Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 janvier 2013, complétée par un mémoire enregistré le 25 novembre 2013, présentée pour la SAS Lorraine Autos dont le siège est 95 Faubourg du Ménil à Lunéville (54300), par Me Brancaleoni, avocat au barreau de Nancy ;
La SAS Lorraine Autos demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100757 en date du 6 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la restitution, au titre du mois de janvier 2010, d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 169 710 euros ;
2°) d'ordonner que lui soit remboursée la somme de 169 710 euros ou, à titre subsidiaire la somme de 146 744 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que le II de l'article 297 A du code général des impôts, en tant qu'il interdit la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée, opère une transposition incorrecte de l'article 318 de la directive 2006/112/CE du Conseil, qui prévoit que le mode de calcul global de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ne doit pas conduire le redevable à subir un préjudice injustifié ;
- que cet article doit être écarté dès lors que la société ne peut imputer la taxe sur la valeur ajoutée indûment payée sur les achats de la période ultérieure en raison de la cessation de son activité ; qu'elle est en droit, dès lors, obtenir le remboursement de cette taxe sur la valeur ajoutée ;
- subsidiairement, que la société peut demander l'application à titre rétroactif du calcul, opération par opération, de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, ce qui lui permettrait d'obtenir le remboursement de 146 744 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ;
Le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que la société ne démontre pas avoir subi un préjudice injustifié ; qu'elle n'a pas cessé totalement son activité et aurait pu imputer la différence de stocks sur les achats qu'elle a effectués en 2010 ; qu'elle aurait pu opter pour le régime de calcul opération par opération ; que si l'article 297 A ne prévoyait pas une correction des livraisons et des achats par les stocks, il en résulterait une distorsion avec les redevables qui calculent la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge opération par opération ;
- que son choix du calcul global constitue une décision de gestion sur laquelle la société ne peut revenir ;
Vu la lettre du 12 novembre 2013 par laquelle les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience du 12 décembre 2013 et que l'instruction pourrait être close à partir du 29 novembre 2013 sans information préalable ;
Vu l'avis d'audience portant clôture de l'instruction immédiate pris le 22 novembre 2013 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2013 :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,
- et les observations de Me Brancaleoni, avocat de la SAS Lorraine Autos ;
1. Considérant, que, d'une part, aux termes de l'article 318 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, reprenant le dispositif de la directive 94/5/CE du 14 février 1994 : " 1. Afin de simplifier la perception de la taxe (...) les Etats membres peuvent prévoir (...) que la base d'imposition des livraisons de biens soumises au régime de la marge bénéficiaire est déterminé pour chaque période imposable au titre de laquelle l'assujetti-revendeur doit déposer la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée visée à l'article 250 (...) / 3. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires en vue d'assurer que les assujettis visés au paragraphe 1 ne bénéficient pas d'avantages injustifiés ou ne subissent pas de préjudices injustifiés " ; que, d'autre part, aux termes de l'article 297 A du code général des impôts, issu de l'article 16 de la loi du 29 décembre 1994 visant à transposer en droit interne le dispositif communautaire : I. 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) / ; II. La base d'imposition définie au I peut être déterminée globalement, pour chacune des périodes couvertes par les déclarations mentionnées à l'article 287, par la différence entre le montant total des livraisons et le montant total des achats de biens d'occasion, (...) effectués au cours de chacune des périodes considérées. / Si au cours d'une période le montant des achats excède celui des livraisons, l'excédent est ajouté aux achats de la période suivante. / Les assujettis revendeurs qui se placent sous ce régime procèdent à une régularisation annuelle en ajoutant la différence entre le stock au 31 décembre et le stock au 1er janvier de la même année aux achats de la première période suivante, telle que définie à l'alinéa précédent, si cette différence est négative, ou en la retranchant si elle est positive. / Cette modalité de calcul de la base d'imposition ne fait naître, au profit des assujettis revendeurs, aucun droit à restitution de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de ces opérations (...). " ;
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SAS Lorraine Autos, qui avait pour activité le négoce de véhicules automobiles neufs et d'occasion, déterminait la base d'imposition de ses opérations relevant de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge de manière globale, conformément aux dispositions du II de l'article 297 A du code général des impôts ; que la société, qui exploitait plusieurs concessions automobiles, a cédé la totalité de ses fonds de commerce au cours du mois d'avril 2009, tout en conservant les véhicules d'occasion qu'elle avait en stocks et dont elle a poursuivi la commercialisation jusqu'à la fin de l'année 2009 en continuant d'appliquer le mode de calcul global prévu par le II de l'article 297 A ; qu' ainsi, à compter du mois d'avril 2009, la société a déterminé les bases de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux véhicules d'occasion à partir du seul montant de ses livraisons, sans possibilité de déduction, dès lors qu'elle n'a procédé à aucun achat au cours de cette période ; qu'en conséquence la société disposait, par l'effet de la régularisation annuelle prévue par le II précité de l'article 297 A du code, du droit d'ajouter à ses éventuels achats de véhicules d'occasion effectués à compter du 1er janvier 2010 la différence négative constatée entre ses stocks de véhicules d'occasion au 31 décembre 2009 et ses stocks au 1er janvier 2009 ; que, toutefois, faute d'activité, en l'absence d'achats et de ventes de véhicules d'occasion à partir du 1e janvier 2010, la société Lorraine Autos, qui fait valoir qu'elle n'a pas été en mesure de procéder à cette régularisation, a présenté à l'administration une demande de remboursement, qui doit être regardée comme tendant à la restitution du montant de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la régularisation annuelle prévue par le code général des impôts ; que l'administration a rejeté cette demande au motif que l'article 297 A du code général des impôts prévoit que le mode de calcul global de la base d'imposition ne fait naître aucun droit à restitution de taxe sur la valeur ajoutée ;
3. Considérant, en premier lieu, que si, dans les circonstances sus évoquées, la société Lorraine Autos, qui n'a pas été en mesure de bénéficier immédiatement de la régularisation annuelle prévue par le II de l'article 297 A du code général des impôts, soutient qu'elle a subi un préjudice injustifié, au sens de l'article 318 de la directive 2006/112/CE, par rapport à la situation d'un redevable qui aurait calculé la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge opération par opération, conformément au I de l'article 297 A, il résulte de l'instruction que la société requérante n'avait pas déclaré sa cessation d'activité à la fin de l'année 2009, ni en conséquence perdu au 31 janvier 2010 la qualité d'assujettie à la TVA ; que, dans ces conditions, la société Lorraine Autos, qui n'a pas perdu le droit d'ajouter à de nouveaux achats de véhicules d'occasion la différence négative constatée entre ses stocks de véhicules d'occasion au 31 décembre 2009 et ses stocks au 1er janvier 2009, ne peut, en tout état de cause, être regardée comme ayant subi au 31 janvier 2010 un préjudice injustifié au sens du 3 de l'article 318 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à demander la restitution à cette date de l'excédent de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle estime avoir supporté en raison de l'impossibilité pour elle de procéder à la régularisation annuelle prévue par le II précité de l'article 297 A du code général des impôts ;
4. Considérant, en second lieu, que si la société Lorraine Autos demande, à titre subsidiaire, l'application rétroactive, à compter de la date de cession de ses fonds de commerce intervenue au mois d'avril 2009, de la méthode dite " au coup par coup " prévue par le 1° du I de l'article 297 A du code général des impôts, elle ne peut, en tout état de cause, compte tenu de la nécessité de tenir compte des régularisations annuelles éventuellement pratiquées, prétendre à une telle reconstitution au titre d'une période non entièrement couverte par une année civile ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Lorraine Autos n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la société Lorraine Autos la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Lorraine Autos est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Lorraine Autos et au ministre de l'économie et des finances.
''
''
''
''
2
13NC00012