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24/04/2014 | FRANCE | N°13NC00976

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 24 avril 2014, 13NC00976


Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2013, présentée pour M. G...E...et Mme B...D..., agissant au nom de leur fils mineur A...E..., demeurant..., par MeF... ;

M. E...et Mme D...demandent à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300847 en date du 29 avril 2013 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 9 janvier 2013 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer un document de circulation pour étranger mineur à leur fils A...E...et leur

a infligé une amende de 100 euros en application de l'article R. 741-12 du ...

Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2013, présentée pour M. G...E...et Mme B...D..., agissant au nom de leur fils mineur A...E..., demeurant..., par MeF... ;

M. E...et Mme D...demandent à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300847 en date du 29 avril 2013 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 9 janvier 2013 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer un document de circulation pour étranger mineur à leur fils A...E...et leur a infligé une amende de 100 euros en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la décision en date du 9 janvier 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de leur délivrer un document de circulation pour étranger mineur au nom et pour le compte de leur filsA... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 794 euros à verser à leur conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le premier juge a rejeté leur demande par voie d'ordonnance en considérant que leurs moyens n'étaient pas assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ; leur recours était accompagné de l'ensemble des éléments de droit et de fait permettant d'appréhender la situation ;

- l'enfant A...doit être considéré comme de nationalité arménienne, puisque né d'un père arménien ; le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le formulaire Cerfa n'imposent pas la production d'un document justifiant de manière certaine de la nationalité du mineur ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne délivrant pas à leur fils un document de circulation pour étranger mineur et n'a pas tenu compte de son intérêt supérieur protégé par l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il n'y a pas eu de procédure abusive et c'est à tort que le premier juge les a condamnés au versement d'une amende de 100€ ;

Vu l'ordonnance et la décision attaquées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2013, présenté par le préfet du Bas-Rhin ;

Il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'article D. 321-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la production d'un document relatif à la nationalité du mineur ; ce document n'a pas été produit ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ni méconnu l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 8 janvier 2014, présenté pour M. G...E...et MmeD..., et le mémoire enregistré le 27 mars 2014, tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Ils soutiennent, en outre, que :

- la production d'un document justifiant de manière certaine de la nationalité du mineur n'est pas, notamment au regard de l'article D. 312-18 du code, un élément essentiel permettant de rejeter leur demande ; le législateur n'a pas entendu subordonner la délivrance de ce titre à la production d'une preuve de nationalité ;

- leur fils a la nationalité arménienne car il est né d'un père arménien et d'une mère née en Arménie ;

- leur fils est traité de manière discriminatoire par rapport aux enfants d'autres familles issues de couples azéris- arméniens ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 février 2014, produit par le préfet du Bas-Rhin, tendant au rejet de la requête par les mêmes moyens ;

Il fait valoir en outre que le cas de MmeD..., qui a sollicité en vain le statut d'apatride, présente une difficulté particulière pour l'identification de sa nationalité ; qu'elle a demandé un jugement déclaratif de naissance au tribunal de grande instance de Strasbourg qui n'a pas encore statué ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle en date du 27 janvier 2014 admettant M. E...et Mme D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et désignant Me F... pour les représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2014 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public ;

1. Considérant que M. E...et Mme D...sont entrés irrégulièrement en France le 4 mars 2008 selon leur déclaration, avec leurs deux enfants A...et Edgar, en vue d'y solliciter l'asile ; que leur demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 juin 2008, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 3 septembre 2009 ; que, toutefois, M. E... a obtenu en mars 2012 une carte de séjour temporaire régulièrement renouvelée et Mme D... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; que le 12 décembre 2012, ils ont demandé la délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur au nom et pour le compte de leur filsA..., né le 14 mars 1996 au Tadjikistan ; que, par la décision litigieuse du 9 janvier 2013, le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer le titre sollicité ; que, par une ordonnance du 29 avril 2013, dont M. E...et Mme D... relèvent appel, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux administratifs (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou qui ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé " ;

3. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le président de la première chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. E... et Mme D... sur le fondement de ces dispositions en estimant que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation des faits commise par le préfet n'était manifestement pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé dès lors que les requérants ne " démontraient aucunement " cette erreur d'appréciation ; que, toutefois, les requérants, en produisant différents documents visant à attester de leur nationalité et celle de leur enfant et en invoquant les circonstances les ayant empêchés de fournir le document demandé, avaient assorti ce moyen de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il s'ensuit que le président de la première chambre du tribunal administratif ne pouvait rejeter la demande de M. E...et de Mme D... par ordonnance fondée sur les dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que, par suite, l'ordonnance attaquée doit, pour ce motif, être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E...et Mme D...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la légalité de la décision du 9 janvier 2013 :

5. Considérant, en premier lieu, que M. Jean-François Couret, secrétaire général adjoint de la préfecture du Bas-Rhin, a reçu, par arrêté préfectoral du 19 novembre 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Bas-Rhin, délégation de signature aux fins de prendre les mesures de la nature de celle contenue dans la décision attaquée, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Christian Riguet, secrétaire général de la préfecture ; qu'en conséquence, et dès lors qu'il n'est pas établi que M. C...n'aurait pas été absent ou empêché à la date du 9 janvier 2013, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte litigieux ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des conventions internationales, les étrangers mineurs de dix-huit ans dont au moins l'un des parents appartient aux catégories mentionnées à l'article L. 313-11, au 1° de l'article L. 314-9, aux 8° et 9° de l'article L. 314-11, à l'article L. 315-1 ou qui relèvent, en dehors de la condition de majorité, des prévisions des 2° et 2° bis de l'article L. 313-11, ainsi que les mineurs entrés en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois reçoivent, sur leur demande, un document de circulation qui est délivré dans des conditions fixées par voie réglementaire " ; qu'aux termes de l'article D. 321-18 du même code : " Le demandeur présente : 1° Un document établissant son identité et sa nationalité et un document justifiant de la régularité de son séjour ; 2° Les documents attestant qu'il exerce l'autorité parentale sur le mineur pour lequel la demande est souscrite ou qu'il détient un mandat de la personne titulaire de cette autorité ; 3° Les documents relatifs à l'identité, la nationalité et la filiation du mineur et justifiant que ce dernier appartient à l'une des catégories mentionnées à l'article D. 321-16. " ; que par la décision litigieuse, le préfet du Bas-Rhin a rejeté la demande de document de circulation formée au nom d'A... E...au motif que ses parents ne fournissaient aucun document propre à établir sa nationalité ;

7. Considérant, d'une part, que le préfet était fondé, au regard des dispositions précitées, à demander la production d'un document justifiant la nationalité du mineur pour lequel un document de circulation était demandé ; que si le formulaire Cerfa n°11203*02 ne fait pas figurer un tel document dans la liste des pièces dont doit être accompagnée la demande, hormis dans le cas d'un " mineur entré en France sous couvert d'un visa de long séjour hors regroupement familial " qui doit produire son passeport, ce formulaire précise que la liste de documents figurant en annexe n'est pas exhaustive ; qu'il est constant que M. E... et Mme D...n'avaient pas joint à leur demande de document justifiant de la nationalité de leur filsA... ;

8. Considérant, d'autre part, que si les requérants expliquent que leur filsA..., né au Tadjikistan d'un père arménien et d'une mère née en Arménie mais d'origine azérie, doit être considéré de nationalité arménienne même s'ils n'ont pu obtenir pour lui de document des autorités arméniennes, ils ne justifient d'aucune diligence auprès de ces autorités antérieurement à la décision litigieuse ; que, dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas démontré que l'absence de document de circulation comporte pour le jeune A...de conséquences d'une extrême gravité, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant le titre sollicité au motif de l'absence de document justifiant de la nationalité du mineur ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que d'autres familles dans une situation analogue aient pu obtenir les titres sollicités ne démontre pas que les requérants auraient fait l'objet d'une mesure discriminatoire ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

11. Considérant que si le document de circulation pour étranger mineur a pour objet et pour effet, en vertu de l'article L. 212-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de permettre à son titulaire de circuler hors de France et d'être réadmis sur le territoire français sans avoir à produire un visa, de tels voyages à l'étranger supposent toutefois la production d'un document de voyage, dont A...E..., qui réside en France avec l'ensemble de sa famille, n'est pas titulaire ; que, par suite, le refus de délivrance d'un tel document de circulation ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande d'annulation présentée par M. E...et Mme D...devant le tribunal administratif de Strasbourg doit être rejetée ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions accessoires à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n°1300847 du président de la première chambre du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. E...et Mme D...devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...E..., à Mme B...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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13NC00976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00976
Date de la décision : 24/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : MACE-RITT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-04-24;13nc00976 ?
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