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02/06/2014 | FRANCE | N°13NC01535

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juin 2014, 13NC01535


Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013 au greffe de la Cour sous le n° 13NC01535, complétée par un mémoire enregistré le 29 avril 2014, présentée pour la société Leader Price Sud France, dont le siège est situé au 2, route du Plessis, à Chennevières-sur-Marne (94432), par la SCP d'avocats Joseph Aguerra et associés ;

La société Leader Price Sud France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005940 du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de Mme D...B..., annulé la décision du 7 avril 2010 par laquelle

l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de celle-ci et la décision du 21...

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013 au greffe de la Cour sous le n° 13NC01535, complétée par un mémoire enregistré le 29 avril 2014, présentée pour la société Leader Price Sud France, dont le siège est situé au 2, route du Plessis, à Chennevières-sur-Marne (94432), par la SCP d'avocats Joseph Aguerra et associés ;

La société Leader Price Sud France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005940 du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de Mme D...B..., annulé la décision du 7 avril 2010 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de celle-ci et la décision du 21 octobre 2010 par laquelle le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a confirmé cette autorisation ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme B...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'insuffisante motivation de la décision ministérielle ne peut utilement être soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision d'autorisation prise par l'inspectrice du travail qu'elle confirme ; au surplus, le ministre n'était pas tenu de répondre à chaque moyen invoqué par Mme B...dans son recours hiérarchique ; la décision du 7 avril 2010 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de Mme B...est parfaitement motivée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-12 du code du travail ;

- le supermarché Leader Price de Forbach a cessé toute activité en raison des difficultés économiques rencontrées ; les neuf emplois de cette entreprise ont été supprimés ; la cessation définitive d'activité de ce supermarché était un motif économique autonome et justifiait à elle seule le licenciement de MmeB... ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal de grande instance de Créteil en date du 22 mai 2012, le motif économique s'apprécie au niveau de l'entreprise et non du groupe ; Mme B...s'est vu proposer, par courriers des 5 novembre et 4 décembre 2009, des offres de reclassement au sein des établissements du groupe Casino ; son reclassement externe a été encouragé ;

- Leader Price Holding n'était pas co-employeur de MmeB... ; il n'existait pas de lien de subordination entre Leader Price Holding et MmeB... ; Leader Price Sud France a une clientèle propre et disposait d'une autonomie de gestion ; Leader Price Holding n'assurait pas la direction opérationnelle et administrative de la SNC Leader Price Sud France ; elle n'a pas assumé le coût du licenciement ; Leader Price Sud France définissait librement la politique commerciale du supermarché qu'elle gérait ; la présence de dirigeants communs et l'existence de liens capitalistiques ne suffisent pas à établir une confusion de direction ;

- le juge judiciaire n'a jamais été saisi au motif qu'un plan de sauvegarde de l'emploi n'aurait pas été prévu alors même que le comité d'entreprise de l'unité économique et sociale s'est réuni les 9, 19 et 28 octobre 2009 ; Mme B...n'a pas davantage agi ; le moyen tiré de l'absence d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne peut être utilement soulevé à l'appui de conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié protégé ; au surplus, aucun plan de sauvegarde de l'emploi n'avait à être élaboré ; la SNS Leader Price Sud France comptait moins de 50 salariés et licenciait moins de 10 salariés ; Mme B...ne démontre pas que 46 salariés devaient être licenciés au sein de l'UES ;

- neuf salariés seulement étant licenciés, le comité d'entreprise n'avait pas à être consulté en application des dispositions de l'article L. 2325-35 du code du travail ; à supposer qu'une telle irrégularité ait été commise, Mme B...pourra obtenir des dommages et intérêts en application de l'article L. 1235-12 du code du travail ;

- une convention de reclassement personnalisé a été proposée à Mme B...lors de son entretien préalable au licenciement le 13 janvier 2010 ; en tout état de cause, son absence ne serait pas susceptible de remettre en cause le bien-fondé du licenciement de MmeB... ; seul le juge judiciaire pourrait octroyer au salarié lésé des dommages et intérêts ;

Vu le jugement les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2013, présenté pour Mme D... B..., par Me Blindauer, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour mettre à la charge de la société Leader Price Sud France la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- tant la décision du 7 avril 2010 de l'inspectrice du travail autorisant le licenciement de Mme B...que celle du ministre du travail du 21 octobre 2010 sont insuffisamment motivées en ce qu'elles ne précisent pas la réalité du motif économique ayant justifié le licenciement, qui devait être apprécié au niveau du groupe Casino ;

- il existe entre la société Leader Price Sud France et la société Leader Price Holding une confusion d'activités, d'intérêts et de direction de nature à conférer à cette dernière la qualité de co-employeur de Mme B...; la cessation d'activité de la société appelante ne pouvait constituer, à elle seule, une cause économique du licenciement ; la réalité du motif économique devait être vérifiée au niveau du " secteur économique " du groupe Casino, ou au moins de l'unité économique et sociale, et non seulement de la seule société appelante ; par jugement du 22 mai 2012, le tribunal de grande instance de Créteil, devenu définitif, a jugé en ce sens ;

- la consultation du comité d'entreprise de l'unité économique et sociale a été irrégulière, le recours à un expert-comptable ayant été refusé aux représentants du personnel en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2325-35 du code du travail ;

- le licenciement de Mme B...est nul dès lors qu'aucun plan de sauvegarde de l'emploi n'a été élaboré ; il appartient à l'autorité administrative de constater la carence d'une entreprise en ce domaine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2014 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour la société Leader Price Sud France ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2322-4 du code du travail : " Lorsqu'une unité économique et sociale regroupant cinquante salariés ou plus est reconnue par convention ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, la mise en place d'un comité d'entreprise commun est obligatoire. " ; qu'aux termes de l'article L. 2325-35 du même code : " Le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix : (...) 5° Lorsque la procédure de consultation pour licenciement économique de dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, prévue à l'article L. 1233-30, est mise en oeuvre. " ; que si les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation de consulter le comité d'entreprise s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur, il en va autrement lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale, la décision de licencier a été prise au niveau de cette unité ;

2. Considérant que la société Leader Price Sud France, dont MmeB..., déléguée du personnel, était salariée, fait partie d'une union économique et sociale " entre les magasins intégrés Leader Price ", créée par un accord signé le 3 décembre 2008 entre 101 sociétés et les organisations syndicales CGT et CFDT ; que l'article III de cet accord crée un comité d'entreprise dénommé " comité d'UES " ; que ledit comité a été consulté, le 9 octobre 2009, sur " le projet de fermeture de sept magasins Leader Price " dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il conduisait au licenciement de 46 salariés ; qu'il ressort du procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité de l'UES Leader Price du 9 octobre 2009 que MA..., son président, a refusé la nomination d'un expert-comptable sollicitée au motif que le projet de fermeture concernait sept magasins dont aucun n'employait plus de 10 salariés ; que le nombre de salariés licenciés devant être apprécié au niveau de l'unité économique et sociale, ont ainsi été méconnues les obligations résultant des dispositions précitées de l'article L. 2325-35 du code du travail qui garantissent les droits des représentants du personnel ; que cette circonstance a entaché d'irrégularité la procédure de concertation préalable à la demande d'autorisation de licenciement de Mme B...;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen d'annulation retenu surabondamment par le tribunal, que la société Leader Price Sud France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 7 avril 2010 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Mme B...et la décision du 21 octobre 2010 par laquelle le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a confirmé cette autorisation ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation. " ;

5. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Leader Price Sud France au titre des frais qu'elle a exposés au cours de la présente instance ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Leader Price Sud France à payer à Mme B...la somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés pour se défendre devant la Cour ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Leader Price Sud France est rejetée.

Article 2 : La société Leader Price Sud France versera à Mme B...la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Leader Price Sud France, au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social et à Mme D...B....

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13NC01535


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01535
Date de la décision : 02/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-02-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Procédure préalable à l'autorisation administrative. Consultation du comité d'entreprise.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : SCP JOSEPH AGUERA ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-06-02;13nc01535 ?
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