Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 février 2013, complétée par des mémoires des 13 septembre 2013, 30 septembre 2013 et 4 février 2014, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., et la MAIF, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, représentée par son directeur, élisant domicile ...à Niort (79060), par Me Lorach ;
M. et Mme A...et la MAIF demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101633 en date du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à la condamnation du service d'incendie et de secours (SDIS) du Jura à verser, d'une part, à M. et Mme A...la somme totale de 852 303,16 euros, d'autre part, à la MAIF la somme de 471 188,61 euros, en réparation des préjudices résultant des fautes commises par le SDIS à l'occasion de l'incendie du domicile de M. et Mme A... ;
2°) de condamner le SDIS du Doubs à verser la somme de 847 303,16 euros à M. et Mme A...au titre de l'indemnisation des dommages mobiliers et immobiliers et des préjudices annexes et la somme de 5 000 euros en réparation des troubles de jouissance, lesdites sommes portant intérêt à compter de la date de saisine du tribunal administratif ;
3°) de condamner le SDIS du Doubs à verser la somme de 568 238,30 euros à la MAIF, subrogée dans les droits de M. et MmeA... ;
4°) de mettre à la charge du SDIS du Doubs une somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme A...et une somme de 2 000 euros à verser à la MAIF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- le SDIS est responsable des dommages causés à leur habitation, faute d'avoir pris les mesures utiles à l'occasion du sinistre dont ils ont été victimes ; le SDIS a commis une faute en n'exécutant pas les ordres donnés par le lieutenant Probst en ce qui concerne l'enlèvement des deux poutres P1 et P2, en ne dégarnissant pas complètement le tour de la cheminée, en blanchissant seulement le moignon des poutres, en quittant les lieux alors que les données du thermomètre laser n'ont qu'une fiabilité relative ; la liaison entre le 1er et le 2ème sinistre n'est pas ambiguë ; le SDIS n'a pas mis en place les mesures de surveillance appropriées ;
- le préjudice a été estimé par un sapiteur à l'occasion de l'expertise judiciaire diligentée ; il est suffisamment établi par les pièces produites ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2013, complété par un mémoire du 4 février 2014, présenté pour le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Doubs, représenté par le président du conseil d'administration, par Me C...;
Le SDIS du Doubs demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) subsidiairement, d'ordonner une nouvelle expertise pour déterminer la valeur vénale des biens ;
3°) de mettre à la charge des requérants les entiers dépens y compris les frais d'expertise et une somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le lien de causalité entre les deux incendies n'est pas établi ;
- le SDIS n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;
- les époux A...ont commis des fautes dans la survenance du sinistre : non-conformité d'aménagements réalisés par eux, absence de coopération des époux A...lors de la première intervention alors qu'ils connaissaient le mode constructif de leur maison ;
- les préjudices allégués ne sont pas démontrés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2014 :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me Lorach, avocat des époux A...et de la MAIF, ainsi que celles de Me Demisy, avocat du SDIS du Doubs ;
Sur la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours du Doubs :
1. Considérant que M. et Mme A...sont propriétaires d'une ancienne ferme sise à Passavant (Doubs) au lieu-dit " Buez Dessus " ; que, le 9 avril 2010, vers 13 h, M. A...a constaté dans la cuisine de l'habitation un départ d'incendie qu'il a maîtrisé et éteint comme l'ont constaté les pompiers arrivés sur les lieux à 14 h ; qu'après avoir dégarni et déblayé les éléments situés autour de la cheminée traditionnelle, ou " tuyé ", d'où l'incendie était parti, ils ont procédé à des relevés de température sur toutes les faces du " tuyé " et considéré qu'ils pouvaient quitter les lieux ; que le 10 avril, vers 2 h 10 du matin, un incendie a embrasé l'intégralité de la maison sans que les pompiers, arrivés sur place trente minutes plus tard, ne puissent éviter sa destruction ; que le tribunal administratif de Besançon a, sur demande des requérants, désigné un expert aux fins de déterminer les causes des sinistres et de décrire les dommages et les actions menées par les services de lutte contre l'incendie pour permettre au tribunal d'apprécier les responsabilités éventuelles ; que l'expert a déposé son rapport le 28 mars 2011 ; que M. et Mme A...et leur compagnie d'assurance, la MAIF, font appel du jugement du 5 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande en indemnisation ;
2. Considérant que le rapport d'expertise, qui prend acte de la difficulté de faire des constatations matérielles du fait de la destruction complète du bâtiment et s'appuie sur les dires des parties et notamment les hypothèses émises par M.A..., conclut, en réponse aux questions posées par la mission, d'une part, que " l'incendie du 9 avril est dû à un piège à chaleur créé par une épaisse couche de laine de verre posée sur le plancher du " tuyé " associée à une plaque anti-feu. Ce piège à chaleur a créé un feu couvant dans les bois environnants puis un incendie aux dégâts limités ", d'autre part, que " l'incendie du 10 avril est dû à la reprise d'un autre feu couvant situé dans l'espace compris entre le mur de pierre sur lequel reposait la poutre P1 et la planche Pa du 1er étage " ; que l'expert note que " ce feu couvant n'a pas été détecté par les sapeurs-pompiers équipés d'un thermomètre laser et non d'un détecteur infra-rouge qui aurait sans doute été plus efficace. Des précautions avaient été prises en découpant une partie de la poutre P2 mais le feu couvait à l'extrémité difficile d'accès de la poutre P1 " ; que la seule circonstance que le second feu, alors même qu'il a embrasé une partie différente du bâtiment, est très vraisemblablement une reprise du premier ne suffit pas à démontrer une faute des services d'incendie et de secours appelés le 9 avril pour sécuriser ce premier foyer déjà éteint par M.A... ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des dires recueillis lors de l'expertise que lors de la première intervention le 9 avril 2010 à 14h02, sur un " feu de cuisine circonscrit ", le lieutenant Probst a donné l'ordre au chef d'agrès de " dégarnir complètement le tour de la cheminée et de blanchir au moyen des hachettes toutes les poutres et de découper avec la tronçonneuse les poutres brûlées " ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ce n'est pas en méconnaissance d'un ordre exprès que les pompiers auraient omis de retirer la poutre P1 dans son intégralité ; que les requérants ne peuvent utilement reprocher au service départemental d'incendie et de secours d'avoir utilisé un thermomètre laser, au lieu et place d'un détecteur infra-rouge, pour effectuer plusieurs relevés de température des éléments au contact du plafond de la cuisine, dès lors qu'il n'est même pas établi qu'un tel détecteur aurait mieux permis de déceler un feu couvant caché ; que, lors de l'intervention du 9 avril, qui a duré deux heures, ni le SDIS ni M.A..., qui connaissait particulièrement bien son habitation pour l'avoir aménagée lui-même, n'ont détecté d'anomalie quelconque permettant de supposer que le feu couvait à l'extrémité difficile d'accès de la poutre P1 ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le SDIS aurait commis une faute de service en ne détectant pas un feu couvant situé dans l'espace compris entre le mur de pierre sur lequel reposait la poutre P1 et la planche Pa du 1er étage et en ne prenant pas les mesures nécessaires pour le prévenir ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mise en place, par le service départemental d'incendie et de secours du Doubs, de rondes de surveillance après le premier sinistre était nécessaire, dès lors que le premier incendie, d'ampleur limitée, avait été circonscrit et que des opérations de sécurisation avaient été effectuées par le service resté sur place deux heures après l'extinction totale du feu ; qu'en outre, M. et MmeA..., demeurés dans leur maison après le premier sinistre, étaient à même de surveiller, comme ils l'ont d'ailleurs fait jusqu'à minuit et demi, une éventuelle reprise ; que, par suite, le service départemental d'incendie et de secours du Doubs n'a pas plus commis de faute sur ce point ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...et la MAIF ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande ;
Sur les dépens :
10. Considérant qu'il y a lieu, en application des articles R. 621-13 et R. 761-1 du code de justice administrative, de laisser les dépens, y compris les frais d'expertise en référé, à la charge des requérants, partie perdante ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative susvisées font obstacle à ce que le service départemental d'incendie et de secours du Doubs qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. et Mme A...et à la MAIF la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner solidairement M. et Mme A...et la MAIF à verser au service départemental d'incendie et de secours du Doubs une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A...et de la MAIF est rejetée.
Article 2 : M. et Mme A...et la MAIF verseront solidairement au service départemental d'incendie et de secours du Doubs une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A..., à la MAIF et au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Doubs.
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