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25/07/2014 | FRANCE | N°13NC01775

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 25 juillet 2014, 13NC01775


Vu la requête, enregistrée le 10 septembre 2013, présentée pour l'Office public de l'habitat de Thionville, dont le siège est au 26, avenue Albert 1er, à Thionville (57100), par Me Olszak, avocat ; l'Office public de l'habitat de Thionville demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906004 du 3 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à la société Spie Est la somme de 61 230 euros au titre de l'éviction irrégulière de cette société du marché d'exploitation des installations de chauffage collectif, de production d'ea

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Vu la requête, enregistrée le 10 septembre 2013, présentée pour l'Office public de l'habitat de Thionville, dont le siège est au 26, avenue Albert 1er, à Thionville (57100), par Me Olszak, avocat ; l'Office public de l'habitat de Thionville demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906004 du 3 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à la société Spie Est la somme de 61 230 euros au titre de l'éviction irrégulière de cette société du marché d'exploitation des installations de chauffage collectif, de production d'eau chaude sanitaire, d'adoucisseur et de ventilation mécanique contrôlée dans vingt-neuf des bâtiments qu'il exploite dans les communes de Thionville et Yutz ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Spie Est devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de la société Spie Est une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'Office public de l'habitat de Thionville soutient que :

- l'offre présentée par la société Dalkia, qui respectait les prescriptions du cahier des clauses particulières en matière de délai d'intervention, était régulière ; c'est à tort que les premiers juges ont considéré que cette offre aurait dû être écartée ;

- la comparaison du prix des offres sur la première année d'exécution du contrat n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; en tout état de cause, si le prix des offres devait être comparé sur les huit années de durée de contrat, l'offre de la société Dalkia resterait mieux classée que celle de la société Spie Est compte tenu de sa proposition de valorisation à hauteur de 75 986 euros des certificats d'économie d'énergie ;

- à supposer établie une erreur d'appréciation concernant le critère prix, la note finale de la société Dalkia après prise en compte du critère " valeur technique " resterait supérieure ;

- la société Spie Est n'ayant pas de chance sérieuse d'emporter le marché et ne justifiant pas des frais qu'elle a dû exposer pour présenter son offre ne pouvait prétendre à aucune indemnisation du fait de son éviction ; c'est à tort que les premiers juges l'ont indemnisée de son manque à gagner ;

- en tout état de cause, le manque à gagner de la société Spie Est aurait dû être déterminé en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 24 janvier 2014 fixant la clôture de l'instruction le 20 février 2014 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2014, présenté pour la société Spie Est, dont le siège est au 2, route de Lingolsheim, à Geispolsheim (67118), représentée par son président en exercice, par Me Cossalter, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Office public d'habitat de Thionville de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Spie Est soutient que :

- l'offre de la société Dalkia, qui prévoyait un délai d'intervention de 4 heures en cas de dysfonctionnement des installations alors que le cahier des clauses particulières du marché imposait une intervention en moins d'une heure, était irrégulière et aurait donc dû être écartée ;

- son offre avec option appréciée sur la durée totale du contrat et non pas sur la première année d'exécution était la moins disante ; la réduction de l'offre de prix de la société Dalkia par déduction du prix de rachat des certificats d'économie d'énergie détenus par l'office a rompu l'égalité entre les candidats ainsi que le principe de transparence des procédures ;

- le sous critère " charges de travail prévisionnelles " n'a pas de lien avec l'objet du marché ; la notation de ce critère aboutit à sanctionner le candidat qui prévoit le nombre d'heures d'intervention le plus élevé ; le système de notation, incompréhensible, méconnaît le principe de transparence des procédures consacré à l'article 1er du code des marchés publics ; la prise en compte de l'adéquation entre la durée prévisionnelle de travail et cette même durée pour le marché venu à échéance avantage la société Dalkia, ancien titulaire du marché ;

- l'Office public de l'habitat a commis une erreur matérielle en considérant que son offre ne prévoyait pas de logiciel de gestion et de maintenance par intranet ;

- dès lors qu'elle avait une chance sérieuse d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de son manque à gagner correspondant à la marge nette qu'elle aurait pu escompter de l'exécution du marché ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2014 :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de Me Lem, avocat, pour l'Office public de l'habitat de Thionville, et de Me Cossalter, avocat, pour la société Spie Est ;

Vu, enregistrée le 24 juin 2014, la note en délibéré présentée par Me Cossalter pour la société Spie Est ;

1. Considérant que l'Office public de l'habitat (OPH) de Thionville a fait paraître le 21 avril 2009 au BOAMP un avis d'appel à la concurrence relatif à l'exploitation des installations de chauffage collectif, de production d'eau chaude sanitaire, d'adoucisseur et de ventilation mécanique contrôlée dans vingt-neuf des bâtiments qu'il exploite dans les communes de Thionville et Yutz ; que trois sociétés se sont portées candidates, dont Spie Est et Dalkia, cette dernière société étant l'ancien titulaire du marché ; que le 30 juin 2009, l'OPH de Thionville a informé la société Spie Est du rejet de son offre ; qu'en réponse à la demande de la société Spie Est, l'OPH l'a informée par courrier du 21 juillet 2009 de ce que le contrat avait été signé le 13 juillet 2009 avec la société Dalkia ; que l'office public de l'habitat de Thionville demande l'annulation du jugement du 3 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à payer à la société Spie Est la somme de 61 230 euros au titre de l'éviction irrégulière de cette société ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

En ce qui concerne la responsabilité :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 35 du code des marchés publics : " (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation (....). " ; qu'aux termes de l'article 53 dudit code : " III. - Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue. (...) " ;

4. Considérant que l'article 5-1-1 du cahier des clauses particulières du marché prévoit que le titulaire disposera d'un personnel en nombre suffisant et possédant les qualifications indispensables et que ce personnel " devra être présent en permanence sur le site ou capable d'être présent sur toute installation moins d'une heure après signalisation d'un dysfonctionnement " ; que l'article 5-1-5 stipule que " le titulaire maintiendra une permanence téléphonique où il sera possible d'appeler de jour comme de nuit, dimanches et jours fériés inclus, un agent responsable en mesure d'intervenir immédiatement pour procéder à tout dépannage, mettre, si nécessaire, l'installation en sécurité et faire commencer les travaux en moins de six heures " ; qu'enfin l'article 5 de l'annexe 2 au même cahier des clauses administratives particulières " prestations effectuées au titre du P2 [c'est-à-dire les prestations de maintenance] " précise " le titulaire prendra toutes mesures pour assurer les dépannages des installations 24 h sur 24, dimanches et jours fériés inclus, et à ce titre communiquera au client son numéro de téléphone et son adresse. Il disposera d'un stock minimal de pièces détachées lui permettant d'assurer, sauf cas de force majeure, la remise en route des installations dans un délai maximal de six heures, suivant l'appel signalant la panne.[...] " ; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations que le titulaire devait disposer tout à la fois d'un personnel capable d'être présent sur toute installation moins d'une heure après signalisation d'un dysfonctionnement et des matériels et pièces détachées permettant à ce personnel de remettre en route les installations dans un délai maximal de six heures ;

5. Considérant que le rapport d'analyse des offres indique au point 5-1-2 " méthodes d'intervention " : " tous les candidats s'engagent à assurer les dépannages nécessaires suivant les conditions fixées par le CCP avec des modalités d'intervention disparates : pour Dalkia, 7 techniciens d'astreinte sont mobilisables sur les sites de Thionville intervention dans un délai de 4 heures ; pour Spie, le technicien d'astreinte assure une intervention en moins d'une heure avec une remise à disposition dans un délai maximum de six heures " ;

6. Considérant que l'offre de la société Dalkia, en tant qu'elle prévoyait un délai d'intervention de quatre heures, ne respectait pas les exigences formulées dans le cahier des clauses particulières ; qu'étant ainsi irrégulière au sens de l'article 35 I 1° du code des marchés publics, elle devait par suite être éliminée en application des dispositions précitées de l'article 53 du même code ;

7. Considérant que l'offre de la société Spie Est ayant été classée en deuxième position par la commission d'appel d'offres, cette société avait, si l'offre de la société Dalkia avait été écartée, des chances sérieuses de remporter le marché ; que, par suite, l'Office public de l'habitat de Thionville n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la société Spie Est devait être indemnisée de son manque à gagner ;

En ce qui concerne le préjudice :

8. Considérant que la société Spie Est a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner résultant pour elle de son éviction irrégulière du marché, incluant nécessairement, en l'absence de stipulation contraire du contrat, les frais de présentation de l'offre intégrés dans ses charges, mais excluant le remboursement des frais généraux de l'entreprise qui seraient affectés à ce marché ; que ce manque à gagner doit être déterminé non en fonction du taux de marge brute constaté dans son activité mais en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu ;

9. Considérant qu'il résulte des éléments fournis en première instance par la société Spie Est que, pour l'année 2008, son chiffre d'affaire s'élevait à 218 755 225,19 euros ; que son résultat après impôt et participation des salariés était de 4 658 739,22 euros, soit 2,12 %. du montant net du chiffre d'affaire ; que l'offre de la société SPIE pour la durée globale du marché s'élevait à 1 123 481,68 euros HT ; qu'en rapportant au montant du marché le taux de 2,12 %, le manque à gagner de la société Spie Est, incluant les frais de présentation de son offre, s'élève pour le marché litigieux à 23 817,81 euros, et non pas 61 230 euros comme l'ont jugé les premiers juges ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Office public de l'habitat de Thionville est seulement fondé à demander que l'indemnité qu'il a été condamné à payer par le jugement attaqué soit ramenée de 61 230 euros à 23 817,81 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes présentées tant par l'Office public de l'habitat de Thionville que par la société Spie Est sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : L'Office public de l'habitat de Thionville est condamné à verser une somme de 23 817,81 euros (vingt trois mille huit cent dix sept euros et quatre vingt un centimes) à la société Spie Est.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juillet 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société Spie Est tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office public de l'habitat de Thionville et à la société Spie Est.

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N° 13NC01775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01775
Date de la décision : 25/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-03 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats. Appel d'offres.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : OLSZAK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-07-25;13nc01775 ?
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