La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/10/2014 | FRANCE | N°13NC02276

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2014, 13NC02276


Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2013, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par Me Charlopin, avocat ;

M. et Mme A...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200455 du 30 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la décharge partielle des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008, 20

09 et 2010 correspondant à la réduction des bases d'imposition, dans la catégorie des...

Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2013, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par Me Charlopin, avocat ;

M. et Mme A...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200455 du 30 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la décharge partielle des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 correspondant à la réduction des bases d'imposition, dans la catégorie des traitements et salaires, à hauteur de 10 207,42 euros au titre de l'année 2008, de 20 575,74 euros au titre de l'année 2009 et 6 753,77 euros au titre de l'année 2010 avec les intérêts moratoires tels que prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 35 euros sur le fondement de l'article 1635 bis Q du code général des impôts et de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- les temps de travail additionnels des médecins hospitaliers sont des heures supplémentaires ;

- seule la loi peut fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ;

- l'article 81 quater 5° du code général des impôts issu de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat a ouvert le bénéfice de l'exonération d'impôt sur le revenu à tous les agents publics ayant effectivement réalisé des temps de travail additionnel, les médecins hospitaliers faisant partie de cette catégorie ;

- la taxation du temps de travail additionnel effectué par les praticiens hospitaliers constitue une violation du principe de l'égalité devant l'impôt au sens de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- le décret n° 2007-1430 ne peut restreindre le champ d'application de la loi sauf à méconnaître l'autorité et la supériorité de cette dernière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- les indemnités versées aux praticiens hospitaliers au titre du temps de travail additionnel n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 1er de la loi du 21 août 2007 codifié à l'article 81 quater du code général des impôts dès lors que les praticiens hospitaliers n'appartiennent à aucun corps de fonctionnaires titulaires ou d'agents publics non titulaires ;

- le décret du 4 octobre 2007 n'a pas fixé une condition non prévue par la loi mais a seulement délimité un champ d'application lequel s'agissant de l'éligibilité à un dispositif d'exonération est d'interprétation stricte ;

- M. A...ne se trouve pas dans une situation analogue à celle des contribuables mentionnés à l'article 81 quater I 5° du code général des impôts puisqu'il n'a pas la qualité d'agent public ; le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l'objet de solutions différentes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment ses articles 21, 34 et 37 ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, modifiée par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

Vu le décret n° 2007-1430 du 4 octobre 2007 modifié ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2014 :

- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

1. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 81 quater du code général des impôts alors en vigueur : " I.- Sont exonérés de l'impôt sur le revenu : (...) / 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu'ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ; (...). / II.- L'exonération prévue au premier alinéa du I s'applique : (...) 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés. (...). " ; que le décret du 4 octobre 2007 susvisé portant application de l'article 1er de la loi du 21 août 2007 dont est issu l'article 81 quater a énuméré, en son article 1er, les éléments de rémunération entrant dans le champ d'application de l'exonération prévue par ladite loi et a notamment subordonné, en son article 2, l'octroi de cette exonération à la mise en oeuvre par l'employeur de moyens permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires ou le temps de travail additionnel ainsi qu'à l'établissement par celui-ci, éventuellement sur support dématérialisé, d'un document indiquant, par mois civil, ou pour les agents dont le cycle de travail excède un mois, à la fin de chaque cycle et pour chaque salarié, le nombre d'heures supplémentaires ou complémentaires travaillées effectuées au sens de l'article 1er du décret et la rémunération y afférente ;

2. Considérant que, d'autre part, aux termes de l'article L. 6151-2 du code de la santé publique : " Le personnel des établissements publics de santé comprend, outre les agents relevant de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et les personnels enseignants et hospitaliers mentionnés à l'article L. 952-21 du code de l'éducation : 1o Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens dont le statut, qui peut prévoir des dispositions spécifiques selon que ces praticiens consacrent tout ou partie de leur activité à ces établissements, est établi par voie réglementaire ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 6152-23 du même code : " Les praticiens hospitaliers à temps plein perçoivent après service fait : 1° Des émoluments mensuels variant selon l'échelon des intéressés (...). / 2° des indemnités et allocations dont la liste est fixée par décret. " ; qu'aux termes de l'article D. 6152-23-1 du même code, applicable aux praticiens hospitaliers à temps plein : " Les indemnités et allocations mentionnées au 2° de l'article R. 6152-23 sont : / 1° Des indemnités de participation à la permanence des soins ou de réalisation de périodes de travail au-delà des obligations de service hebdomadaires : / (...)

b) Des indemnités forfaitaires pour tout temps de travail additionnel accompli, sur la base du volontariat, au-delà des obligations de service hebdomadaires (...)./ Les indemnités mentionnées aux deux alinéas précédents sont versées lorsque, selon le choix du praticien, le temps additionnel accompli, les astreintes et les déplacements ne font pas l'objet d'une récupération." ;

3. Considérant que les dispositions législatives de la loi du 21 août 2007 insérant un article 81 quater dans le code général des impôts, notamment éclairées par les débats parlementaires,

ont défini pour les agents publics titulaires ou non titulaires, au nombre desquels figurent

les praticiens hospitaliers à temps plein des hôpitaux publics, les éléments de rémunération éligibles au régime d'exonération qu'elles instituent, en particulier à raison du temps de travail additionnel effectif accompli ; qu'elles n'ont renvoyé au pouvoir réglementaire que la détermination des modalités d'exonération desdits éléments ; que dès lors, celui-ci ne pouvait revenir sur le principe d'exonération ainsi défini par le législateur sans restreindre illégalement le champ d'application de la loi ; que, par suite, les indemnités forfaitaires pour tout temps de travail additionnel accompli perçues en application des dispositions précitées des articles R. 6152-23 et D. 6152-23-1 du code de la santé publique par ces praticiens sur la base du volontariat au-delà des obligations de service hebdomadaires revêtent le caractère d'éléments de rémunération au sens des dispositions précitées de l'article 81 quater ; qu'ainsi, les indemnités forfaitaires pour travail additionnel qu'ont versées le centre hospitalier de Verdun et le centre hospitalier de Metz-Thionville à M. A...constituaient des éléments de rémunération relevant de l'exonération prévue par l'article 81 quater du code général des impôts ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs conclusions en réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;

Sur les conclusions tendant au paiement d'intérêts moratoires :

5. Considérant qu'en vertu de l'article R. 208-1 du livre des procédures fiscales, les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 sont payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts ; qu'en l'absence de litige né et actuel entre les requérants et le comptable public concernant lesdits intérêts, les conclusions de la requête tendant au paiement de ces derniers ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A...et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 35 euros au titre des dépens exposés par M. et Mme A...;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 30 septembre 2013 est annulé.

Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. et Mme A...au titre des années 2008, 2009 et 2010 sont réduites du montant des indemnités que M. A...a perçues à raison du temps de travail additionnel qu'il a effectivement réalisé durant ces années.

Article 3 : M. et Mme A...sont déchargés du montant d'impôt sur le revenu correspondant à la réduction en bases prononcée à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 35 euros au titre de l'article

R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A...et au ministre chargé du budget.

''

''

''

''

2

N° 13NC02276


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC02276
Date de la décision : 02/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Personnes physiques imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : CHARLOPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-10-02;13nc02276 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award