Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par la SCP d'avocats Marteau-Regnier-Mercier-Ponton ;
M. A... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300582 du 20 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2013 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- la décision de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ne lui a pas été notifiée ;
- l'employeur lui avait transmis l'ensemble des éléments nécessaires à l'instruction de la demande d'autorisation de travail ;
- le préfet disposait également de ces éléments ;
- son contrat de travail était régulier ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle en omettant d'examiner les considérations humanitaires et les motifs exceptionnels invoqués ;
- la décision attaquée méconnaît les articles 6, 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- il n'a pas été mis à même de présenter des observations préalables ;
- la décision attaquée méconnaît les articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre et de la mesure d'éloignement ;
- il n'a pas été mis à même de présenter des observations préalables ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2014, présenté par le Préfet de la Marne, qui, s'en remettant aux conclusions présentées en première instance, conclut au rejet de la requête ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 27 septembre 2013, admettant M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 28 mai 2014, le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller ;
1. Considérant que M.A..., ressortissant marocain, né le 7 février 1978, est entré régulièrement en France le 18 avril 2009 sous couvert d'un visa de long séjour, afin d'y rejoindre son épouse de nationalité française ; qu'il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint d'un ressortissant français jusqu'au 17 novembre 2011 ; que le renouvellement de ce titre de séjour lui a ensuite été refusé en raison de la rupture de la communauté de vie entre les époux ; que M. A...ayant alors sollicité un titre de séjour en qualité de salarié, sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi susvisé, le préfet de la Marne a, par un arrêté du 14 mars 2013, opposé un refus à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ; que le requérant fait appel du jugement du 20 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. Considérant qu'en application de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 susvisé: " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles " ; que ces stipulations, seules applicables aux ressortissants marocains, ont une portée équivalente aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) " ; qu'aux termes de ces dispositions, reprises à l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 6° La carte de séjour temporaire portant la mention salarié, délivrée sur présentation d'un contrat de travail d'une durée égale ou supérieure à douze mois conclu avec un employeur établi en France, en application du 1° de l'article L. 313-10 du même code ou le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 5°, 6° (...) de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur (...) " ; que, selon l'article R. 5221-17 de ce code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que si M. A...soutient que la décision statuant sur la demande d'autorisation de travail ne lui a pas été notifiée, cette circonstance, à la supposer établie, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée par laquelle le préfet de la Marne a statué sur sa demande de titre de séjour ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles " ; qu'en se bornant à soutenir que le préfet et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi disposaient de l'ensemble des documents nécessaires à l'instruction de sa demande, incluant un " contrat de travail régulier ", M. A...ne conteste pas utilement la décision par laquelle le préfet de la Marne a rejeté sa demande de titre de séjour au motif qu'il ne remplissait pas les conditions requises par les stipulations précitées, lesquelles prévoient notamment la présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que si M. A...fait état de sa présence en France depuis 2009, de son intégration dans la société française et de sa situation professionnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans enfant, serait dépourvu d'attaches familiales au Maroc, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite et en tout état de cause, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que M. A...ne justifie ni de considérations humanitaires, ni de motifs exceptionnels susceptibles de justifier l'octroi d'un titre de séjour ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que la décision attaquée n'a pas, par elle-même, pour effet de priver M. A...de son droit de se défendre dans le cadre de la procédure de divorce engagée par son épouse devant le tribunal de grande instance de Reims ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en application desquelles toute personne a droit à un procès équitable ;
8. Considérant, en dernier lieu, que si M. A...invoque une méconnaissance de l'article 12 de cette même convention, aux termes duquel " à partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit ", il n'apporte, à l'appui de ce moyen, aucune précision permettant d'en apprécier la portée et le bien fondé ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " et qu'aux termes de l'article 51 de ladite Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) " ; que lorsqu'il décide d'obliger un ressortissant d'un Etat tiers à quitter le territoire sur le fondement du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique toutefois pas, pour l'administration, d'organiser systématiquement, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents, qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;
11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M.A..., lequel se borne à soutenir que le préfet devait recueillir préalablement ses observations, aurait pu faire valoir d'autres éléments que ceux dont le préfet a tenu compte avant d'édicter une mesure d'éloignement à son encontre ; que, dès lors, et à supposer que le requérant ait entendu se prévaloir des dispositions précitées des articles 41 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le moyen tiré de ce que le préfet aurait omis de recueillir ses observations avant de l'obliger à quitter le territoire français doit être écarté ;
12. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 7 que les moyens tirés d'une méconnaissance des articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
13. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la mesure d'éloignement doit être écarté ;
14. Considérant, en second lieu, que si M. A...soutient qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations avant que le préfet ne fixe le Maroc comme pays de renvoi, il ne fait état d'aucune circonstance qui pourrait s'opposer à son retour dans ce pays dont il a la nationalité ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué du 14 mars 2013 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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13NC01323