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06/02/2014 | FRANCE | N°12NC00748

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 06 février 2014, 12NC00748


Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2012, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par Me Buisson ;

M. et Mme A... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002193 du 21 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006, ainsi que des contributions sociales et pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3) de

mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code d...

Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2012, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par Me Buisson ;

M. et Mme A... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002193 du 21 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006, ainsi que des contributions sociales et pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme A... soutiennent que :

- le droit de communication a été irrégulièrement exercé par l'administration ; la procédure de garde à vue et les actes subséquents ont été annulés par jugement du tribunal correctionnel de Nancy en date du 9 septembre 2009 ; c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas tiré les conséquences de cette annulation sur la procédure d'imposition, dès lors que l'utilisation de procès-verbaux annulés méconnait l'autorité de la chose jugée au pénal et porte atteinte au principe constitutionnel de sécurité juridique ; l'annulation des actes de la procédure pénale les a privés de la possibilité d'accéder aux pièces servant de fondement aux propositions de rectification, en violation des principes de loyauté et de transparence édictés dans la charte du contribuable et de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; ils ont également été privés de la possibilité de justifier leur réponse à l'administration par les documents de la procédure pénale auxquels ils n'ont pas eu accès ;

- le tribunal a rejeté leur demande tendant à l'exclusion d'une somme de 33 402 euros de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au motif que M. A...ne justifiait pas la nature des sommes versées et qu'il avait indiqué, au cours de son audition, qu'aucun acte de la société ne fixait sa rémunération, alors que les procès-verbaux de la procédure pénale ont été annulés et qu'il a produit des délibérations de l'assemblée générale de la société justifiant sa rémunération ; il ne peut pas justifier sa rémunération par des fiches de paie dès lors qu'il n'était pas salarié de la société ; les sommes en cause ont le caractère de traitement et salaire et la qualification de revenus de capitaux mobiliers doit être écartée ;

- le refus de considérer la somme versée sur leur compte d'un montant de 6 305,99 euros comme un remboursement de frais professionnels est également fondé sur des procès-verbaux annulés par le tribunal correctionnel ; l'administration présume sa mauvaise foi en se fondant sur les déclarations de M. A...au cours de sa garde-à-vue ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'évaluation de l'avantage en nature par l'administration n'était pas excessive, dès lors que l'existence des prestations comptables constitutives de cet avantage ne résulte que des déclarations recueillies lors de sa garde-à-vue ; tant pour 2005 que pour 2006, ces prestations comptables concernent la société PRT fiscalement et juridiquement indépendante ;

- le constat par l'administration de l'établissement d'un nouveau bail de location entre M. A... et la société ABP résulte seulement de ses déclarations au cours de sa garde-à-vue dont les procès-verbaux ont été annulés par le tribunal correctionnel, alors que le bail établi le 1er janvier 2003 prévoyait dès l'origine l'augmentation du loyer, ce qui signifie que le bail initial s'est poursuivi, excluant le transfert dans leur patrimoine de l'équivalent en valeur des aménagements réalisés par la société ABP et évalués à 92 472 euros ; le jugement du tribunal administratif méconnait le principe de la liberté contractuelle qui permet aux contractants de prévoir dès l'origine une augmentation du loyer commercial ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que les travaux de réparation et d'amélioration n'étaient pas dissociables de l'opération globale de rénovation et n'étaient en conséquence pas déductibles, alors que les travaux concernaient en réalité trois immeubles différents ; la qualification des travaux retenue par le tribunal est erronée ; c'est la nature et non le montant des travaux qui détermine la qualification des travaux d'amélioration ou de reconstruction ; les travaux en litige sont bien des travaux d'amélioration dont le montant est déductible des revenus fonciers ;

- la remise en cause de la déduction de certaines dépenses de la société Agence ABP n'est pas justifiée, ni l'administration ni le tribunal ne démontrant que les dépenses en litige n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société ; il n'est pas non plus démontré par l'administration que ces sommes constitueraient des revenus distribués ; l'administration a déformé les propos qu'ils ont tenus au cours de leurs auditions par les services de police ;

- en ce qui concerne les pénalités, la motivation de l'administration et du jugement est insuffisante pour caractériser des manquements délibérés;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2012, présenté par le ministre de l'économie ;

Le ministre conclut au rejet de la requête et soutient que :

- le droit de communication a été régulièrement exercé au cours de la procédure d'imposition ; l'annulation de la procédure pénale engagée contre M. A...est sans incidence sur la régularité de l'exercice du droit de communication ; les éléments des procès-verbaux annulés ne constituent pas la seule motivation des redressements contestés ; l'autorité de la chose jugée par les juridictions répressives s'attache seulement à la constatation matérielle des faits ; le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit ni méconnu le principe de sécurité juridique ; il n'a pas été porté atteinte au principe d'égalité de traitement au cours de la procédure d'imposition et l'article L. 57 du livre des procédures fiscales n'a pas été méconnu ;

- la remise en cause des charges relatives à des salaires versés à M. A... est justifiée dès lors qu'il n'établit pas que la société aurait décidé de lui verser un salaire ;

- la circonstance que les procès-verbaux ont été annulés par le tribunal correctionnel est sans incidence sur la procédure d'imposition dès lors que les rehaussements sont également fondés sur des constatations effectuées au cours de la vérification de comptabilité de la société Agence ABP ; M. A... ne démontre pas que la somme de 6 306 euros inscrite à son compte courant au 31 décembre 2005 correspond à des remboursements de frais, ce qui implique que cette somme doit être imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

- l'omission de refacturation des prestations comptables effectuées pour le compte des sociétés civiles immobilières des époux A...par une salariée de la société Agence ABP en 2005 et en 2006 constitue un avantage en nature au profit des requérants ; cet avantage en nature doit être entièrement imposé au nom de M. A...dès lors que la société PRT était une société holding constituée sous forme de société par actions simplifiée unipersonnelle dont M. A...était l'unique associé et par conséquent l'unique bénéficiaire ;

- la modification du montant des loyers dus par la société Agence ABP en janvier 2006 fait suite à un changement de consistance du bien loué et procède d'un nouveau bail, ce qui a eu pour effet de faire accéder les requérants à la propriété des aménagements et des améliorations effectués par la société preneuse à cette date, avantage qui doit être requalifié en complément de loyer imposable dans les revenus fonciers des bailleurs ; les travaux effectués constituent des travaux de reconstruction non déductibles ; la circonstance que le tribunal ne s'est pas prononcé sur l'augmentation de la surface habitable est sans incidence dès lors que ces travaux ont porté le nombre de logements de deux à cinq, ce qui conduit à les regarder comme des travaux de reconstruction ; les travaux d'électricité et sanitaires, ainsi que les travaux de menuiserie, de plâtrerie, de peinture et de ravalement n'ouvrent pas droit à déduction lorsqu'ils sont effectués à l'occasion de travaux de construction, reconstruction ou agrandissement dont ils sont indissociables et auxquels ils doivent être assimilés ;

- M. A...ne justifie pas que les frais exposés par la société Agence ABP l'ont été dans l'intérêt de l'entreprise, ni qu'il ne les aurait pas appréhendés comme des revenus distribués ;

- les pénalités infligées sont justifiées ;

Vu la lettre du 29 novembre 2013 par laquelle les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience du 16 janvier 2014 et que l'instruction pourrait être close à partir du 18 décembre 2013 sans information préalable ;

Vu l'avis d'audience portant clôture de l'instruction immédiate pris le 20 décembre 2013 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,

- et les observations de Me Buisson, avocat de M. et MmeA... ;

1. Considérant que, postérieurement à la vérification de comptabilité de la société par actions simplifiées Agence ABP et simultanément au contrôle sur pièces de la SCI L'Ombrière, M. et Mme A...ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2005 à 2007 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration leur a adressé les 19 décembre 2008 et 24 mars 2009 des propositions de rectification comportant des rehaussements d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui ont été mis en recouvrement respectivement les 31 mars 2010 et 30 juin 2010 ; que les requérants demandent l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a rejeté leur demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006, ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu. " ; qu'aux termes de l'article L. 82 : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances./ Le droit de communication est étendu, en ce qui concerne les documents mentionnés aux articles L. 83 à L. 95, au profit des agents des administrations chargés du recouvrement des impôts, droits et taxes prévus par le code général des impôts. " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'une information criminelle avait été ouverte à l'encontre de M.A..., placé en garde-à-vue du 2 au 3 octobre 2007 puis le 7 février 2008, pour des faits d'abus de biens sociaux, de faux, d'usage de faux en écriture et banqueroute, recel, contrefaçon ou falsification de chèque et usage de chèque contrefait ou falsifié, l'administration a pu exercer son droit de communication auprès du procureur de la République au cours du mois de décembre 2008 préalablement aux propositions de rectification notifiées aux requérants les 19 décembre 2008 et 24 mars 2009, alors même que le tribunal correctionnel et le tribunal de commerce n'étaient pas encore saisis ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que par un jugement en date du 9 septembre 2009, le tribunal correctionnel de Nancy a jugé que les conditions de la garde-à-vue de M. A...avaient été irrégulières et a déclaré nuls tous les actes subséquents, notamment les procès-verbaux d'audition de l'intéressé ; que toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette circonstance n'a pas pour effet de priver l'administration du droit de se prévaloir de ces procès-verbaux, qui lui ont été régulièrement communiqués par l'autorité judiciaire avant leur annulation ; que cette annulation, qui est postérieure à l'exercice du droit de communication, est par elle-même sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition et ne saurait, en tout état de cause, avoir pour effet de porter atteinte au principe de sécurité juridique des contribuables ; que cette faculté pour l'administration de se prévaloir d'actes d'une procédure pénale déclarés nuls par une décision passée en force de chose jugée ne porte pas non plus atteinte à l'autorité de la chose jugée au pénal, dès lors que par son jugement du 9 septembre 2009, le tribunal correctionnel de Nancy ne s'est pas prononcé au fond sur l'action publique et n'a procédé à aucune constatation de fait qui aurait été contredite par l'administration fiscale ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les propositions de rectification en date des 19 décembre 2008 et 24 mars 2009 comportent tous les éléments permettant à M. et Mme A...d'en discuter utilement le contenu ; qu'ainsi, alors même que les propositions de rectification se réfèrent aux procès-verbaux de la garde-à-vue annulée par le tribunal correctionnel de Nancy, les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition méconnait les dispositions précitées de l'article L. 57 ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a précisé dans les propositions de rectification des 19 décembre 2008 et 24 mars 2009 avoir exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire en indiquant les éléments de cette procédure sur lesquels elle s'est fondée et en joignant un résumé de tous les procès-verbaux utilisés ; que M. et Mme A...ne sauraient utilement soutenir qu'ils n'ont pas eu accès aux pièces de la procédure pénale en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 B et du principe d'égalité de traitement, dès lors qu'il est constant qu'ils n'ont pas demandé à l'administration copie de ces documents avant la mise en recouvrement des impositions mises à leur charge ;

Sur le bien fondé des impositions :

En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers des années 2005 et 2006 :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : /1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; /2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. " ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués :(...) /c. Les rémunérations et avantages occultes " ;

10. Considérant que pour contester la réintégration d'une somme de 33 402 euros perçue par M. A...dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les requérants font valoir que cette somme correspond à des rémunérations de dirigeant dont le principe a été décidé par l'assemblée générale de la société Agence ABP (SAS) et produisent une délibération du 15 juillet 2004 fixant à 2 000 euros la rémunération mensuelle de M. A... à compter du 1er juillet 2004, puis une seconde délibération, en date du 28 mars 2005, la portant à 3 807,16 euros à compter du 1er avril 2005 ; qu'il résulte cependant de l'instruction que ces documents n'ont pas date certaine, alors qu'il n'est pas contesté que M. A...a effectivement reçu les sommes dont s'agit et que les requérants n'ont produit aucun bulletin de salaire ni tout autre élément probant de nature à établir que la société avait effectivement et expressément décidé de le rémunérer en tant que salarié ; que, dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit réintégrer la somme litigieuse dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus et sont alors imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que si M. et Mme A...font valoir que la somme de 6 305,99 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé de M. A...au 31 décembre 2005 correspond au remboursement de frais kilométriques, ils n'apportent cependant aucun élément de nature à justifier leurs allégations ; qu'il s'ensuit que l'administration a pu à bon droit réintégrer cette somme dans les revenus de capitaux mobiliers imposables au titre de l'année 2005 ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que pour considérer que la mise à la disposition des requérants, pour la gestion de leur patrimoine immobilier, d'une de ses salariées par la société Agence APB constituait un avantage en nature imposable au nom de M. et MmeA..., d'un montant de 1 187 euros au titre de l'année 2005, et de 1 139 euros au titre de l'année 2006, l'administration s'est uniquement fondée sur les déclarations effectuées par M. A... au cours de sa garde-à-vue, annulée par le tribunal correctionnel de Nancy le 9 septembre 2009 en raison des conditions dans lesquelles elle a eu lieu et jugées " incompatibles avec le déroulement équitable et digne des interrogatoires ", sans asseoir ce redressement sur d'autres éléments probants ; que, dans ces conditions, M. et Mme A...sont fondés à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe du bien fondé de ce redressement au-delà, conformément à leurs conclusions, d'une somme de 471,39 euros, en ce qui concerne l'année 2005, ce qui justifie une réduction de leur base imposable d'un montant de 715,61 euros, et de 284,32 euros en ce qui concerne l'année 2006, ce qui justifie une réduction de leur base imposable d'un montant de 854,68 euros ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu'à l'issue de la vérification de la comptabilité de la société Agence ABP, l'administration a remis en cause la déduction par cette société de différentes dépenses relatives à des frais d'hôtel, de restaurant et à des achats effectués dans des magasins des environs de Bordeaux, à des dépenses auprès de la société Top annonces, à l'acquisition d'une lithographie à Euro Disney, à divers frais d'hôtel et de restaurant ainsi qu'à des remboursements de frais kilométriques ; que si les requérants ne contestent pas que ces dépenses n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société, ils soutiennent que l'administration n'apporte pas la preuve qu'ils ont effectivement appréhendé ces sommes ; que M. A...étant toutefois le seul maitre de l'affaire, en tant que gérant et associé détenteur de 99.875 % des actions de la société Agence ABP (SAS), l'administration a établi que les sommes en litige étaient constitutives de revenus distribués, imposables sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, et les a réintégrées à bon droit au revenu imposable des intéressés au titre de l'année 2006, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

En ce qui concerne les revenus fonciers de l'année 2006 :

S'agissant de la remise gratuite des travaux et améliorations en fin de bail :

14. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 29 du code général des impôts : "Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires et diminué du montant des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte des locataires (...)" ; que lorsqu'un contrat de bail prévoit, en faveur du bailleur, la remise gratuite en fin de bail des aménagements ou constructions réalisés par le preneur, la valeur de cet avantage constitue, pour le bailleur, un complément de loyer ayant le caractère d'un revenu foncier imposable au titre de l'année au cours de laquelle le bail arrive à expiration ou fait l'objet avant l'arrivée du terme d' une résiliation ;

15. Considérant que, par un bail conclu le 1er janvier 2003 stipulant que tous les travaux, améliorations, embellissements et installations apportés aux locaux resteraient la propriété du bailleur sans indemnité en fin de bail, M. et Mme A...ont donné en location à la société Agence ABP, pour une durée de neuf ans, un immeuble à usage commercial ; que la société preneuse y a réalisé des travaux pour un montant hors taxe de 113 222,79 euros ; que, pour estimer qu'un nouveau bail avait été conclu à compter du 1er janvier 2006 entre les époux A...et la société Agence ABP, impliquant l'intégration dans les revenus fonciers des requérants de la valeur des aménagements ainsi réalisés, l'administration s'est uniquement fondée sur les déclarations de M. A..., au cours de sa garde-à-vue annulée par le tribunal correctionnel de Nancy, selon lesquelles il aurait antidaté un nouveau bail ; qu'au surplus, la seule augmentation du loyer à compter du 1er janvier 2006, au demeurant prévue par le contrat initial, même consécutive à l'extension des locaux loués résultant de la réalisation des travaux, n'est pas de nature à établir que les parties auraient eu l'intention de mettre fin au contrat de bail initial conclu le 1er janvier 2003, dans des conditions entrainant le transfert des améliorations apportées par la société ABP dans leur patrimoine ; que, par suite, M. et Mme A...sont fondés à soutenir qu'ils n'ont pas bénéficié d'un complément de loyer, d'un montant de 92 472 euros, ayant le caractère d'un revenu foncier imposable au titre de l'année 2006 ;

S'agissant de la déduction du coût des travaux effectués :

Quant à l'application de la loi fiscale :

16. Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année en litige : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : /a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ;(...) /b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement " ; que doivent être regardés comme des travaux de construction ou de reconstruction, au sens des dispositions précitées, les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, notamment dans des locaux auparavant affectés à un autre usage, ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros-oeuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction ; que doivent être regardés également comme des travaux d'agrandissement, au sens des mêmes dispositions, les travaux ayant pour objet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants ;

17. Considérant, d'une part, que la SCI L'Ombrière, dont M. et Mme A...sont les seuls associés, est propriétaire d'un ensemble immobilier situé à Etival-Clairefontaine dans les Vosges, dans lequel d'importants travaux ont été réalisés ayant entrainé, selon les requérants à raison de travaux d'amélioration et de rénovation un déficit foncier de 216 383 euros, qu'ils ont déduit de leurs revenus fonciers à concurrence de 70 589 euros au titre de l'année 2006 et de 43 750 euros au titre de l'année 2007 ; que l'administration fiscale a remis en cause ces déductions au motif que les travaux litigieux constituaient des travaux de reconstruction non déductibles ; qu'il résulte de l'instruction que les travaux réalisés par la SCI L'Ombrière, pour un montant global de 249 928,46 euros, selon les factures produites, ont consisté notamment en la réfection des sols, la réalisation de l'ensemble du système électrique, de chauffage et de plomberie dans les communs et les appartements, le changement des sanitaires, la pose de faux plafonds, la rénovation, l'isolation et le renforcement des planchers, la dépose d'un escalier en bois dans les parties communes, remplacé par une cage d'escalier en béton armé, l'exécution d'importants travaux sur la toiture tels que la suppression de l'avancée de toit, l'arasement des souches de cheminées existantes, le changement de 177 m² de tuiles, la modification de l'emplacement d'une fenêtre de toit, le changement de la descente d'eau pluviale, le renforcement des réseaux d'eaux usées et pluviales, le ravalement de la façade, l'ébrasement de fenêtres et de portes, et le changement des menuiseries ; qu'il s'ensuit que ces travaux, qui ont en outre porté le nombre de logements de deux à cinq, doivent être regardés eu égard à leur importance comme des travaux de reconstruction ;

18. Considérant, d'autre part, que si des travaux de menuiserie, de peinture, de pose de carrelage, d'installation de sanitaires, de ravalement peuvent être considérés, pris isolément, comme des travaux de réparation ou d'amélioration déductibles, ces travaux en l'espèce ne sont pas dissociables de l'opération globale de rénovation de l'immeuble et doivent, par suite, être regardés comme non déductibles ;

Quant à l'application de la doctrine :

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales: " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) " ;

20. Considérant que les dispositions de l'instruction du 23 mars 2007, publiée sous le n° 5D-2-07, dont se prévalent les requérants, ne comportent aucune interprétation de la loi différente de celle dont il a été fait application ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait pas regarder les dépenses de travaux réalisés par la SCI L'Ombrière comme des travaux de construction, reconstruction et d'agrandissement non déductibles ne peut qu'être écarté ;

Sur les pénalités :

21. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de: a.40% en cas de manquement délibéré (...) " ;

22. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Agence ABP a supporté, pour le compte des requérants, la charge de diverses dépenses qui ne présentaient aucun intérêt pour l'exploitation et qui n'étaient aucunement justifiées ; que M. A...en sa qualité de dirigeant de cette société ne pouvait ignorer ces faits ; que, de même il ne pouvait ignorer le caractère imposable des sommes qui lui ont été versées directement par cette société, ainsi que l'ampleur et la nature des travaux effectuées par la SCI L'Ombrière ; que, dans ces circonstances, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère intentionnel des manquements des intéressés à leurs obligations fiscales justifiant que soient mises à leur charge des majorations de 40% ; que, par suite, M. et Mme A...ne sont pas fondés à demander à être déchargés de ces pénalités ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôts résultant de la réintégration, d'une part, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers d'une somme de 715,61 euros au titre de l'année 2005 et de 854,68 euros au titre de l'année 2006 et, d'autre part, dans la catégorie des revenus fonciers de la somme de 92 472 euros au titre de l'année 2006 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu assignées à M. et Mme A...sont réduites, au titre de l'année 2005 d'une somme de 715,61 euros dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et, au titre de l'année 2006, des sommes de 92 472 euros dans la catégorie des revenus fonciers et de 854,68 euros dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Article 2 : M. et Mme A...sont déchargés, en droits, pénalités et contributions sociales, de la différence entre les impositions auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 et celles qui résultent de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 21 février 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme B...A...et au ministre de l'économie et des finances.

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12NC00748


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00748
Date de la décision : 06/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-02-03-03 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Demandes et oppositions devant le tribunal administratif. Régularité de la procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : BUISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-02-06;12nc00748 ?
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