêt du service, l'autorisation tacite dont il bénéficiait pour exercer son activité accessoire ; que, par suite, c'est à bon droit que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a estimé que les décisions des 15 octobre 2010 et 1er décembre 2010 étaient illégales et de nature à engager la responsabilité de l'État ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les vacations de l'année 2010-2011 :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du courriel du 14 décembre 2010 et du courrier du 28 janvier 2011 adressés à M. C...par les responsables de formation de l'institut universitaire de technologie de Mulhouse, que celui-ci a limité à 42 heures, sur les 160 initialement prévues, les vacations confiées à l'intéressé au titre de l'année 2010-2011, en raison du refus initial opposé par le recteur à l'exercice d'une activité accessoire au sein de cet établissement universitaire ; que si le recteur est finalement revenu sur sa position, son courrier du 16 décembre 2010 autorisant de nouveau M. C...à exercer une activité accessoire pour l'ensemble de l'année universitaire n'a été communiqué que le 3 janvier 2011 à l'institut universitaire de technologie, alors que celui-ci l'avait déjà remplacé afin de ne pas compromettre la formation des étudiants ; qu'il n'est pas établi que, par sa négligence, l'intimé serait à l'origine d'une transmission tardive de ce courrier du 16 décembre 2010 à l'établissement universitaire et, par conséquent, de son remplacement par d'autres intervenants ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le ministre, le préjudice financier subi par M. C...au titre de l'année 2010-2011, correspondant aux 118 heures de vacation qu'il n'a pu réaliser, résulte directement des décisions par lesquelles le recteur a initialement refusé de l'autoriser à avoir une activité accessoire ;

En ce qui concerne les vacations de l'année 2011-2012 :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du courrier du 12 septembre 2011 adressé par l'un des responsables de formation de l'institut universitaire de technologie, que le directeur de cet établissement a décidé de ne pas confier de vacations à M. C...au cours de l'année 2011-2012 à la suite des difficultés rencontrées par ce dernier, l'année précédente, pour obtenir l'autorisation prévue par l'article 4 du décret susvisé du 2 mai 2007 ; que, toutefois, les décisions des 15 octobre et 1er décembre 2010, par lesquelles le recteur s'est opposé à ce que l'intéressé exerce des fonctions accessoires, ne portaient que sur la seule année universitaire 2010-2011 ; que, dans ces conditions, et nonobstant les conséquences que le directeur de l'institut universitaire de technologie a cru pouvoir tirer de ces décisions de refus, celles-ci ne présentent pas de lien suffisamment direct et certain avec le préjudice financier qui résulterait, pour l'intéressé, de ce qu'aucune vacation ne lui a été attribuée en 2011-2012 ;

En ce qui concerne le préjudice moral :

7. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'éducation nationale, les décisions par lesquelles l'administration a refusé que M. C...poursuive son activité accessoire sont à l'origine d'un préjudice moral pour l'intéressé, quand bien même ces décisions ont été ultérieurement retirées ; que, dans les circonstances de l'espèce, le premier juge n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral subi par l'intimé en l'évaluant à la somme de 1 000 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale est seulement fondé à demander que la somme que l'Etat a été condamné à verser à M. C...par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg soit réduite de

11 302 euros à 5 802 euros ; que les conclusions incidentes présentées par M. C...tendant à une réévaluation de ses dommages et intérêts ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'est pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de M. C...le montant des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à M. C...par le jugement n° 1103834 du 19 septembre 2013 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg est réduite de 11 302 euros à 5 802 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et à M. B... C....

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N° 13NC02161


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC02161
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Cumuls.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : ALEXANDRE TABAK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-10-16;13nc02161 ?
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