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12/06/2014 | FRANCE | N°13NC00790

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 12 juin 2014, 13NC00790


Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2013, présentée pour la commune de Colmar, représentée par son maire, élisant domicile..., par Me Kern ;

La commune de Colmar demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102825 en date du 20 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par l'Etat, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, d'une demande tendant à voir fixer définitivement le montant de sa dette à la suite de l'ordonnance du 14 mars 2011 le condamnant à verser une provision de 495 775,28 euros, a d

écidé que l'Etat n'était redevable d'aucune somme à l'égard de la commune ...

Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2013, présentée pour la commune de Colmar, représentée par son maire, élisant domicile..., par Me Kern ;

La commune de Colmar demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102825 en date du 20 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par l'Etat, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, d'une demande tendant à voir fixer définitivement le montant de sa dette à la suite de l'ordonnance du 14 mars 2011 le condamnant à verser une provision de 495 775,28 euros, a décidé que l'Etat n'était redevable d'aucune somme à l'égard de la commune de Colmar ;

2°) de fixer la créance de l'Etat vis-à-vis de la commune de Colmar à la somme de 766 306,92 euros, augmentée des intérêts au taux légal capitalisés chaque année à compter de la première année ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a soulevé d'office et retenu le moyen tiré de l'article 86 de la loi du 28 décembre 2011, qui n'était pas applicable au litige dès lors que l'ordonnance du juge des référés du 14 mars 2011 était passée en force de chose jugée, c'est à dire n'était plus susceptible de faire l'objet d'une voie de recours ordinaire ; l'exercice d'un recours au fond conformément à l'article R. 541-4 du code de justice administrative ne peut faire échec au caractère de décision passée en force de chose jugée puisqu'il ne s'agit pas d'une voie de recours ordinaire mais d'une nouvelle procédure au fond ;

- l'existence de l'ordonnance de référé passée en force de chose jugée faisait obstacle à l'application de l'article 86 de la loi du 28 décembre 2011, comme il ressort de la jurisprudence du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l'homme ;

- la loi de validation votée le 28 décembre 2011 n'étant pas applicable, la ville de Colmar est fondée à se prévaloir de l'incompétence du pouvoir règlementaire à mettre à sa charge les dépenses résultant, postérieurement au 3 mai 2002, de l'exercice par les maires des missions d'encaissement des amendes résultant des contraventions réprimées par le code de la route et émises par les agents de la police municipale ; statuant par la voie de l'évocation, les premiers juges ayant soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public, ou saisie de l'ensemble des moyens de première instance, auxquels la commune se réfère, par l'effet dévolutif de l'appel, la cour devra statuer sur les mérites de la demande introduite par l'Etat ;

- la commune de Colmar a subi un préjudice s'élevant à la somme de 766 306,92 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la route ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 ;

Vu la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

Vu le décret n° 92-681 du 20 juillet 1992 ;

Vu l'arrêté interministériel du 29 juillet 1993 modifié pris pour l'application du décret n° 92-681 du 20 juillet 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2014 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Kern, avocat de la commune de Colmar ;

Vu, enregistrée le 26 mai 2014, la note en délibéré présentée pour la commune de Colmar ;

1. Considérant qu'en application de l'arrêté ministériel du 29 mars 2002 modifiant l'arrêté du 29 juillet 1993 et de la circulaire du ministre de l'intérieur du 3 mai 2002 relative à l'encaissement des amendes forfaitaires et des consignations émises par les agents de police municipale, le préfet du Bas-Rhin a institué une régie de recettes de l'Etat auprès de la police municipale de la commune de Colmar pour percevoir le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation et des consignations émises par les agents de la police municipale ; que les frais de fonctionnement de cette structure administrative ont été pris en charge par la commune de Colmar ; qu'invoquant l'illégalité de la circulaire du 3 mai 2002, la commune de Colmar a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande de provision d'un montant de 523 973,71 euros, à laquelle il a été partiellement fait droit, pour un montant de 495 775,28 euros, par une ordonnance du 14 mars 2011 ; que l'Etat, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, a introduit une demande tendant à ce qu'il soit statué définitivement sur le montant de sa dette à l'égard de la commune de Colmar ; que, par jugement du 20 février 2013, dont la commune de Colmar relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que l'Etat n'était redevable d'aucune somme ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; qu'aux termes de l'article R. 541-3 de ce code : " L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification " ; qu'aux termes de l'article R. 541-4 du même code : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 86 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : " I. - L'article L. 1611-2-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé : " Art. L. 1611-2-1. - Dans le cadre des missions confiées aux maires en tant qu'agents de l'Etat, les communes assurent : 1° La réception et la saisie des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports ainsi que la remise aux intéressés de ces titres ; 2° L'encaissement des amendes forfaitaires résultant des contraventions réprimées par le code de la route et établies par les agents de police municipale ". II. - Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les communes ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'incompétence du pouvoir réglementaire à mettre à leur charge les dépenses résultant, postérieurement au 3 mai 2002, de l'exercice par les maires des missions d'encaissement des amendes résultant des contraventions réprimées par le code de la route et émises par les agents de police municipale, d'un préjudice correspondant à ces dépenses. III. - En contrepartie de l'application du II, une dotation exceptionnelle est attribuée aux communes au titre de l'indemnisation des charges résultant pour elles, jusqu'au 31 décembre 2011, de l'application de la circulaire du ministre de l'intérieur du 3 mai 2002 relative à l'encaissement des amendes forfaitaires et des consignations émises par les agents de police municipale. Cette dotation, d'un montant de 0,5 € par amende encaissée dans la limite de 9,87 millions d'euros, est répartie entre les communes en fonction du nombre d'amendes qu'elles ont effectivement recouvrées entre 2008 et 2011. Si le nombre total d'amendes recouvrées ces quatre années est supérieur à 19,74 millions d'euros, la somme de 9,87 millions d'euros est répartie entre les communes proportionnellement au nombre d'amendes qu'elles ont recouvrées de 2008 à 2011. Les communes qui ont engagé un contentieux indemnitaire fondé sur l'illégalité de la circulaire du 3 mai 2002 précitée ne sont éligibles à cette dotation exceptionnelle qu'à la condition que cette instance soit close par une décision passée en force de chose jugée et excluant toute condamnation de l'Etat " ;

4. Considérant que si les ordonnances prises par le juge du référé administratif, qui n'ont qu'un caractère provisoire et ne s'imposent pas à la juridiction éventuellement saisie du litige au principal, ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée, elles n'en constituent pas moins des décisions juridictionnelles qui acquièrent force de chose jugée lorsqu'elles sont devenues définitives ;

5. Considérant, cependant, que l'article R. 541-4 précité du code de justice administrative a institué une voie de recours particulière dont dispose le débiteur condamné au paiement d'une provision et dont il peut faire usage dans le cas où le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun ; que le débiteur dispose ainsi d'une voie de droit lui permettant d'obtenir que le juge du fond statue tant sur le droit à indemnité que sur le montant de la dette ; qu'il en résulte que lorsque le débiteur condamné au paiement de la provision a formé le recours contentieux prévu à l'article R. 541-4 du code de justice administrative, l'ordonnance de référé-provision ne peut revêtir un caractère définitif avant qu'il ait été statué sur cette demande, alors même que ladite ordonnance n'aurait pas été frappée d'appel ;

6. Considérant qu'en l'espèce, si aucune des parties n'avait interjeté appel de l'ordonnance rendue le 14 mars 2011 par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, le recours introduit le 18 mai 2011 par l'Etat sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative était encore pendant devant le tribunal administratif lorsqu'est intervenue la loi du 28 décembre 2011, publiée au journal officiel du 29 décembre 2011 ; qu'ainsi, ladite ordonnance n'était pas passée en force de chose jugée à cette date ; que, par suite, la commune de Colmar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg, qui a régulièrement soulevé d'office le moyen d'ordre public tiré de l'opposabilité de la loi du 28 décembre 2011, a estimé qu'en l'absence de décision passée en force de chose jugée et la commune de Colmar se prévalant de la seule incompétence du pouvoir réglementaire, les dispositions précitées du II de l'article 86 de la loi du 28 décembre 2011 faisaient obstacle à ce qu'elle puisse obtenir l'indemnisation du préjudice subi du fait de la prise en charge des dépenses afférentes à l'encaissement des amendes résultant des contraventions au code de la route ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Colmar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, le paiement des frais de procédure exposés, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la ville de Colmar est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Colmar et au ministre de l'intérieur.

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13NC00790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00790
Date de la décision : 12/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Incidents - Non-lieu - Existence - Validation législative.

Procédure - Jugements - Chose jugée.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : KERN BRUNO AVOCATS SELAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-06-12;13nc00790 ?
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