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23/01/2014 | FRANCE | N°13NC00618

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 23 janvier 2014, 13NC00618


Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2013, présentée pour la commune de Strasbourg, représentée par son maire, par la SCP Bourgun Dörr ;

La commune de Strasbourg demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102969 du 20 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par l'Etat, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, d'une demande tendant à voir fixer définitivement le montant de sa dette à la suite de l'ordonnance du 14 mars 2011 le condamnant à verser une provision de 2 240 863,19 euros, a décidé

que l'Etat n'était redevable d'aucune somme à l'égard de la commune de Stras...

Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2013, présentée pour la commune de Strasbourg, représentée par son maire, par la SCP Bourgun Dörr ;

La commune de Strasbourg demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102969 du 20 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par l'Etat, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, d'une demande tendant à voir fixer définitivement le montant de sa dette à la suite de l'ordonnance du 14 mars 2011 le condamnant à verser une provision de 2 240 863,19 euros, a décidé que l'Etat n'était redevable d'aucune somme à l'égard de la commune de Strasbourg ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'article 86 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 est inconstitutionnel car contraire aux principes constitutionnels de péréquation financière entre collectivités territoriales, de libre administration, d'autonomie financière et de séparation des pouvoirs ;

- lors de l'intervention de la loi de validation n° 2011-1978, l'ordonnance du juge des référés du 14 mars 2011, qui n'a pas été frappée d'appel, était passée en force de chose jugée ;

- la seule procédure encore pendante était celle introduite par l'Etat sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative ; le ministre ne contestait plus que le montant de la provision et ce recours s'analyse comme une demande d'homologation de l'ordonnance et non comme un recours au fond tendant à voir écartée la responsabilité de l'Etat ; en conséquence, l'article 86 de la loi du 28 décembre 2011 ne trouvait pas à s'appliquer ;

- saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la cour devra statuer sur les mérites de la demande introduite par l'Etat ; la faute de l'Etat résulte de ce que la circulaire du 3 mai 2002 a réalisé un transfert de charges illégal de l'Etat aux communes et viole le principe de séparation énoncé par l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales ;

- la commune de Strasbourg a subi un préjudice s'élevant à la somme de 2 348 832,57 euros entre le 1er mai 2003, date à compter de laquelle la régie de recettes de l'Etat au sein de la police municipale a été opérationnelle, et le 31 décembre 2009 ;

- le délai de prescription quadriennale a été interrompu par le recours introduit par la commune de Versailles le 3 juin 2003 devant le tribunal administratif de Versailles et portant sur le même fait générateur ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 5 septembre 2013, présenté pour la commune de Strasbourg, qui conclut aux mêmes fins que la requête ;

- elle indique en outre qu'elle prend acte de ce que sa demande tendant à ce que soit transmise au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 86 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 a été rejetée par ordonnance du 27 juin 2013 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit exclue toute condamnation de l'Etat ;

Il soutient que si l'expiration du délai d'appel confère à un jugement rendu au fond le statut de décision définitive passée en force de chose jugée, tel n'est pas le cas d'une ordonnance de référé qui ne présente qu'un caractère provisoire ; que ce caractère provisoire fait obstacle à ce qu'une telle ordonnance puisse être regardée comme revêtue de l'autorité de chose jugée ; or, ne peut recevoir la qualification de décision passée en force de chose jugée qu'une décision revêtue préalablement de l'autorité de la chose jugée ; que, de plus, reconnaître le caractère de décision passée en force de chose jugée à l'ordonnance du 14 mars 2011 priverait de tout intérêt l'action ouverte au débiteur par l'article R. 541-4 du code de justice administrative ; que l'article 86-II de la loi du 28 décembre 2011 est donc bien applicable au présent litige ; que c'est à juste titre que le tribunal administratif, tirant les conséquences de l'intervention de la loi du 28 décembre 2011, a jugé que l'Etat ne pouvait être condamné à payer une somme qu'il ne doit pas ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2013, présenté pour la commune de Strasbourg qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la cour en date du 27 juin 2013 refusant de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Strasbourg ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la route ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le décret n° 64-1333 du 22 décembre 1964 ;

Vu le décret n° 92-681 du 20 juillet 1992 ;

Vu l'arrêté interministériel du 29 juillet 1993 modifié pris pour l'application du décret n° 92-681 du 20 juillet 1992 ;

Vu l'arrêté du 29 mars 2002 portant modification de l'arrêté du 29 juillet 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2013 :

- le rapport de M. Pommier, président,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public ;

1. Considérant qu'en application de l'arrêté ministériel du 29 mars 2002 modifiant l'arrêté du 29 juillet 1993 et de la circulaire du ministre de l'intérieur du 3 mai 2002, le préfet du Bas-Rhin a, par arrêté du 10 octobre 2002, institué une régie de recettes de l'Etat auprès de la police municipale de la commune de Strasbourg pour percevoir le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation et des consignations émises par les agents de la police municipale ; que les frais de fonctionnement de cette structure administrative ont été pris en charge par la commune de Strasbourg ; qu'invoquant l'illégalité de la circulaire du 3 mai 2002, la commune de Strasbourg a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande de provision d'un montant de 2 240 863,19 euros, à laquelle il a été entièrement fait droit par une ordonnance du 14 mars 2011 ; que la commune de Strasbourg s'étant désistée de sa demande au fond, l'Etat a, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, introduit une demande tendant à ce qu'il soit statué définitivement sur le montant de sa dette à l'égard de la commune de Strasbourg ; que, par jugement du 20 février 2013, dont la commune de Strasbourg relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que l'Etat n'était redevable d'aucune somme ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; qu'aux termes de l'article R. 541-3 de ce code : " L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification " ; qu'aux termes de l'article R. 541-4 du même code : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 86 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : " I. - L'article L. 1611-2-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé : " Art. L. 1611-2-1. - Dans le cadre des missions confiées aux maires en tant qu'agents de l'Etat, les communes assurent : 1° La réception et la saisie des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports ainsi que la remise aux intéressés de ces titres ; 2° L'encaissement des amendes forfaitaires résultant des contraventions réprimées par le code de la route et établies par les agents de police municipale ". II. - Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les communes ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'incompétence du pouvoir réglementaire à mettre à leur charge les dépenses résultant, postérieurement au 3 mai 2002, de l'exercice par les maires des missions d'encaissement des amendes résultant des contraventions réprimées par le code de la route et émises par les agents de police municipale, d'un préjudice correspondant à ces dépenses. III. - En contrepartie de l'application du II, une dotation exceptionnelle est attribuée aux communes au titre de l'indemnisation des charges résultant pour elles, jusqu'au 31 décembre 2011, de l'application de la circulaire du ministre de l'intérieur du 3 mai 2002 relative à l'encaissement des amendes forfaitaires et des consignations émises par les agents de police municipale. Cette dotation, d'un montant de 0,5 € par amende encaissée dans la limite de 9,87 millions d'euros, est répartie entre les communes en fonction du nombre d'amendes qu'elles ont effectivement recouvrées entre 2008 et 2011. Si le nombre total d'amendes recouvrées ces quatre années est supérieur à 19,74 millions d'euros, la somme de 9,87 millions d'euros est répartie entre les communes proportionnellement au nombre d'amendes qu'elles ont recouvrées de 2008 à 2011. Les communes qui ont engagé un contentieux indemnitaire fondé sur l'illégalité de la circulaire du 3 mai 2002 précitée ne sont éligibles à cette dotation exceptionnelle qu'à la condition que cette instance soit close par une décision passée en force de chose jugée et excluant toute condamnation de l'Etat " ;

4. Considérant que si les ordonnances prises par le juge du référé administratif, qui n'ont qu'un caractère provisoire et ne s'imposent pas à la juridiction éventuellement saisie du litige au principal, ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée, elles n'en constituent pas moins des décisions juridictionnelles qui acquièrent force de chose jugée lorsqu'elles sont devenues définitives ;

5. Considérant cependant que l'article R. 541-4 précité du code de justice administrative a institué une voie de recours particulière dont dispose le débiteur condamné au paiement d'une provision et dont il peut faire usage dans le cas où le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun ; que le débiteur dispose ainsi d'une voie de droit lui permettant d'obtenir que le juge du fond statue tant sur le droit à indemnité que sur le montant de la dette ; qu'il en résulte que lorsque le débiteur condamné au paiement de la provision a formé le recours contentieux prévu à l'article R. 541-4 du code de justice administrative, l'ordonnance de référé-provision ne peut revêtir un caractère définitif avant qu'il ait été statué sur cette demande, alors même que ladite ordonnance n'aurait pas été frappée d'appel ;

6. Considérant qu'en l'espèce, si aucune des parties n'avait interjeté appel de l'ordonnance rendue le 14 mars 2011 par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, le recours introduit le 21 avril 2011 par l'Etat sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative était encore pendant devant le tribunal administratif lorsqu'est intervenue la loi du 28 décembre 2011, publiée au journal officiel du 29 décembre 2011 ; qu'ainsi, ladite ordonnance n'était pas passée en force de chose jugée à cette date ; que, par suite, la commune de Strasbourg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a estimé qu'en l'absence de décision passée en force de chose jugée et le recours étant fondé sur la seule incompétence du pouvoir réglementaire, les dispositions précitées du II de l'article 86 de la loi du 28 décembre 2011 faisaient obstacle à ce qu'elle puisse demander l'indemnisation du préjudice subi du fait de la prise en charge des dépenses afférentes à l'encaissement des amendes résultant des contraventions au code de la route ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Strasbourg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, le paiement des frais de procédure exposés, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Strasbourg est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Strasbourg et au ministre de l'intérieur.

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13NC00618


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00618
Date de la décision : 23/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Incidents - Non-lieu - Existence - Validation législative.

Procédure - Jugements - Chose jugée.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP BOURGUN DÖRR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-01-23;13nc00618 ?
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