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02/06/2014 | FRANCE | N°12NC01479

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juin 2014, 12NC01479


Vu la requête, enregistrée le 27 août 2012, complétée par le mémoire ampliatif enregistré le 24 octobre 2012, présentés pour le docteur AlainB..., domicilié..., par Me Di Vizio, avocat ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000750 du 28 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2010 de la directrice de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Marne soumettant, en application de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, p

endant une période de cinq mois, ses prescriptions d'arrêt de travail à l'accor...

Vu la requête, enregistrée le 27 août 2012, complétée par le mémoire ampliatif enregistré le 24 octobre 2012, présentés pour le docteur AlainB..., domicilié..., par Me Di Vizio, avocat ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000750 du 28 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2010 de la directrice de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Marne soumettant, en application de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, pendant une période de cinq mois, ses prescriptions d'arrêt de travail à l'accord préalable du service de contrôle médical ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la CPAM de la Marne la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par la CPAM résultant de ce que l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale n'est pas conforme aux exigences du droit européen en matière de sanction et de ce que le simple fait que les observations produites ne permettent pas d'écarter les griefs retenus contre lui ne suffit pas à fonder la décision ;

- l'avis émis par la commission mentionnée à l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale doit être transmis au praticien ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige méconnaît l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, dès lors qu'elle résulte d'une comparaison purement statistique qui ne porte pas sur l'activité des médecins de la région ayant une activité comparable mais sur un seuil de référence régional non mentionné par ces dispositions ;

- la décision en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la comparaison opérée ne l'a pas été à partir de praticiens ayant des activités comparables mais à partir d'un référentiel régional ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la mise en demeure adressée le 22 février 2013 à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 26 mars 2013 fixant la clôture de l'instruction le 16 avril 2013 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2013, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne, représentée par sa directrice, par Me Fort, avocat ;

La CPAM de la Marne conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du Dr B... de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- la moyenne régionale utilisée pour comparer les arrêts de travail prescrits par le Dr B... est une donnée constatée pour les médecins ayant une activité comparable à celle du Dr B...et exerçant dans la même région ;

- la décision en litige, qui n'est pas une sanction, n'avait pas à être motivée ; en tout état de cause, elle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent ;

- la commission a bien été saisie pour avis ;

- la CPAM n'était pas tenue de communiquer au Dr B...l'avis émis par la commission des pénalités financières ;

- la mise sous accord préalable est une mesure administrative visant à permettre le contrôle et non pas une sanction ;

- les éléments avancés par le Dr B...ne permettent pas d'expliquer l'importance de l'écart entre le nombre d'arrêts de travail qu'il prescrits et les arrêts prescrits par les médecins de la région ayant une activité comparable ;

- la base de comparaison retenue est conforme aux dispositions de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale et porte bien sur des activités comparables ;

Vu les ordonnances en date des 13 mai et 7 juin 2013 rouvrant l'instruction et fixant une nouvelle date de clôture le 21 juin 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 2013, présenté pour le DrB..., qui demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale aux droits et libertés garantis par la Constitution ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 2013, présenté pour le DrB..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête ;

Il soutient que :

- la mesure prise en application de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, décision unilatérale prise par une autorité administrative agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique infligeant une peine à l'auteur d'un manquement aux lois et règlements, constitue une sanction ;

- en l'absence de toute précision sur les éléments méthodologiques utilisés pour calculer le référentiel régional, il est impossible de comparer son activité à celle des autres médecins ; par suite, la nécessité de la sanction prise à son encontre n'est pas établie ;

- la sanction prise à son encontre méconnaît l'article 10 de la loi du 6 janvier 1978 ;

Vu l'ordonnance en date du 20 juin 2013 rouvrant l'instruction ;

Vu l'ordonnance en date du 26 juillet 2013 par laquelle le président de la quatrième chambre de la Cour administrative d'appel de Nancy a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale avec les droits et libertés garantis par la constitution ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 septembre 2013, présenté pour la CPAM de la Marne, qui conclut aux mêmes fins que son mémoire en défense par les mêmes moyens ;

Vu le courrier en date du 5 septembre 2013 informant les parties que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 septembre 2013, présenté pour le DrB... ;

Le Dr B...fait valoir qu'il existe en appel seulement deux causes juridiques, l'une relative à la régularité du jugement, l'autre à son bien fondé ; dès lors qu'il a soulevé dans son mémoire introductif des moyens relevant de ces deux causes, il était ensuite recevable à invoquer tout autre moyen supplémentaire relative à l'une ou l'autre de ces causes ;

Vu la décision du 28 novembre 2013 par laquelle le Conseil d'Etat a rejeté la requête du Dr B...tendant au renvoi pour cause de suspicion légitime de la Cour administrative d'appel de Nancy le jugement de l'affaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2014 :

- le rapport de M. Laubriat, rapporteur,

- les conclusions de M. Wiernaz, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " : " I. - Le directeur de l'organisme local d'assurance maladie peut décider, après que le médecin a été mis en mesure de présenter ses observations et après avis de la commission prévue à l'article L. 162-1-14, à laquelle participent des professionnels de santé, de subordonner à l'accord préalable du service du contrôle médical, pour une durée ne pouvant excéder six mois, la couverture d'actes, produits ou prestations figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17 et L. 165-1 ainsi que des frais de transport ou le versement des indemnités journalières mentionnés aux 2° et 5° de l'article L. 321-1 et aux 1° et 2° de l'article L. 431-1 du présent code ainsi qu'aux 1° et 2° de l'article L. 752-3 du code rural, en cas de constatation par ce service : (...) 2° Ou d'un nombre ou d'une durée d'arrêts de travail prescrits par le médecin et donnant lieu au versement d'indemnités journalières ou d'un nombre de tels arrêts de travail rapporté au nombre de consultations effectuées significativement supérieurs aux données moyennes constatées, pour une activité comparable, pour les médecins exerçant dans le ressort de la même agence régionale de santé ou dans le ressort du même organisme local d'assurance maladie. " ; qu'aux termes de l'article R. 162-1-9 du même code : " Le médecin transmet ses observations dans le délai d'un mois à compter de la notification par la caisse de ce qu'elle est susceptible de lui appliquer le régime d'accord préalable mentionné à l'article L. 162-1-15. Le médecin est entendu à sa demande par la commission à laquelle participent les professionnels de santé prévue par l'article L. 162-1-14. " ;

2. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Marne, ayant constaté que le DrB..., médecin omnipraticien exerçant à Vitry-le-François, avait prescrit, entre le 1er janvier 2009 et le 30 juin 2009, un total de 6 371 journées d'arrêt de travail indemnisées par l'assurance maladie au titre des indemnités journalières alors que, sur la même période, la moyenne régionale se situe à hauteur de 1 542 journées par médecin, a décidé de déclencher la procédure prévue par les dispositions précitées des articles L. 162-1-15 et R. 162-1-9 du code de la sécurité sociale ; que le Dr B...demande l'annulation du jugement du 28 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2010 de la directrice de la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne soumettant pendant une période de cinq mois ses prescriptions d'arrêt de travail à l'accord préalable du service de contrôle médical ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que le Dr B...soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la directrice de la CPAM de la Marne en mettant en oeuvre la procédure prévue aux articles L. 162-1-15 et R. 162-1-9 du code de la sécurité sociale qui est contraire à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) équitablement (...) par un tribunal qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " ;

5. Considérant que la décision en litige, qui subordonne le versement des indemnités journalières liées aux arrêts de travail prescrits par le Dr B...à l'accord préalable du service du contrôle médical, ne constitue, ni une contestation de ses droits et obligations de caractère civil, ni une accusation en matière pénale au sens de ces stipulations ; que, dans ces conditions, le Dr B...n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise à l'issue d'une procédure contraire à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel est inopérant ;

Sur la légalité de la décision du 25 mars 2010 :

En ce qui concerne la légalité externe :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) imposent des sujétions " ;

7. Considérant que la décision en litige, après avoir visé l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, indique, d'une part, que durant la période du 1er janvier 2009 au 30 juin 2009, le Dr B...a prescrit 6 371 journées d'arrêt de travail donnant lieu à indemnités journalières alors que la moyenne régionale se situe à hauteur de 1 542 journées, d'autre part, que les observations produites par le Dr B...devant la commission n'ont pas été de nature à remettre en cause l'écart constaté ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent et est par suite suffisamment motivée ;

8. Considérant en second lieu qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis émis, que la commission prévue à l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale s'est réunie le 25 mars 2010 pour évoquer le cas du Dr B... ; que contrairement à ce que soutient ce dernier, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose la communication à l'intéressé de l'avis émis par cette commission, lorsqu'elle est consultée en application de l'article L. 162-1-15 du même code ; qu'ainsi le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

9. Considérant que le Dr B...n'a invoqué, dans le délai d'appel, outre un moyen de régularité du jugement, que des moyens de légalité externe à l'appui de sa contestation de la décision du 25 mars 2010 ; qu'il n'a soulevé des moyens de légalité interne tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, de l'absence de nécessité de la sanction, de la méconnaissance de l'article 10 de la loi susvisée du 6 janvier 1978 et de l'erreur manifeste d'appréciation que dans des mémoires enregistrés les 24 octobre 2012 et 17 juin 2013, soit après l'expiration du délai d'appel ; que ces moyens qui sont fondés sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposent les moyens invoqués dans le délai d'appel, ne peuvent être accueillis ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CPAM de la Marne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le Dr. B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du Dr B...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CPAM de la Marne et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du Dr B...est rejetée.

Article 2 : Le Dr B...est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne.

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N° 12NC01479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01479
Date de la décision : 02/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-01-04 Professions, charges et offices. Conditions d'exercice des professions. Médecins. Relations avec la sécurité sociale (voir : Sécurité sociale).


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : DI VIZIO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-06-02;12nc01479 ?
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