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03/07/2014 | FRANCE | N°13NC02125

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 03 juillet 2014, 13NC02125


Vu I, la requête, enregistrée le 11 décembre 2013 sous le n° 13NC02124, présentée par le préfet du Haut-Rhin ;

Le préfet du Haut-Rhin demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1102202 du 21 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 2 mars 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à M. C...D...et lui a enjoint de délivrer à ce dernier une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

Il soutient que :

- les moyens soulevés dans le

cadre de la requête n° 13NC02125 sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du j...

Vu I, la requête, enregistrée le 11 décembre 2013 sous le n° 13NC02124, présentée par le préfet du Haut-Rhin ;

Le préfet du Haut-Rhin demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1102202 du 21 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 2 mars 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à M. C...D...et lui a enjoint de délivrer à ce dernier une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

Il soutient que :

- les moyens soulevés dans le cadre de la requête n° 13NC02125 sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ;

- l'exécution de ce jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure, adressée le 4 mars 2014 à M. D..., en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2014, présenté pour M. D..., par MeB..., qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 196 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. D...fait valoir qu'il n'existe pas de moyen sérieux d'annulation du jugement attaqué ;

Vu II, la requête, enregistrée le 11 décembre 2013 sous le n° 13NC02125, présentée par le préfet du Haut-Rhin ;

Le préfet du Haut-Rhin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102202 du 21 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 2 mars 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à M. C...D...et lui a enjoint de délivrer à ce dernier une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Il soutient que :

- il n'a commis aucune erreur manifeste dans son appréciation de la situation de M. D... au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la circonstance que les autorités mauritaniennes refuseraient de délivrer un laissez-passer à l'intéressé n'est pas de nature à constituer un motif exceptionnel donnant droit au séjour ;

- ni la durée de la présence en France de M.D..., qui n'est pas établie, ni ses nombreuses demandes de titres de séjour, ni ses activités professionnelles d'intérimaire ne constituent un tel motif exceptionnel ;

- l'intéressé s'étant maintenu irrégulièrement sur le territoire français pendant plusieurs années et disposant d'attaches familiales dans son pays d'origine, la décision de refus de titre ne comporte aucune conséquence d'une exceptionnelle gravité ;

- les autres moyens soulevés par l'intimé en première instance ne sont pas fondés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure, adressée le 4 mars 2014 à M. D..., en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2014, présenté pour M. D..., par MeB..., qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 196 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. D...fait valoir que :

- la décision de refus de séjour est entachée d'incompétence ;

- elle méconnait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article L. 313-14 du même code ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les décisions du président du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 27 mars 2014, admettant M. D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 18 juin 2014, le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller ;

1. Considérant que M.D..., né le 6 août 1973 en Mauritanie, déclare être entré irrégulièrement en France au cours du mois de septembre 2003 ; que la demande d'asile de l'intéressé, ainsi que ses deux demandes de réexamen, ont toutes été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Commission de recours des réfugiés ; que la demande présentée par M. D...en vue d'obtenir le statut d'apatride a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 août 2009 ; que l'intéressé, auquel le séjour a été refusé par décisions des 27 novembre 2004, 26 octobre 2005, 4 décembre 2009 et 16 février 2010, a présenté une nouvelle demande de titre de séjour le 3 décembre 2010 sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté du 2 mars 2011 par lequel le préfet du Haut Rhin a opposé un nouveau refus à cette demande a été annulé par un jugement du 21 novembre 2013 du Tribunal administratif de Strasbourg ; que, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt, le préfet du Haut Rhin fait appel de ce jugement et, dans l'attente de l'arrêt à intervenir, en demande le sursis à exécution ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

3. Considérant que, dans sa demande de titre de séjour, présentée le 3 décembre 2010, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. D... fait état, pour justifier de son admission exceptionnelle au séjour, de sa situation professionnelle et de ses efforts d'insertion en France, de ses craintes en cas de retour en Mauritanie, pays dont il est originaire, et du refus des autorités de ce pays de le reconnaitre comme un de leurs ressortissants ; que, toutefois, les éléments produits à l'instance par l'intimé, et notamment ses déclarations de revenus des années 2006 et 2007, les avis d'imposition des années 2009 et 2010 et les certificats de travail établis pour les années 2008 et 2009 ne suffisent pas à justifier de la permanence et de l'ancienneté de son séjour en France, ni de son degré d'insertion dans la société française ; que les activités professionnelles dont l'intéressé fait état dans sa demande ont été exercées en qualité d'intérimaire, dans le secteur des travaux publics, au cours des seules années 2008 et 2009, sous couvert de l'autorisation provisoire de séjour délivrée pendant l'instruction de sa demande tendant au bénéfice du statut d'apatride ; que la demande d'asile de M.D..., ainsi que ses demandes de réexamen, ont été rejetées par plusieurs décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rendues les 29 janvier 2004, 8 février 2005 et 23 février 2006, toutes confirmées par la Commission de recours des réfugiés, respectivement, les 4 novembre 2004, 20 septembre 2005 et 6 novembre 2006 ; qu'au demeurant, l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir, à la date de sa demande, les risques qu'il prétend encourir en cas de retour en Mauritanie ; que si M. D... soutient que, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière en date du 1er février 2007, les autorités mauritaniennes ont refusé de délivrer le laissez-passer nécessaire à son éloignement, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces mêmes autorités refuseraient de le reconnaître comme l'un de leurs ressortissants et, ce faisant, s'opposeraient à son admission sur le territoire mauritanien ; qu'à cet égard, par une décision du 11 août 2009, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande présentée par l'intéressé en vue de bénéficier du statut d'apatride au motif que sa nationalité mauritanienne est établie ; qu'ainsi, M. D... ne justifiait ni de considérations humanitaires, ni de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir qu'il a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser un titre de séjour à M. D... ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le Tribunal administratif de Strasbourg et devant la cour ;

5. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 2009-3105 du 6 novembre 2009, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Haut-Rhin du mois de novembre 2009, M. Stéphane Guyon, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation du préfet du Haut-Rhin pour signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département du Haut-Rhin, à l'exception des actes pour lesquels une délégation a été donnée à un chef de service de l'Etat dans le département, des mesures générales concernant la défense nationale et la défense interne du territoire, ainsi que des réquisitions de la force armée, des arrêtés de conflit et des ordres de réquisition du comptable public ; qu'ainsi, M. A...a reçu délégation pour signer une décision de refus de séjour ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit donc être écarté comme manquant en fait ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si M. D...soutient remplir les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que l'intéressé ait, dans sa demande du 3 décembre 2010, sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions ainsi invoquées ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en tout état de cause, être écarté ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 3, que le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences d'un refus de séjour sur la situation personnelle de M. D... ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 2 mars 2011 refusant de délivrer un titre de séjour à M.D... ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par ce dernier sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en outre, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du préfet du Haut-Rhin n° 13NC02124, tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 1102202 du 21 novembre 2013 du Tribunal administratif de Strasbourg, qui est devenue sans objet ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 13NC02124 du préfet du Haut-Rhin.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg n° 1102202 du 21 novembre 2013 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Strasbourg, ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... D....

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 13NC02124, 13NC02125


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC02125
Date de la décision : 03/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CABINET RIBETON AIROLDI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-07-03;13nc02125 ?
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