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25/09/2014 | FRANCE | N°13NC01723

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2014, 13NC01723


Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2013, présentée pour Mme D... B...épouseA..., demeurant..., par la société d'avocats Wisniewski-Vaissier-Catarame-Dupied ;

Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101482-1201944 du 16 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Sedan à réparer les préjudices résultant pour elle de sa prise en charge défectueuse au cours de la période du 6 au 13 septembre 2003 ;

2°) de condamner le centre hosp

italier de Sedan à lui verser la somme de

1 566 714,29 euros en réparation de ses p...

Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2013, présentée pour Mme D... B...épouseA..., demeurant..., par la société d'avocats Wisniewski-Vaissier-Catarame-Dupied ;

Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101482-1201944 du 16 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Sedan à réparer les préjudices résultant pour elle de sa prise en charge défectueuse au cours de la période du 6 au 13 septembre 2003 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Sedan à lui verser la somme de

1 566 714,29 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Sedan la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'établissement hospitalier est engagée dès lors que l'accident vasculaire cérébral dont elle a été victime est imputable à un retard de diagnostic fautif ;

- les praticiens de cet établissement n'ont pas mis en oeuvre l'ensemble des moyens mis à leur disposition pour parvenir au bon diagnostic lors des consultations des 6 et 11 septembre 2003 ;

- les frais engagés pour adapter le domicile à son handicap s'établissent à 19 309,34 euros ;

- le coût d'un véhicule adapté représente, en capital, une somme de 32 408,75 euros ;

- les frais d'assistance par une tierce personne s'établissent, en capital, à un montant de 483 116,40 euros ;

- les pertes de gains professionnels actuels et futurs s'établissent, respectivement, à

9 600 euros et 594 604,80 euros ;

- l'incidence professionnelle de l'accident dont elle a été victime peut être évaluée à 100 000 euros ;

- le déficit fonctionnel temporaire subi du 13 septembre au 6 octobre 2003 et le déficit fonctionnel permanent dont elle reste atteinte sont évalués, respectivement, à 4 800 euros et à 264 875 euros ;

- ses souffrances physiques et morales, son préjudice esthétique, son préjudice d'agrément, son préjudice sexuel et son préjudice d'établissement s'établissent à la somme globale de

58 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2013, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, par la société d'avocats Choffrut-Brener, qui demande à la Cour d'annuler le jugement attaqué et :

1°) de condamner le centre hospitalier de Sedan à lui verser, à titre principal, la somme de 183 485,99 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2011, et, à titre subsidiaire, la somme de 183 431,99 euros, également assortie des intérêts à compter de la même date, et de prononcer, dans l'un ou l'autre cas, la capitalisation des intérêts à compter du 18 septembre 2012 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Sedan à lui verser la somme de 966 euros en application de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Sedan une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La caisse primaire d'assurance maladie soutient que la responsabilité de l'établissement hospitalier est engagée dès lors que l'accident vasculaire cérébral dont Mme A...a été victime est imputable à un retard de diagnostic fautif ;

Vu la mise en demeure, adressée le 5 décembre 2013 à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Sedan, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2014, présenté pour le centre hospitalier de Sedan, par Me Le Prado, qui conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes ;

Le centre hospitalier de Sedan fait valoir que :

- l'absence de diagnostic, entre le 6 et le 13 septembre 2003, d'un accident vasculaire cérébral en cours de constitution ne revêt pas de caractère fautif dès lors que Mme A...ne présentait pas de symptôme déterminant en ce sens ;

- en l'absence d'un tel symptôme, des examens complémentaires n'étaient pas justifiés ;

- dans l'hypothèse où un retard de diagnostic fautif lui serait imputable, sa responsabilité serait limitée à la perte de chance, pour la patiente, d'échapper à l'accident dont elle a été victime, dans une proportion de 1,3 % ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis ou sont surévalués ;

- la caisse primaire d'assurance maladie ne justifie pas de l'imputation de ses débours aux faits reprochés à l'établissement hospitalier ;

- l'établissement hospitalier s'oppose à toute capitalisation ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 janvier 2014, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes qui conclut aux mêmes fins que dans son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 mai 2014, présenté pour MmeA..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 mai 2014, présenté pour le centre hospitalier de Sedan qui conclut aux mêmes fins que son mémoire précédent par les mêmes motifs ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 27 septembre 2013, rejetant la demande de Mme A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2014 :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant la société d'avocats Wisniewski-Vaissier-Catarame-Dupied, pour MmeA... ;

1. Considérant que MmeA..., hospitalisée du 25 au 29 août 2003 au centre hospitalier de Sedan pour y accoucher, s'est rendue au service des urgences de ce même établissement le

6 septembre 2003 en raison de fourmillements à la main droite ; que le médecin n'ayant rien relevé d'anormal, l'intéressée est rentrée chez elle sans qu'un traitement lui soit prescrit ; qu'elle s'est de nouveau présentée aux urgences du centre hospitalier le 11 septembre 2003 puis, après avoir été examinée par le médecin urgentiste, a regagné son domicile ; que Mme A...a été transportée en urgence au centre hospitalier de Sedan dans la nuit du 12 au 13 septembre 2003, en raison de troubles d'élocution, d'un comportement anormal et d'une tachycardie ; que des examens complémentaires ont révélé que la requérante avait été victime d'un accident vasculaire cérébral, à l'origine d'une hémiplégie partielle ; que MmeA..., qui reste atteinte de séquelles invalidantes, recherche la responsabilité du centre hospitalier de Sedan en raison de l'erreur de diagnostic commise, selon elle, entre le 6 et le 13 septembre 2003 ; qu'elle fait appel du jugement du 16 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Sedan à réparer l'ensemble de ses préjudices, pour un montant total de 1 566 714,29 euros ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes demande le remboursement de ses débours pour un montant de 183 485,99 euros ;

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par les premiers juges, que Mme A...a été victime d'accidents ischémiques transitoires entre le

6 et le 12 septembre 2003, lesquels annoncent un accident vasculaire cérébral dans 30 % des cas ; que Mme A...soutient que des erreurs de diagnostic fautives ont été commises par les médecins du service des urgences, lors des deux consultations des 6 et 11 septembre 2003, et sont de nature selon elle à engager la responsabilité du centre hospitalier de Sedan ;

4. Considérant, en premier lieu, que si la requérante soutient que les fourmillements ressentis à la main droite, lors de sa première consultation le 6 septembre 2003, auraient dû alerter le médecin, celui-ci a pu considérer que ce symptôme isolé ne pouvait laisser présager la survenance d'un accident vasculaire cérébral, dont les principaux signes annonciateurs sont, selon l'expert, un engourdissement ou une perte de force pouvant aller jusqu'à la paralysie du visage ou de l'un des membres, une perte soudaine de la parole, un trouble de la vision, des maux de tête, un étourdissement, une perte de conscience, une démarche hésitante, un tremblement, des difficultés d'audition et une diminution de la sensation au toucher ; que ni le caractère très succinct du compte-rendu établi à l'issue de la consultation du 6 septembre 2003, ni la circonstance que Mme A...a été examinée par un interne, dont les compétences ont été reconnues par l'expert, ne sont de nature à révéler une faute dans l'établissement du premier diagnostic ;

5. Considérant, en second lieu, que si Mme A...soutient s'être de nouveau présentée au service des urgences le 11 septembre 2003 en raison d'une paralysie du bras droit et de troubles de l'élocution, il ressort expressément du compte-rendu de cette consultation, établi par le médecin urgentiste, que l'intéressée présentait alors de simples fourmillements à la main droite et des insomnies ; que les attestations produites en appel, établies par deux amies de la requérante plus de dix ans après les faits, ne sont pas de nature à contredire les éléments circonstanciés et précis rapportés dans ce compte-rendu ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction, que Mme A...a fait l'objet, au cours de la consultation du 11 septembre 2003, d'un examen neurologique au terme duquel le médecin urgentiste a constaté l'absence de céphalées et de déficit neuromoteur aux différentes manoeuvres, d'un examen des systèmes digestif et cardiologique, d'un contrôle des différents paramètres et d'une prise de sang ; qu'au terme de ces examens, le médecin a conclu que les fourmillements observés pouvaient résulter d'un syndrome du canal carpien et que les insomnies étaient sans doute imputables à un état dépressif ; que si Mme A...soutient que ces examens étaient insuffisants en l'absence de réalisation d'un scanner, cette circonstance n'est pas fautive dès lors que l'examen neurologique effectué par le médecin urgentiste lors de la consultation n'avait révélé aucune anomalie ; qu'il résulte de l'instruction que l'intéressée a au demeurant refusé la proposition qui lui avait été faite de rester hospitalisée et que son médecin traitant a estimé, le

12 septembre 2003, que la persistance des symptômes présentés par la requérante était imputable à un phénomène de spasmophilie ; que, dans ces conditions, ces symptômes ne permettaient pas de révéler un accident ischémique transitoire annonciateur d'un possible accident vasculaire cérébral chez une patiente âgée d'une trentaine d'années ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'erreur de diagnostic commise par le centre hospitalier de Sedan ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; qu'il s'ensuit que les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, tendant au remboursement de ses débours par le centre hospitalier de Sedan et à la condamnation de celui-ci à lui verser une indemnité en application de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale ne peuvent qu'être rejetées ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par

Mme A...et par la caisse primaire d'assurance maladie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., au centre hospitalier de Sedan et à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes.

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N° 13NC01723


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01723
Date de la décision : 25/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Diagnostic.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP WISNIEWSKI VAISSIER-CATARAME DUPIED

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-09-25;13nc01723 ?
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