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23/06/2014 | FRANCE | N°14NC00265

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 23 juin 2014, 14NC00265


Vu I, la requête, enregistrée le 17 février 2014 sous le n° 14NC00265, présentée pour Mme D...C...néeE..., domiciliée..., par MeF... ;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201972 du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à payer à M. et Mme C...une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qui leur ont été causés par les décisions du 17 janvier 2011 du préfet de Meurthe-et-Moselle ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle E...puis la pl

açant en rétention administrative ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme...

Vu I, la requête, enregistrée le 17 février 2014 sous le n° 14NC00265, présentée pour Mme D...C...néeE..., domiciliée..., par MeF... ;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201972 du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à payer à M. et Mme C...une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qui leur ont été causés par les décisions du 17 janvier 2011 du préfet de Meurthe-et-Moselle ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle E...puis la plaçant en rétention administrative ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 28 000 euros en réparation des préjudices que lui ont causés les décisions du 17 janvier 2011 du préfet de Meurthe-et-Moselle ordonnant sa reconduite à la frontière et la plaçant en rétention administrative, cette somme portant intérêts à compter du 23 mars 2012, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

- les décisions prises le 17 janvier 2011 par le préfet de Meurthe-et-Moselle à son encontre étaient illégales et de nature à engager la responsabilité de l'Etat, comme l'a reconnu le tribunal ; de plus, l'arrêté portant reconduite à la frontière pouvait être annulé pour d'autres motifs que celui retenu par la Cour ; par ailleurs, l'Etat a également commis une faute en ne transposant pas la directive " retour " dans le délai qui lui était imparti ;

- si le préfet lui avait accordé un délai de départ volontaire, elle aurait pu se marier et obtenir un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français ; elle a d'ailleurs obtenu un tel titre le 27 février 2012 ;

- elle a subi un préjudice matériel et moral important causé tant par son placement en rétention administrative que par son retour forcé en Algérie pendant 8 mois ; il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice en lui allouant une indemnité de 28 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 22 avril 2014 fixant la clôture de l'instruction au 7 mai 2014 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2014, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) du tribunal de grande instance de Nancy en date du 17 décembre 2013 attribuant l'aide juridictionnelle totale à Mme C...née E...et désignant Me F...pour la représenter ;

Vu II, la requête, enregistrée le 17 février 2014 sous le n° 13NC00270, présentée pour M. A...C..., domicilié..., par Me F... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201972 du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à payer à M. et Mme C...une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qui leur ont été causés par les décisions du 17 janvier 2011 du préfet de Meurthe-et-Moselle ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle E...puis la plaçant en rétention administrative ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 22 000 euros en réparation des préjudices que lui ont causés les décisions du 17 janvier 2011 du préfet de Meurthe-et-Moselle ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle E...et la plaçant en rétention administrative, cette somme portant intérêts à compter du 23 mars 2012, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- les décisions prises le 17 janvier 2011 par le préfet de Meurthe-et-Moselle à l'encontre de sa future épouse, MlleE..., étaient illégales et de nature à engager la responsabilité de l'Etat, comme l'a reconnu le tribunal ; de plus, l'arrêté portant reconduite à la frontière pouvait être annulé pour d'autres motifs que celui retenu par la Cour ; par ailleurs, l'Etat a également commis une faute en ne transposant pas la directive " retour " dans le délai qui lui était imparti ;

- si le préfet avait accordé un délai de départ volontaire à MlleE..., ils auraient pu se marier et son épouse aurait obtenu un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français ; elle a d'ailleurs obtenu un tel titre le 27 février 2012 ;

- il a subi un préjudice matériel et moral important causé tant pas le placement en rétention administrative de Mlle E...que par le retour forcé de celle-ci en l'Algérie pendant 8 mois ; il sera fait juste appréciation de ces chefs de préjudice en lui allouant une indemnité de 22 000 euros ;

Vu l'ordonnance du 22 avril 2014 fixant la clôture de l'instruction au 7 mai 2014 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2014, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) du tribunal de grande instance de Nancy en date du 17 décembre 2012 attribuant l'aide juridictionnelle totale à M. C...et désignant Me F...pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2014 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public ;

Sur la jonction :

1. Considérant que les requêtes susvisées de M. et Mme C...tendent à l'annulation du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que l'arrêté portant reconduite à la frontière de MlleE..., adopté par le préfet de Meurthe-et-Moselle le 17 janvier 2011, a été annulé par la Cour de céans au motif qu'il n'accordait à l'intéressée aucun délai de départ volontaire, méconnaissant en cela les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises des articles 7 et 8 de la directive susvisée du 16 décembre 2008 ; que, s'ils l'allèguent, les appelants ne démontrent pas que ledit arrêté n'était pas, pour un autre motif que celui retenu par la Cour, légalement fondé ; qu'en effet, ils soutiennent principalement que si Mlle E...avait disposé d'un délai de départ volontaire, elle aurait pu concrétiser son projet de mariage avec M. A...C...et obtenir un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français sur le fondement des stipulations de l'article 2 6) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et qu'ainsi, elle n'aurait pas été éloignée vers l'Algérie ; que, toutefois, si Mlle E...et M. C... avaient déposé, le 11 janvier 2011, à la maire de Jarville-la-Malgrange, un dossier en vue de la célébration de leur mariage, celui-ci ne pouvait avoir lieu, Mlle E...n'étant pas en situation régulière au regard du droit au séjour des étrangers sur le territoire français ; qu'au surplus, Mme B...C..., mère de Karim, avait formé opposition au mariage, par acte d'huissier du 21 janvier 2011 notifié au maire de Jarville-la-Malgrange, opposition qui n'a été levée judiciairement que par jugement du tribunal de grande instance de Nancy du 20 juin 2011 ; que, dans ces conditions, il n'est nullement démontré que si le préfet de Meurthe-et-Moselle avait accordé à Mlle E...un délai de départ volontaire, celle-ci aurait obtenu un titre de séjour en qualité d'épouse d'un ressortissant français et n'aurait pas été éloignée du territoire français ; que, par suite, les préjudices invoqués par les appelants et liés au retour en Algérie de Mlle E...ne sont pas en lien direct tant avec la seule faute démontrée qu'a commise le préfet de Meurthe-et-Moselle en adoptant l'arrêté du 17 janvier 2011 portant reconduite à la frontière qu'avec la faute commise par l'Etat qui n'avait pas transposé la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dans le délai imparti, qui expirait le 24 décembre 2010 ; que, dès lors, ils ne sauraient être indemnisés à raison des préjudices liés au retour de Mlle E...en Algérie ;

3. Considérant qu'en revanche, comme l'a admis le tribunal, si le préfet de Meurthe-et-Moselle avait accordé un délai de départ volontaire à MlleE..., celle-ci n'aurait pas été placée en rétention administrative ; que les appelants sont donc fondés à demander réparation des préjudices liés directement à cette privation de liberté fautive, qui a duré 48 heures du 17 au 19 janvier 2011, la mesure n'ayant pas été prolongée au-delà ; que Mme C...invoque un préjudice " matériel et financier " de 500 euros qui ne saurait être indemnisé, l'appelante ne détaillant pas sa teneur et n'en démontrant pas la réalité ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les appelants en octroyant à Mme C...une indemnité de 750 euros et à M. C... une indemnité de 500 euros au paiement desquelles l'Etat est condamné ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes indemnitaires ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

5. Considérant que M. et Mme C...ont droit aux intérêts au taux légal sur les sommes qui leur sont attribuées par le présent arrêt à compter du 23 mars 2012 ;

6. Considérant que M et Mme C...ont demandé la capitalisation des intérêts dès l'enregistrement de leur requête devant le tribunal administratif de Strasbourg ; que la capitalisation des intérêts, si elle peut être demandée à tout moment devant le juge, ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation s'accomplit ensuite de nouveau à chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de M et Mme C...à compter du 23 mars 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Me F...tendant à la condamnation de l'Etat au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 17 septembre 2013 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser respectivement à Mme C...et M. C...une somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) et de 500 euros (cinq cents euros), en réparation du préjudice moral qu'ils ont subis en raison du placement en rétention administrative de Mlle E...du 17 au 19 janvier 2011, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2012. Les intérêts échus le 23 mars 2013 seront capitalisés à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Mme D...C...née E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nancy.

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14NC00265-14NC00270


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00265
Date de la décision : 23/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice - Absence.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-06-23;14nc00265 ?
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