Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2013, présentée pour la société Fayat Bâtiment, venant aux droits de la société Cari, dont le siège social est Z.I, 1ère avenue, à Carros (06513 cedex), par Me Billemont, avocat ;
La société Fayat Bâtiment demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000450 du 21 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la ville de Reims à lui verser la somme de 764 861,97 euros TTC avec intérêts moratoires à compter du 18 mai 2009 et capitalisation des intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'ajournement des travaux de reconstruction du stade Delaune ;
2°) de condamner la ville de Reims à lui payer une somme de 764 861,97 euros TTC, augmentée des intérêts moratoires capitalisés par année entière à compter du 18 mai 2009 jusqu'à parfait achèvement ;
3°) de condamner la ville de Reims à lui verser une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code justice administrative ;
Elle soutient que :
- le tribunal administratif, pour rejeter ses conclusions indemnitaires, s'est explicitement référé à la théorie de la proximité de la cause qui n'a pas été consacrée par le juge administratif lequel s'attache à déterminer si l'agissement administratif porte en lui le préjudice subi ;
- la jurisprudence rejette la théorie des sujétions imprévues au profit de l'application de l'article 48 du cahier des clauses administratives générales -Travaux dans le cas d'un ajournement de travaux ;
- toutes les conséquences d'un ajournement sont de nature à être indemnisées ;
- elle s'est bornée à demander l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait du décalage du programme de travaux imposé par la décision d'ajournement ;
- l'ordre de service de reprise du chantier du 3 juillet 2007 a imposé un recalage des travaux à l'issue de la période d'ajournement ;
- sa réclamation n'est fondée sur aucune difficulté matérielle particulière mais uniquement sur les conséquences de l'allongement du délai d'exécution des travaux de la phase 2 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 29 août 2013 fixant la clôture d'instruction le 25 septembre 2013 à 16 heures ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2013, présenté pour la ville de Reims, représentée par son maire, par le cabinet de Castelnau ;
La ville de Reims demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Fayat Bâtiment ;
2°) de condamner la société Fayat Bâtiment à lui verser une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- elle a intégralement indemnisé la société Fayat Bâtiment des conséquences dommageables de l'ajournement du chantier ;
- les autres préjudices dont se prévaut la société Fayat ne sont pas la conséquence de l'ajournement du chantier ;
- le tribunal administratif, en jugeant que la demande indemnitaire de la société Fayat n'avait pas de lien direct avec la période d'ajournement, n'a commis aucune erreur de droit ;
- le délai contractuel global du lot dont était titulaire la société Fayat n'a pas été dépassé ;
- la société Fayat n'est pas fondée à demander une indemnisation liée à l'allongement des phases du chantier ;
- le tribunal administratif a fait une stricte application des conditions d'indemnisation du titulaire d'un marché de travaux conclu à prix global et forfaitaire ;
- le retard d'un chantier consécutif au comportement d'autres intervenants ne constitue pas une faute de l'administration ;
- il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise, que les retards invoqués par la société Fayat ont pour cause la défaillance de la société Richard-Ducros, titulaire du lot n° 4 ;
- la demande indemnitaire de la société Fayat est, en tout état de cause, infondée et injustifiée ;
Vu les ordonnances du 1er octobre 2013 rouvrant l'instruction et fixant une nouvelle date de clôture le 15 octobre 2013 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2014 :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,
- et les observations de Me Ricaud, avocat, pour la société Fayat Bâtiment ;
1. Considérant que par acte d'engagement du 21 avril 2004, la ville de Reims a confié à la société Cari Thouraud, aux droits de laquelle vient la société Fayat Bâtiment, la réalisation du lot n° 3 " Démolition, terrassement, gros-oeuvre " " de la reconstruction du stade Delaune pour un montant de 9 192 000 euros HT ; que, par marché signé le même jour, elle a attribué le lot n° 4 " Charpente métallique " à la société des Etablissements Richard-Ducros ; que les travaux devaient se dérouler en une seule tranche divisée en deux phases ; que le démarrage des travaux a été fixé par ordre de service au 17 mai 2004 ; qu'à la suite de difficultés apparues durant la première phase du chantier, la société Richard-Ducros a adressé le 10 avril 2006 à la ville de Reims un mémoire en demande de règlements complémentaires ; qu'en raison de l'absence de décision favorable de la collectivité, l'entreprise a refusé, malgré les mises en demeure qui lui ont été adressées, de démarrer les travaux de la seconde phase ; que, par décision notifiée le 15 décembre 2006, la ville de Reims a procédé à la résiliation du marché aux frais et risques de son cocontractant ; que pour permettre la passation du marché de substitution, un ajournement des travaux a été prescrit par ordre de service du 6 mars 2007, avec effet au 20 mars 2007, avant d'être levé par ordre de service du 3 juillet 2007 avec effet au 3 septembre 2007 ; qu'après réception de ses travaux, la société Cari Thouraud a transmis au maître d'oeuvre un projet de décompte final faisant apparaître un solde en sa faveur de 13 598 564,12 euros TTC ; que, par ordre de service du 2 avril 2009, la ville de Reims a notifié à l'entreprise le décompte général arrêté à la somme de 12 823 692,20 euros TTC ; que le mémoire de réclamation de la société Cari, présenté en vertu des stipulations de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable au marché, ayant fait l'objet d'un rejet implicite, la société Fayat Bâtiment, nouvelle dénomination de la société Cari, a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à la condamnation de la ville de Reims à lui payer la somme de 778 064,99 euros TTC ; que la société Fayat Bâtiment relève appel du jugement du 21 février 2013 rejetant sa demande et mettant à sa charge la moitié des frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 42 648,08 euros TTC, soit un montant de 21 324,04 euros TTC ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 48.1 du CCAG applicable au marché : " L'ajournement des travaux peut être décidé. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l'article 12, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. / L'entrepreneur qui conserve la garde du chantier a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et préjudice qu'il aura éventuellement subi du fait de l'ajournement. / Une indemnité d'attente de reprise des travaux peut être fixée dans les mêmes conditions que les prix nouveaux, suivant les modalités prévues à l'article 14. " ;
3. Considérant qu'il n'est pas contesté que la période d'ajournement imposée par la ville de Reims du 20 mars au 3 septembre 2007 a donné lieu à une indemnisation de la société Cari Thouraud sur le fondement des stipulations précitées de l'article 48.1 du CCAG, à hauteur de 253 842,42 euros TTC dans le cadre du décompte général notifié par l'ordre de service n°3 du 2 avril 2009 ; que la société Fayat Bâtiment demande à être indemnisée, sur le fondement des mêmes stipulations, d'autres préjudices qu'elle estime avoir subis en lien avec l'ajournement décidé par la ville de Reims ;
4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la décision d'ajournement ne peut être regardée comme la cause directe des préjudices dont se prévaut la société requérante, qui trouvent leur origine dans les décalages avec le programme initial des travaux entièrement imputables à l'abandon du chantier par la société Richard-Ducros ; que la demande indemnitaire de la société Fayat Bâtiment ne saurait donc être accueillie sur le fondement des stipulations de l'article 48.1 du CCAG ; que, d'autre part, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie, soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique, mais pas du seul fait de fautes commises par d'autres intervenants ; que, comme il a été dit, les retards invoqués par la société Fayat Bâtiment ont pour cause la défaillance de la société Richard-Ducros ; que la société requérante n'établit pas ni même n'allègue que la ville de Reims aurait commis une faute particulière dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et de direction du chantier à la suite de l'abandon du chantier par la société Richard-Ducros ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Fayat Bâtiment n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 21 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ville de Reims, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à verser à la société Fayat Bâtiment la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner la société Fayat Bâtiment à verser à la ville de Reims une somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Fayat Bâtiment est rejetée.
Article 2 : La société Fayat Bâtiment est condamnée à verser à la ville de Reims une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la société Fayat Bâtiment et à la ville de Reims.
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