Vu l'arrêt du 5 juillet 2012 par lequel la Cour, avant de statuer sur la requête n° 11NC01236 de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 0800293 du 26 mai 2011, a ordonné une nouvelle expertise en vue de déterminer l'origine de l'arrêt cardiaque de M. J...D..., survenu le 7 avril 2004, lors d'une séance d'oxygénothérapie hyperbare au centre hospitalier universitaire de Reims, et les éventuels droits à réparation de l'intéressé ;
Vu les ordonnances, en date des 12 septembre 2012 et 30 janvier 2013, par lesquelles le président de la Cour a désigné, en qualité d'experts, les professeurs Etienne Aliot et Pierre-Edouard Bollaert et le docteur Jean-Pierre Pertek ;
Vu le rapport d'expertise déposé au greffe de la Cour le 18 novembre 2013 ;
Vu l'ordonnance, en date du 24 février 2014, taxant et liquidant les frais de l'expertise à la somme de 1 080 euros pour chacun des trois experts ;
Vu l'ordonnance, en date du 12 février 2014, fixant la clôture d'instruction au 13 mars 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 mars 2014, présenté pour M. J...D..., Mme C...D..., Mme H...D...et M. A...D..., par MeI..., qui concluent :
1°) à la réformation du jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 mai 2011 ;
2°) à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Reims à les indemniser dans une proportion de 55 % de leurs préjudices et, par conséquent, à verser la somme globale de 1 164 822 euros et une rente mensuelle de 6 705 euros à M. J...D..., la somme globale de 234 779 euros à Mme C...D..., la somme de 19 250 euros à Mme H...D...et la somme de 19 250 euros à M. A...D... ;
3°) à la condamnation de l'ONIAM à indemniser M. J...D...dans une proportion de 45 % de ses préjudices et, par conséquent, à lui verser la somme globale de 1 099 019 euros et une rente mensuelle de 5 485 euros ;
4°) à ce que les dépens soient mis à la charge de l'ONIAM et du centre hospitalier universitaire de Reims, ainsi qu'une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- il ressort du rapport d'expertise déposé devant la Cour que l'arrêt cardiaque dont M. D... a été victime constitue un accident médical, dont les conséquences ont été aggravées par un défaut de prise en charge par le centre hospitalier universitaire de Reims ;
- ce défaut de prise en charge a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'arrêt cardiaque, dans une proportion de 55 % ;
- le centre hospitalier doit être condamné à l'indemniser de ses préjudices dans une proportion de 55 %, et l'ONIAM dans une proportion de 45 % ;
- les dépenses de santé engagées avant consolidation ont été intégralement prises en charge par la caisse d'assurance maladie pour un montant de 291 322,20 euros ;
- les pertes de revenus de la victime s'établissent, compte tenu de la période d'incapacité temporaire totale imputable à l'accident médical et des indemnités journalières versées par la caisse, à 10 132 euros ;
- les dépenses de santé après consolidation, incluant le lit médicalisé, le matelas anti-escarres, le fauteuil roulant électrique, le coussin anti-escarres et le lève-malade électrique, s'établissent à la somme globale de 105 241 euros, y compris la capitalisation, dont il convient de déduire la créance de la caisse pour un montant de 12 419,26 euros ;
- les frais d'aménagement du logement et d'un véhicule adapté s'établissent respectivement à 150 000 euros et 189 510 euros ;
- les frais d'assistance d'une tierce personne, de la date de consolidation jusqu'à celle de l'arrêt s'établissent, compte tenu des arrérages versés à ce titre par la caisse, à 1 070 888 euros ;
- la rente versée au titre de l'assistance d'une tierce personne s'établit, à compter de la date de l'arrêt et compte tenu de la prise en charge par la caisse, à 12 190 euros par mois ;
- la victime n'a pas à justifier des préjudices mentionnés ci-dessus dès lors que ses besoins sont attestés par les experts ;
- les pertes de revenus professionnels futurs s'établissent à 356 347,20 euros ;
- la pension d'invalidité versée par la caisse n'a pas à s'imputer sur ce montant dès lors que cette pension est due au titre du traumatisme initial et non au titre de l'accident médical ;
- l'incidence professionnelle est évaluée à 100 000 euros ;
- les préjudices extra-patrimoniaux de la victime s'établissent à 11 900 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 20 000 euros au titre des souffrances endurées, 267 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 20 000 euros pour le préjudice esthétique, 50 000 euros pour le préjudice d'agrément, 50 000 euros au titre du préjudice sexuel et 40 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;
- le préjudice professionnel, le préjudice moral et d'affection, le préjudice sexuel et le préjudice exceptionnel de Mme D...s'établissent, respectivement, à 287 236 euros, 80 000 euros, 30 000 euros et 30 000 euros ;
- chacun des enfants de la victime subit un préjudice moral évalué à 35 000 euros ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 mars 2014, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher, par MeF..., qui conclut, par les mêmes moyens, aux mêmes fins que dans ses précédents mémoires, en portant à 1 028 euros la somme demandée au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2014, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Reims, par MeG..., qui conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures, par les mêmes motifs ;
Le centre hospitalier fait valoir, en outre, que :
- les experts désignés par la Cour ne se prononcent pas sur l'origine exacte de l'arrêt cardiaque dont M. D...a été victime ;
- le manque de réactivité reproché au praticien présent lors de cet arrêt cardiaque n'est pas établi ;
- les consorts D...ne sont pas recevables à solliciter une indemnisation d'un montant supérieur à celui de l'indemnisation demandée en première instance ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2014, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), par Me B..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
L'ONIAM soutient, en outre, que :
- il ressort du rapport d'expertise déposé devant la Cour que l'arrêt cardiaque de M. D... est imputable à une défaillance du respirateur, engageant la responsabilité sans faute du centre hospitalier ;
- ce même rapport confirme les manquements du centre hospitalier en ce qui concerne le défaut de monitorage et l'absence de surveillance au cours de la séance d'oxygénothérapie ;
Vu le courrier, en date du 3 avril 2014, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la Cour est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par Mme C...D..., Mme H...D...et M. A...D..., tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Reims à les indemniser de leurs préjudices propres, ces conclusions soulevant un litige distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal formé par l'ONIAM ;
Vu les observations, enregistrées le 22 avril 2014, présentées pour M. D...et autres en réponse au courrier du 3 avril 2014 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2014
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeI..., pour les consortsD..., et de MeE..., pour le centre hospitalier universitaire de Reims ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 juin 2014, présentée pour l'ONIAM ;
1. Considérant que M.D..., qui exerçait la profession de chauffeur d'autocar, a été victime, le 29 mars 2004, à l'âge de 57 ans, d'un grave accident de la circulation, à l'origine de plusieurs fractures des membres inférieurs et d'une plaie périnéale ; qu'ayant été admis au centre hospitalier universitaire de Reims, des séances d'oxygénothérapie hyperbare sous sédation et ventilation contrôlée lui ont été prescrites, afin de permettre la cicatrisation de la plaie ; que, le 7 avril 2004, à la fin de la douzième et dernière séance, M. D...a été victime d'un arrêt cardiaque qui a entraîné des troubles neurologiques irréversibles ; que l'épouse de M. D...et ses deux enfants majeurs ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Champagne-Ardenne, laquelle a, dans son avis rendu le 31 mai 2007 après expertise, considéré que les séquelles de M. D...étaient imputables, dans une proportion de deux tiers, à un accident médical non fautif ; que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ayant refusé de présenter une offre d'indemnisation, les consorts D...ont saisi le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande d'indemnisation dirigée contre l'ONIAM et le centre hospitalier universitaire de Reims ; que, par un jugement rendu le 26 mai 2011 après une nouvelle expertise, le tribunal administratif a mis hors de cause l'établissement hospitalier et a condamné l'ONIAM à verser à la seule victime une somme de 476 240 euros, ainsi qu'une rente mensuelle de 5 247 euros, en réparation des préjudices subis par M. D...; que l'ONIAM ayant fait appel de ce jugement pour solliciter sa mise hors de cause, et les consorts D...ayant demandé, par un appel provoqué, la condamnation du centre hospitalier universitaire de Reims, la Cour a, par un arrêt du 5 juillet 2012, ordonné une nouvelle expertise en vue de déterminer l'origine de l'arrêt cardiaque dont M. D...a été victime ; qu'à la suite de cette expertise, les consorts D...demandent, par la voie d'un appel provoqué, que le centre hospitalier universitaire de Reims soit condamné à réparer leurs préjudices dans une proportion de 55 %, et, par la voie d'une appel incident, que l'ONIAM soit condamné à les indemniser pour le reliquat ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher réitère en appel sa demande de remboursement de ses débours par l'établissement hospitalier ;
Sur la recevabilité des conclusions présentées en appel par Mme D...et ses enfants :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 mai 2011 a été notifié le 27 mai 2011 à Mme C...D..., le 28 mai 2011 à M. A...D...et le 3 juin 2011 à Mme H...D...; qu'ainsi, leurs conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Reims à les indemniser de leurs préjudices propres, présentées dans un mémoire enregistré le 17 octobre 2011, ont le caractère d'un appel provoqué ; que ces conclusions soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal formé par l'ONIAM, lequel ne conteste que sa condamnation, par ce jugement, à réparer les préjudices de M. D...; que, par suite, l'appel provoqué présenté par Mme D...et ses enfants le 17 octobre 2011, après l'expiration du délai d'appel, est irrecevable ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) " ; qu'aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration ; que lorsque ce mémoire en défense conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même ;
4. Considérant que si, le 23 janvier 2008, date à laquelle il a saisi le tribunal administratif, M. D...n'avait présenté aucune demande d'indemnisation au centre hospitalier régional universitaire de Reims, il a formé, le 7 février 2011, une telle demande, sur laquelle l'administration a gardé le silence, faisant ainsi naître une décision implicite de rejet avant que les premiers juges ne statuent le 26 mai 2011 ; qu'ainsi, alors même que l'établissement hospitalier a, dans son mémoire en défense, conclu à titre principal à l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par M. D..., c'est à bon droit que les premier juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux ;
Sur l'appel principal de l'ONIAM :
En ce qui concerne la responsabilité sans faute du centre hospitalier :
5. Considérant que, sans préjudice des actions susceptibles d'être exercées à l'encontre du producteur, le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la Cour, que l'arrêt cardiaque dont M. D...a été victime a pour origine, non pas une embolie pulmonaire, mais une hypoventilation alvéolaire prolongée ayant entrainé une diminution de la quantité d'oxygène dans le sang et une augmentation de la quantité de dioxyde de carbone ; que si, parmi les hypothèses envisagées pour expliquer cette hypoventilation, les experts évoquent une défaillance du respirateur ou du circuit inspiratoire, ils indiquent que les opérations de révision de l'appareil de ventilation utilisé le 7 avril 2004 pour la séance d'oxygénothérapie de M. D... n'ont révélé aucune anomalie, leur permettant ainsi d'exclure un éventuel dysfonctionnement de l'appareil ; que, par suite, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que les séquelles dont M. D...est resté atteint à la suite de son arrêt cardiaque seraient imputables à un appareil de santé défectueux et que la responsabilité sans faute de l'établissement hospitalier serait engagée ;
En ce qui concerne la responsabilité pour faute du centre hospitalier et la réparation au titre de la solidarité nationale :
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) " ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé devant la Cour, que l'état de M. D...justifiait un traitement par oxygénothérapie hyperbare, et que les règles d'organisation et de sécurité ont été respectées lors de la séance du 7 avril 2004, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre des équipements, le monitorage de la séance et la mise à disposition d'un personnel qualifié ; que si l'absence de signalement ou d'analyse de l'accident du 7 avril 2004 est susceptible de révéler, au sein de l'établissement hospitalier, une défaillance administrative, celle-ci ne saurait pour autant constituer la cause de cet accident ; que, par suite, le centre hospitalier universitaire de Reims n'a commis aucune faute qui se trouverait à l'origine de l'arrêt cardiaque de M. D...et des séquelles dont il est resté atteint ;
9. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que l'accident dont M. D...a été victime au cours de la séance d'oxygénothérapie, une fois l'arrêt cardiaque constitué, a été correctement pris en charge par les praticiens de l'établissement hospitalier ;
10. Considérant, en revanche, que, selon les experts désignés par la Cour, M.D..., placé dans un caisson hyperbare le 7 avril 2004 à 9 heures 49, présentait une hypotension artérielle préoccupante à 11 heures 03, plus de trente minutes avant l'arrêt cardiaque ; que si le médecin spécialiste en hyperbarie, chargé de surveiller le patient pendant la séance, lui a administré 500 millilitres de voluven afin de rétablir sa tension, il n'a décidé de sortir M. D...du caisson hyperbare qu'à 11 heures 25, quelques minutes avant la fin prévue de la séance, et ce malgré l'absence de résultat du traitement de remplissage vasculaire par voluven ; qu'il résulte de l'instruction qu'une mauvaise évaluation clinique des paramètres hémodynamiques du patient, lesquels annonçaient un arrêt cardio-circulatoire, et le retard dans la mise en oeuvre des actes de soins rendus nécessaires par la gravité de la situation ont fait perdre à M. D... une chance d'échapper à l'arrêt cardiaque et aux séquelles qui en ont résulté, dans une proportion évaluée à plus de 50 % par les experts ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa version applicable au présent litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I (...) n'est pas engagée, un accident médical (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " ; qu'en vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l'ONIAM ; qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa version applicable au présent litige : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical (...) ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical (...) ; 2° Ou lorsque l'accident médical (...) occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. " ;
12. Considérant que si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité ; que dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif ; que, par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1, et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue ;
13. Considérant que, selon les experts désignés par la Cour, l'arrêt cardio-circulatoire constitue un risque aléatoire susceptible de survenir au cours d'une séance d'oxygénothérapie hyperbare ; que M. D...reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 90 %, dont 70 à 75 %, selon les différentes expertises, sont imputables à une encéphalopathie post-anoxique provoquée par son arrêt cardiaque ; que les séquelles neurologiques de l'intéressé sont donc directement imputables à cet arrêt cardiaque survenu pendant le traitement par oxygénothérapie hyperbare et présentent un caractère de gravité répondant aux conditions posées par les dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; qu'en outre, malgré la gravité des blessures subies par M. D...à la suite de son accident de la route, l'encéphalopathie dont il est resté atteint est sans rapport avec son état de santé au moment de l'hospitalisation, comme de l'évolution prévisible de cet état ; qu'ainsi, les préjudices résultant de cette encéphalopathie ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale ;
14. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le retard dans la prise en charge de M.D..., constitutif d'une faute, lui a causé une perte de chance d'éviter la survenue de l'aléa thérapeutique ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la chance perdue par M. D...en fixant à 55 % la part de ses préjudices dont la réparation incombe au centre hospitalier universitaire de Reims ; qu'ainsi, il appartient à l'ONIAM d'indemniser, au titre de la solidarité nationale, la part des préjudices subis par M. D...résultant de l'aléa thérapeutique, laquelle ne saurait être réparée par le centre hospitalier universitaire responsable de la perte de chance;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à indemniser M. D...au titre de la solidarité nationale, en conséquence de l'accident médical survenu le 7 avril 2004 ;
Sur l'appel incident de M.D... :
16. Considérant que M. D...demande, par la voie d'un appel incident, que le montant des dommages et intérêts auxquels l'ONIAM a été condamné soit porté de 476 240 euros à 1 099 019 euros et que la rente mensuelle mise à la charge de cet organisme soit portée de 5 247 euros à 5 485 euros ;
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des dépenses de santé :
17. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que les frais d'hospitalisation, les frais de séjour au centre de rééducation et les frais médicaux et pharmaceutiques ont été intégralement pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher ; qu'il ressort en outre du relevé établi le 13 janvier 2011 par ladite caisse, que les frais d'acquisition d'un lit médicalisé, d'un matelas et d'un coussin anti-escarres, d'un fauteuil roulant électrique et d'un lève-malade électrique sont pris en charge par l'organisme de sécurité sociale ; que si les experts indiquent que ces matériels sont indispensables à M.D..., celui-ci ne justifie pas qu'une partie desdites dépenses resterait à sa charge ;
S'agissant des frais liés au handicap :
18. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise déposés devant les premiers juges et devant la Cour que l'état de M. D...nécessite, depuis le 24 février 2006, date de sa consolidation, l'assistance constante d'une tierce personne évaluée, sur une journée, à quinze heures de surveillance simple sans intervention particulière, une heure d'aide spécialisée et huit heures de présence active non spécialisée ; que, selon les experts, les séquelles dont M. D...serait resté atteint du seul fait de son accident de voiture auraient nécessité une assistance pendant deux heures par semaine ; qu'ainsi, l'intéressé a besoin, du fait de l'accident survenu le 7 avril 2004, d'une assistance permanente qui peut être évaluée à 710 heures par mois ; que, dans les circonstances de l'espèce, le coût de cette assistance, prodiguée au domicile familial par l'épouse de M.D..., doit être fixé, compte tenu du salaire minimum moyen augmenté des charges sociales, au taux horaire de 13 euros ; qu'ainsi, le montant des frais exposés au titre de l'assistance par une tierce personne s'élève, pour la période du 24 février 2006 à la date du présent arrêt, à la somme de 923 000 euros ; que, compte tenu de la part du préjudice indemnisable au titre de la solidarité nationale, soit 45 %, le montant incombant à l'ONIAM s'établit à 415 350 euros ; qu'il convient de retrancher de ce montant les " arrérages échus tierce personne 24h / 24h " pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher, lesquels peuvent être évalués, au vu du relevé du 13 janvier 2011, à la somme de 101 639,38 euros pour la période en cause, et à 45 737,72 euros après application du prorata de 45 % ; qu'ainsi, le montant total des frais d'assistance par une tierce personne pour la période du 24 février 2006 à la date du présent arrêt, devant être mis à la charge de l'ONIAM, s'élève à 369 612,28 euros ;
19. Considérant, en deuxième lieu, que, sur la même base journalière, il sera fait une juste appréciation des frais exposés au titre de l'assistance par une tierce personne, pour la période postérieure au présent arrêt, en les évaluant à 9 230 euros par mois ; que, compte tenu de la part du préjudice indemnisable au titre de la solidarité nationale, soit 45 %, le montant incombant à l'ONIAM s'établit à 4 153,50 euros, dont il convient de retrancher les " arrérages à échoir tierce personne 24h / 24h " pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher ; que ces arrérages peuvent être évalués, au vu du relevé daté du 13 janvier 2011, à 996,46 euros, et à 448,41 euros après application du prorata de 45 % ; qu'ainsi, la part de la rente mensuelle susceptible d'être allouée à M. D... au titre de la solidarité nationale doit être évaluée à 3 705 euros;
20. Considérant, en dernier lieu, que si M. D...demande une indemnisation pour l'aménagement de son logement et l'acquisition d'un véhicule automobile adapté, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et l'étendue des dépenses engagées à ce titre et qu'il évalue respectivement à 150 000 et 189 510 euros ;
S'agissant des pertes de revenus :
21. Considérant que les experts désignés par la Cour, reprenant sur ce point les conclusions des premiers experts, indiquent que, compte tenu des séquelles qui auraient résulté du traumatisme initial, M. D...aurait subi en tout état de cause une période d'incapacité temporaire totale de six mois, suivie d'une période d'incapacité physique partielle de 50 % jusqu'au 29 mars 2005, date envisagée pour sa consolidation ; qu'en outre, ils précisent que l'intéressé n'aurait pas pu reprendre son activité de chauffeur de car après cette même date ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard notamment à l'âge de M.D..., que ce dernier aurait pu exercer une activité, même adaptée aux handicaps physiques dont il serait resté atteint, entre le 29 mars 2005 et le 24 février 2006, date retenue pour sa consolidation effective ; que, pour les mêmes raisons, il ne résulte pas non plus de l'instruction qu'il aurait pu retrouver un emploi après le 24 février 2006 ; que, par suite, M. D...ne saurait prétendre à une indemnité au titre de pertes de revenus ;
S'agissant de l'incidence professionnelle :
22. Considérant, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, que M.D..., âgé de 57 ans à la date de l'accident médical et qui serait resté atteint d'une incapacité partielle de 15 à 20 % en raison de l'accident de la route dont il a été victime, n'établit pas que l'accident médical litigieux aurait eu une incidence professionnelle ;
En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
23. Considérant que, d'après les experts, M. D...a subi une période d'incapacité temporaire totale de vingt-trois mois jusqu'au 24 février 2006, date de sa consolidation ; que, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard à la période d'incapacité temporaire totale et partielle imputable au seul accident de la route, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. D... à ce titre en le fixant à la somme de 5 600 euros ; que, par suite, le montant indemnisable au titre de la solidarité nationale doit être fixé à 2 520 euros ;
S'agissant des souffrances endurées :
24. Considérant que les experts désignés par la Cour évaluent ces souffrances à 6 sur une échelle de 1 à 7, dont 4,5 sont imputables au seul accident de voiture ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par M. D...en conséquence de l'aléa thérapeutique dont il a été victime en les évaluant à 2 000 euros, dont 900 euros doivent être indemnisés au titre de la solidarité nationale ;
S'agissant du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel et des troubles dans les conditions d'existence liés au déficit fonctionnel permanent :
25. Considérant que les experts désignés par la Cour évaluent le déficit fonctionnel permanent dont M. D...est resté atteint à 90 %, dont 70 % au moins sont imputables à l'accident médical litigieux, et le préjudice esthétique à 6 sur une échelle de 1 à 7, dont 3,5 sont imputables à ce même accident ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence liés au déficit fonctionnel permanent dont M. D...est resté atteint à la suite de l'accident médical en fixant le montant de ce poste de préjudice à 100 000 euros ; que le préjudice esthétique résultant du seul accident médical doit être évalué à 15 000 euros ; qu'en outre, il sera fait une juste appréciation des préjudices sexuel et d'agrément subis par M. D...à la suite de cet accident en les évaluant à 10 000 euros ; que la part de ces préjudices réparable au titre de la solidarité nationale s'établit donc au montant total de 56 250 euros ;
S'agissant du préjudice d'établissement :
26. Considérant que M.D..., aujourd'hui âgé de 65 ans, marié, père et grand-père, ne saurait prétendre à une indemnisation au titre du préjudice d'établissement qui répare la perte de chance de réaliser normalement un projet de vie familiale du fait d'un handicap ;
27. Considérant qu'il suit de ce qui précède que M. D...a droit au titre de la solidarité nationale, outre une rente mensuelle de 3 705 euros, à une indemnisation globale de 429 282,28 euros; que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'ONIAM à verser à M. D... une rente mensuelle de 5 247 euros et une somme de 476 240 euros au titre des préjudices subis par l'intéressé ; que, par suite, et alors que l'ONIAM ne conteste pas en appel l'évaluation des sommes mises à sa charge en première instance, les conclusions incidentes présentées par l'intimé, tendant à une réévaluation de ces indemnités, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'appel provoqué de M. D...et de la caisse primaire d'assurance maladie :
28. Considérant que les conclusions de M. D...tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Reims, introduites après le délai d'appel, ne seraient recevables que si la situation de l'intéressé était aggravée par l'admission de l'appel principal ; que l'appel principal de l'ONIAM étant rejeté, lesdites conclusions sont irrecevables ;
29. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie en vue d'obtenir le remboursement de ses débours par le centre hospitalier universitaire de Reims, ainsi que ses conclusions tendant au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en outre, et en tout état de cause, l'indemnisation par l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, des conséquences d'un accident médical ne lui conférant pas la qualité d'auteur responsable des dommages, le recours subrogatoire des tiers payeurs ne peut dans ce cas être exercé contre lui ;
Sur les dépens :
30. Considérant, en premier lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, les frais d'expertise de première instance, liquidés et taxés à la somme de 811 euros, doivent être laissés à la charge définitive de l'ONIAM ;
31. Considérant, en second lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par la Cour, pour moitié à la charge de l'ONIAM, et pour moitié à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
32. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que l'ONIAM, les consorts D...et la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de condamner l'ONIAM à verser la somme de 2 000 euros à M. D...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.
Article 2 : L'ONIAM versera à M. D...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 3 240 euros, sont mis, pour moitié à la charge de l'ONIAM, et, pour l'autre moitié, à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims.
Article 4 : Le surplus des conclusions des consorts D...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à M. J...D..., à Mme C...D..., à Mme H...D..., à M. A... D..., au centre hospitalier universitaire de Reims et à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher.
Copie du présent arrêt sera adressée aux professeurs Etienne Aliot et Pierre-Edouard Bollaert et au docteur Jean-Pierre Pertek, experts.
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N° 11NC01236