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13/02/2014 | FRANCE | N°13NC01428

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 13 février 2014, 13NC01428


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour la commune de Yutz, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité, élisant domicile..., par MeA... ;

La commune de Yutz demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101341 en date du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté interministériel du 13 décembre 2010 en tant qu'il refuse de reconnaitre l'état de catastrophe naturelle sur son territoire pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2009 ;



2°) d'annuler la décision attaquée ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de prendre, dans...

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour la commune de Yutz, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité, élisant domicile..., par MeA... ;

La commune de Yutz demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101341 en date du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté interministériel du 13 décembre 2010 en tant qu'il refuse de reconnaitre l'état de catastrophe naturelle sur son territoire pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2009 ;

2°) d'annuler la décision attaquée ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de prendre, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur son territoire pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2009, sous astreinte de 500 € par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens, y compris le remboursement du timbre de 35 euros réglé au titre de la contribution à l'aide juridique ;

Elle soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 125-1 du code des assurances ; la notification de la décision contestée ne comportait pas l'avis de la commission interministérielle qui fonde la décision ;

- la commission interministérielle a commis une erreur de droit en fixant un seuil de 10% du territoire touché par l'intensité anormale de l'agent naturel, alors que les articles L. 125-1 et suivants du code des assurances ne prévoient aucun seuil relatif à la proportion du territoire communal concerné par la catastrophe naturelle ;

- l'Etat a commis une erreur d'appréciation ; les dossiers de réclamation attestent de l'ampleur des dommages et des dommages similaires ont été constatés dans d'autres communes du département qui n'ont pas non plus obtenu la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ;

- les critères mis en oeuvre, fondés sur le maillage SIM et des données historiques sont contestables ; l'objectif était de préserver les finances publiques ; dans son cas la lettre du préfet ne fait pas mention des critères 2009 effectivement appliqués mais des critères antérieurs ;

Vu le jugement attaqué et l'arrêté litigieux ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2013, présenté pour le ministre de l'intérieur, par MeB... ;

Il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Yutz une somme de 3 000€ au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute de soulever des moyens d'appel ;

- le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

- le moyen tiré d'une erreur de droit doit être écarté, le critère spatial de 10% est un critère en adéquation avec les objectifs déterminés par le législateur ;

- l'Etat n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Martin, avocat de la commune de Yutz ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir opposée à la requête ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances : " (...) Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation (...) " ;

2. Considérant que, par l'arrêté litigieux du 13 décembre 2010 " portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ", les ministres chargés de l'intérieur, des assurances et du budget ont constaté l'état de catastrophe naturelle dans certaines communes et rejeté les demandes d'autres communes, dont celle de Yutz, tendant à ce que cet état soit reconnu sur leur territoire ; que cet arrêté a été notifié à la commune de Yutz par un courrier du préfet de la Moselle en date du 14 janvier 2011 qui se référait à l'article L. 125-1 du code des assurances et indiquait que sa demande était rejetée dès lors que " l'intensité anormale de l'agent naturel n'est pas démontrée sur au moins 10% du territoire communal, selon les différents critères hydrique et climatologique définis par les experts de la commission et précisés dans la fiche de motivation jointe en annexe " ; que cette fiche de motivation détaillait le critère géologique, en indiquant qu'il était satisfait à Yutz, et les critères météorologiques alternatifs, dont l'un composé de deux sous-critères cumulatifs, en indiquant qu'aucun de ces critères météorologiques n'était satisfait à Yutz sur la période ; qu'ainsi la décision litigieuse était suffisamment motivée en la forme, alors même qu'elle comportait une erreur dans la description précise des sous-critères appliqués à la sécheresse 2009 ; que la circonstance que l'avis de la commission interministérielle n'était pas joint à ladite notification n'entache pas la décision attaquée d'insuffisance de motivation dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne l'imposait ;

En ce qui concerne les moyens tirés du choix des critères et de l'erreur de droit :

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances que l'état de catastrophe naturelle n'est constaté par arrêté interministériel que dans le cas où les dommages qui résultent de cette catastrophe ont eu pour cause déterminante l'intensité anormale de l'agent naturel en cause ;

4. Considérant que la commune de Yutz demandait la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009, c'est à dire pour un épisode de sécheresse estivale, et du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2009, soit un épisode de sécheresse hivernale ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'Etat a reconnu le caractère anormal d'une sécheresse estivale dès lors qu'était satisfait soit le critère 1, se caractérisant par un indice moyen d'humidité au sol inférieur à 70% de la normale durant le 3ème trimestre 2009 et un indice inférieur à 0,27 pendant une des trois périodes les plus longues sur la période 1989-2009, soit le critère 2, un indice d'humidité du sol moyen sur la période dont la " durée de retour " est supérieure à 25 ans ; que s'agissant de la sécheresse hivernale, l'Etat a reconnu son caractère anormal si l'indice d'humidité du sol superficiel calculé sur une période de quatre trimestres consécutifs était inférieur à la moyenne de la période 1971-2000 et qu'une décade appelé choc hivernal au cours des mois de janvier à mars se caractérisait par un indice inférieur à 80% de la normale ;

5. Considérant, en premier lieu, que si la commune soutient que les études menées sur la base de données hydrologiques recueillies par " maille " de 8 km sur 8 km ne permettent pas d'apprécier précisément les phénomènes locaux d'assèchement des sols, elle ne le démontre pas ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que l'Etat a pu légalement s'appuyer sur des données historiques pour déterminer le caractère " anormal " d'un phénomène naturel caractérisant l'existence d'un état de " catastrophe naturelle " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait ce faisant entendu faire prévaloir des considérations économiques ;

7. Considérant, enfin, que si la commune de Yutz fait valoir que l'Etat n'a pu légalement subordonner la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans une commune à un critère supplémentaire tenant à ce que les critères météorologiques précités soient satisfaits sur au moins 10% de son territoire, il est constant que ce n'est pas ce critère géographique qui a lui été opposé, dès lors qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, qu'une partie quelconque du territoire de Yutz aurait été touchée par une sécheresse répondant aux critères météorologiques alternatifs appliqués ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur d'appréciation :

8. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du rapport établi par la commission interministérielle catastrophes naturelles du 21 septembre 2011, relative à la situation de la commune de Yutz, qu'il a bien été fait application à cette commune des critères météorologiques définis au niveau national pour apprécier le caractère exceptionnel de la sécheresse 2009 ; qu'ainsi l'Etat a apprécié l'intensité de la sécheresse estivale 2009 dans la commune de Yutz en prenant en compte la teneur en eau moyenne des sols argileux de la commune au cours du troisième trimestre 2009, le nombre de décades au cours desquelles le réservoir hydride était vide et la durée de retour de la réserve en eau moyenne mesurée au cours de cette période ; que pour la période hivernale il a constaté qu'aucune période ne présentait un indice d'humidité du sol superficiel inférieur à 80% de la normale ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que cette sécheresse ne présentait pas une intensité anormale ;

9. Considérant, enfin, que la seule existence de dommages ne saurait démontrer qu'ils ont été causés par une catastrophe naturelle au sens de l'article L. 125-1 du code des assurances ; qu'en se prévalant de l'importance les dégâts occasionnés aux habitations par l'agent naturel, la commune de Yutz ne démontre pas qu'ils ont été causés par une sécheresse d'intensité anormale au sens de l'article L. 125-1 du code des assurances ; que la circonstance que d'autres communes du département de la Moselle, qui n'auraient pas non plus été reconnues comme étant en état de catastrophe naturelle, ont également connu des dommages est sans incidence sur la démonstration du caractère anormal de la sécheresse ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Yutz n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions susvisées ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu de mettre les dépens à la charge de l'Etat ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la commune de Yutz la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Yutz la somme que l'Etat demande au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Yutz est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat tendant au versement de sommes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Yutz et au ministre de l'intérieur.

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13NC01428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01428
Date de la décision : 13/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

12-03 Assurance et prévoyance. Contentieux.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : TADIC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-02-13;13nc01428 ?
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