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13/02/2014 | FRANCE | N°13NC00262

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 13 février 2014, 13NC00262


Vu la requête, enregistrée le 14 février 2013, complétée par un mémoire de production enregistré le 5 juin 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant à..., par MeC... ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201309 du 19 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 14 août 2012 par lequel le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé

le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 14 août 2012 par lequel l...

Vu la requête, enregistrée le 14 février 2013, complétée par un mémoire de production enregistré le 5 juin 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant à..., par MeC... ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201309 du 19 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 14 août 2012 par lequel le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 14 août 2012 par lequel le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le Mali comme pays de destination ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de lui délivrer un titre de séjour " salarié " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce délai de réexamen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- l'arrêté est insuffisamment motivé en fait ; le préfet ne rappelle pas son parcours de vie depuis l'âge de 17 ans et son intégration sociale et professionnelle en France ; il ne dit pas qu'il n'a plus de contacts téléphoniques avec sa famille ; il ne mentionne pas le contexte politique prévalant au Mali ; il ne se réfère pas à l'avis de sa structure d'accueil qui doit pourtant être obligatoirement recueilli en application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplissait les conditions prévues par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire ;

- le préfet du Territoire de Belfort a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a établi sa vie privée et familiale en France ; il s'insère professionnellement ; il a obtenu un titre professionnel de peintre en bâtiment et suit une formation complémentaire en Placoplatre ; il a signé un contrat " jeune majeur " ; il n'a plus aucune nouvelle de sa famille ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- l'arrêt est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la fixation du pays de destination :

- l'arrêté viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la guerre civile règne au Mali ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2013, présenté par le préfet du Territoire de Belfort, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'arrêté est suffisamment motivé en fait ;

- M. A... ne remplissait pas toutes les conditions prévues par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il gardait des contacts avec sa famille au Mali ;

- l'arrêté ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est célibataire et sans enfant ; son entrée en France est récente ; il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Mali ;

- l'arrêté ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne démontre pas être menacé en cas de retour au Mali ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) du tribunal de grande instance de Nancy en date du 14 février 2013 attribuant l'aide juridictionnelle totale à M. A... et désignant Me C...pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller ;

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant malien né le 25 octobre 1993, est entré en France le 14 janvier 2011 à l'âge de 17 ans et a été placé, le 17 janvier 2011, auprès des services de l'aide sociale à l'enfance de Seine-Saint-Denis en qualité de mineur isolé ; que, le 4 avril 2011, il a rejoint l'association départementale d'insertion des jeunes (ADIJ) à Bavilliers dans le Territoire de Belfort ; qu'il a immédiatement suivi une formation et obtenu le 3 mai 2012 le titre professionnel de niveau V " peintre en bâtiment ", formation qui devait être poursuivie par une spécialisation lui permettant de maîtriser le Placoplatre ; qu'il a bénéficié d'un contrat " jeune majeur " signé avec le département de Seine-Saint-Denis, qui a accepté de le prendre en charge financièrement et éducativement pendant un an à compter du 25 octobre 2011, date de son dix-huitième anniversaire ; que son apprentissage de la langue française a été rapide, l'intéressé obtenant le 27 avril 2012 le diplôme d'études en langue française DELF A1 ; que, comme le démontre l'avis recueilli auprès de l'ADIJ par le préfet du Territoire de Belfort lors de l'instruction de sa demande de titre de séjour, M. A... a montré dès son arrivée à Bavilliers une motivation et une réelle volonté de s'insérer en France, occupant seul et avec soins un appartement à Belfort, pratiquant le sport dans un club et donnant entièrement satisfaction aux employeurs qui l'ont accueilli en stage ; qu'ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce, et quand bien même l'appelant avait eu jusqu'en juin 2012, encouragé par les services sociaux, des contacts téléphoniques avec sa famille restée au Mali, M. A...est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur sa situation personnelle et à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêté litigieux ; que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;

5. Considérant que M. A... ne démontre pas qu'il remplit actuellement les conditions de délivrance d'une carte de séjour temporaire en application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour permettant de régulariser sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

7. Considérant que par décision du 14 février 2013 notifiée le 19 février 2013, M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être regardées comme tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me C...au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 19 décembre 2012 et l'arrêté du préfet du Territoire de Belfort en date du 14 août 2012 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Territoire de Belfort de réexaminer la situation de M. A... et de lui délivrer, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour assurant sa régularisation.

Article 3 : L'Etat versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 € (mille euros) à MeC....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet du Territoire de Belfort et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Belfort.

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13NC00262


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00262
Date de la décision : 13/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : BAUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-02-13;13nc00262 ?
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