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06/02/2014 | FRANCE | N°13NC00949

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 06 février 2014, 13NC00949


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 mai 2013, complétée par un mémoire enregistré le 12 décembre 2013, présentée pour la société Profit Mobil Group SA (PMG), dont le siège est 8 A rue basse, L-4415 Soleuvre Luxembourg, par Me Brancaleoni, avocat au barreau de Nancy ;

La société PMG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101365 en date du 4 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2

007 au 31 août 2009 par avis de mise en recouvrement du 5 novembre 2010, ainsi que de...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 mai 2013, complétée par un mémoire enregistré le 12 décembre 2013, présentée pour la société Profit Mobil Group SA (PMG), dont le siège est 8 A rue basse, L-4415 Soleuvre Luxembourg, par Me Brancaleoni, avocat au barreau de Nancy ;

La société PMG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101365 en date du 4 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2007 au 31 août 2009 par avis de mise en recouvrement du 5 novembre 2010, ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) subsidiairement de décharger la société de la majoration relative aux activités occultes prévue par l'article 1728 du code général des impôts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'elle ne dispose pas d'un établissement stable en France au regard des dispositions propres à la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'elle utilise en France des locaux mis à sa disposition à titre précaire, occupés seulement épisodiquement par des salariés pour tester le fonctionnement de logiciels, ces salariés ne prenant aucune décision de gestion et que ses moyens permanents de fonctionnement, matériels et en personnel, se trouvent au Luxembourg, seul établissement à livrer des boîtiers ;

- qu'indépendamment de cette notion d'établissement stable, les livraisons et prestations de services sont réalisées à partir de l'établissement du Luxembourg auquel les fournisseurs français vendent et livrent les boîtiers, dans lequel des salariés programment les matériels et qui est l'établissement qui vend les boîtiers aux Français ; qu'elle le démontre par les factures qu'elle produit ;

- que les pénalités ne sont pas justifiées, dès lors que l'Etat français n'a subi aucun préjudice du fait de la non facturation de la taxe sur la valeur ajoutée en France ce qui exclut l'application des intérêts de retard et que son activité ne présentait pas un caractère occulte, dès lors qu'elle avait déclaré son activité au Luxembourg où elle remplissait ses obligations fiscales, ce qui exclut l'application des pénalités pour activité occulte ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- qu'il existe un établissement stable en France, en raison de l'utilisation des locaux situés en France depuis le début de l'activité de la société, de la présence permanente de personnel technique et gestionnaire, de la réalisation de prestations en France, de l'utilisation de comptes bancaires français par la société ;

- que les factures produites par la société, trop imprécises et qui ne comportent pas l'ensemble des mentions exigées par les textes, ne démontrent pas que les boîtiers et services attachés doivent être considérés comme délivrés depuis les installations de la société situées au Luxembourg ;

- que l'absence de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée justifie l'application des intérêts de retard ;

- que l'activité est restée occulte pour l'Etat français, ce qui justifie l'application de la pénalité de 80% de l'article 1728 du code général des impôts ;

Vu la lettre du 3 décembre 2013 par laquelle les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience du 16 janvier 2014 et que l'instruction pourrait être close à partir du 18 décembre 2013 sans information préalable ;

Vu l'avis d'audience portant clôture de l'instruction immédiate pris le 20 décembre 2013 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,

- et les observations de Me Brancealeoni, avocat de la société Profit Mobil Group SA ;

1. Considérant que la société de droit luxembourgeois, Profit Mobil Group SA, qui a son siège social au Luxembourg et possède des installations en France, à Rosières-aux-Salines, a pour activité "la conception, le développement et la commercialisation de solutions informatiques de gestion en temps réel des activités mobiles pour les entreprises", consistant essentiellement en la vente et l'installation dans des véhicules d'entreprises, de dispositifs de géolocalisation préalablement programmés en fonction des besoins des clients, ainsi qu'en la fourniture de prestations d'ingénierie informatique à distance relatives à la sécurité, la protection et l'optimisation des déplacements des véhicules et de prestations de conseil et de formation de ses clients ; que l'administration a regardé les opérations effectuées par la société avec des assujettis établis en France, comme devant être territorialement rattachées aux installations situées à Rosières-aux-Salines et les a assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 258 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : "I. - Le lieu de livraison de biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque le bien se trouve en France : / a) Au moment de l'expédition ou du transport par le vendeur, par l'acquéreur, ou pour leur compte, à destination de l'acquéreur ; / b) Lors du montage ou de l'installation par le vendeur ou pour son compte ; / c) Lors de la mise à disposition de l'acquéreur, en l'absence d'expédition ou de transport..." ;

3. Considérant que la société Profit Mobil Group soutient que les dispositifs de géolocalisation qu'elle vendait lui étaient directement livrés au Luxembourg par les fabricants français, qu'ils étaient programmés par ses salariés travaillant en permanence au Luxembourg et étaient ensuite vendus depuis le Luxembourg aux clients établis en France ; que, toutefois, il résulte des constatations opérées par l'administration au cours d'une visite effectuée sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ainsi que lors de la vérification de comptabilité de la société, que des factures des fournisseurs de la société mentionnaient son adresse à Rosières-aux-Salines, que les matériels destinés aux clients établis en France étaient livrés et entreposés dans les locaux situés en France, que les factures adressées par la société Profit Mobil Group aux acheteurs des dispositifs mentionnaient cette même adresse où les clients venaient prendre possession des matériels dans des locaux aménagés à cet effet, comportant également du personnel chargé de l'accueil ainsi que de la gestion des stocks ; qu'en outre, des agents commerciaux rattachés par leur contrat de travail aux installations situées en France avaient pour mission de contacter de nouveaux clients et de signer des contrats et que la société se présentait elle-même, dans certains documents commerciaux, comme implantée à la fois au Luxembourg et en France, ses ingénieurs étant installés dans les deux pays ; que les documents produits en appel par la redevable, montrant que des matériels ont été facturés par des fournisseurs français à son adresse luxembourgeoise où ils ont été expédiés, ne suffisent pas à démontrer l'absence de livraison de matériels depuis la France, dès lors qu'il est constant que l'établissement de la société situé au Luxembourg livrait des dispositifs de géolocalisation à des clients situés notamment au Luxembourg et en Belgique ; que, de même, si la société soutient que les matériels entreposés dans ses locaux français lors de la visite de l'administration et lors de la vérification de comptabilité, ne l'étaient qu'à titre exceptionnel, elle n'apporte aucun élément de démonstration à l'appui de ses allégations ; qu'ainsi, il résulte de l'instruction, que les dispositifs de géolocalisation vendus par la société Profit Mobil Group à des assujettis installés en France n'étaient pas seulement expédiés depuis le Luxembourg pour être délivrés à Rosières-aux-Salines, mais se trouvaient en France au moment de leur mise à disposition des acquéreurs français ; qu'ainsi, leur lieu de livraison était réputé se situer en France au sens de l'article 258 du code général des impôts ; que c'est en conséquence à bon droit que les opérations de livraison de ces dispositifs ont été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en France ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 259 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle." ;

5. Considérant que si la société Profit Mobil Group soutient, sans apporter de justifications, que les locaux qu'elle occupait à Rosière-aux-Salines étaient seulement mis à sa disposition à titre précaire par une société tierce, il résulte de l'instruction et notamment des constatations opérées à plusieurs reprises par l'administration, que ces locaux, qui appartenaient à une société ayant d'ailleurs le même dirigeant que la requérante, étaient aménagés pour l'accueil des clients, qu'ils comportaient des salles dans lesquelles étaient entreposés les biens destinés à la vente et dans lesquelles se trouvaient des ordinateurs fixes et des documents nécessaires au fonctionnement de la société PMG ; qu'ainsi, la société disposait à titre personnel d'une installation permanente à cette adresse ; que cette installation comportait les moyens humains et techniques nécessaires à la réalisation des prestations de services associées à la vente des dispositifs de géolocalisation aux clients établis en France, notamment l'installation des matériels commandés par les clients, le service après-vente, la réalisation d'interventions sur place effectuées notamment par deux associés de la société Profit Mobil Group vivant en France, ainsi qu'à certaines périodes, la présence d'ingénieurs, dont les documents commerciaux de la requérante indiquaient qu'ils étaient installés dans ses deux implantations, au Luxembourg et en Lorraine ; que, dans ces conditions et alors même que le siège social de l'entreprise se situait au Luxembourg où travaillaient d'autres salariés, la société Profit Mobil Group doit être regardée, pour les prestations de services rendues aux clients établis sur le territoire national, comme ayant eu en France un établissement stable à partir duquel le service était rendu ; que c'est, en conséquence, à bon droit que l'administration a soumis ces opérations à la taxe sur la valeur ajoutée en France ;

Sur les pénalités :

En ce qui concerne les intérêts de retard :

6. Considérant, qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : "I. - Toute somme, dont l'établissement ou le recouvrement incombe à la direction générale des impôts, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...)" ;

7. Considérant que la société Profit Mobil Group n'a pas acquitté dans le délai légal la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de l'activité réalisée par son établissement stable situé en France, pour la période du 1er janvier 2007 au 31 août 2009 ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le service a appliqué les intérêts de retard prévus par les dispositions précitées de l'article 1727 du code général des impôts, alors même que, comme le soutient la société requérante, le Trésor public n'aurait subi aucun préjudice financier en raison du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée par ses clients ;

En ce qui concerne les pénalités prévues par l'article 1728 du code général des impôts :

8. Considérant, qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable :"1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de :.... 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. (...)" ;

9. Considérant que si la société Profit Mobil Group a régulièrement déclaré son activité au Luxembourg où elle a respecté ses obligations notamment fiscales, il est constant qu'elle n'a pas déclaré l'établissement stable qu'elle possédait en France ; que par suite, en invoquant les carences déclaratives de la requérante et la circonstance qu'elle n'a fait connaître son activité en France, ni à un centre de formalité des entreprises, ni au tribunal de commerce, l'administration doit être regardée, comme établissant le caractère occulte de l'activité correspondante ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société PMG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la société Profit Mobil Group la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Profit Mobil Group est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Profit Mobil Group et au ministre de l'économie et des finances.

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13NC00949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00949
Date de la décision : 06/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : CABINET FILOR - JURI-FISCAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-02-06;13nc00949 ?
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