Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2012, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Aube, avocat ;
M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0803750 du 26 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. et Mme B...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005 ainsi qu'à la décharge des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle mentionne indistinctement les dispositions des articles 109 et 111 c du code général des impôts alors que le champ et les conditions d'application de ces dispositions sont différents ;
- le compte-courant d'associé a fonctionné comme un compte d'attente, étant observé qu'ils ont disposé au cours de la période vérifiée, des espèces nécessaires au règlement de certains fournisseurs de la société LTR, prélevées sur le compte courant de la SCI Carreau de la mine d'Anderny ;
- les opérations " OD STS ", " OTT " et " TEAM " ont retracé des opérations d'achat de matériels effectués auprès de ces fournisseurs qui ont fait l'objet d'un règlement par M.B... ;
- l'écriture " Ve TEL " portant sur un montant de 175 035,80 € correspond à la comptabilisation d'un avoir relatif à la reprise de 16 cribles qui étaient la propriété de M. B... ;
- pour déterminer la position du compte-courant d'associé le service n'a retenu que les écritures en débit, correspondant aux retraits d'espèces, sans prendre en compte les écritures comptabilisées au crédit du compte relatives aux opérations de règlement des fournisseurs ; qu'ainsi le solde du compte-courant ne ressortirait débiteur que pour des montants limités à 72 710 € au 31 décembre 2004 et 35 412 € au 31 décembre 2005 ;
- les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts ne sont pas applicables dès lors que les opérations comptabilisées au crédit du compte-courant le sont avec un libellé permettant d'identifier l'objet de l'opération et son bénéficiaire et que les écritures de débit indiquent clairement la nature de l'opération ;
- Mme B...était en droit de prélever sur la société LTR une somme égale à 85 464 € au 31 décembre 2005 correspondant aux loyers dus par la société à la SCI du carreau de la mine d'Anderny ; il en est de même de la somme de 48 240,90 € qui a été acquittée au trésor public par les associés ;
- la somme de 5 000 € rehaussée au titre de l'année 2004 correspond au versement de commissions versées en espèce à des intermédiaires ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de sa volonté d'échapper à l'impôt ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2012, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; Le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- la proposition de rectification est suffisamment motivée dès lors que les fondements légaux des rectifications ont été clairement précisés ;
- s'agissant des écritures intitulées " OD STS ", " OTT " et " OD TEAM ", ce n'est pas la réalité des opérations qui est discutée mais l'absence de pièces justificatives et de preuve de paiement ; les attestations produites n'ont pas de valeur probante suffisante ; en effet, les éléments produits ne démontrent pas que les prélèvements opérés ont permis de désintéresser les créanciers de la SARL LTR ;
- s'agissant de l'écriture " Ve TEL ", le requérant ne justifie pas l'inscription au crédit du compte courant d'associé du montant de l'avoir consenti à la société TEL ;
- s'agissant du solde du compte courant d'associé, la circonstance que l'opération soit portée en comptabilité et soit assortie de justifications concernant son objet et l'identité des parties ne supprime pas le caractère occulte de l'avantage consenti dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, l'existence d'une libéralité ; par ailleurs, les distributions se définissent comme des sommes qui ne sont pas destinées à rémunérer un quelconque service ; en l'espèce, les opérations fictives portées au crédit du compte courant dissimulent une distribution ;
- s'agissant des loyers dus par la société LTR à la SCI du carreau de la mine d'Anderny, un associé ne peut obtenir la compensation de sommes figurant au débit de son compte courant ni avec les dépenses qu'il prétend avoir supportées pour le compte de la société, mais qui ne figurent pas dans la comptabilité de cette dernière, ni avec une dette dont il prétend disposer à l'égard de la société mais qui n'a pas été retracée en comptabilité et est restée extérieure au compte courant ; en outre, une société civile est une personne morale distincte de ses associés, qui n'ont aucun droit sur l'actif social et ne peuvent se substituer à elle pour percevoir les revenus dus à celle-ci ; ce n'est qu'une fois que les loyers sont encaissés par la SCI qu'ils peuvent être légalement appréhendés par les associés ;
- les attestations versées pour la première fois en appel, ne permettent pas de démontrer que des commissions en espèces alléguées constitueraient une charge déductible ;
- les majorations pour manquement délibéré sont justifiées compte tenu des insuffisances de déclarations constatées et le caractère délibéré de ces omissions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2013 :
- le rapport de M. Wallerich, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ;
2. Considérant qu'il ressort de l'examen de la proposition de rectification adressée à M. et Mme B...le 16 février 2007 que celle-ci indique les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils étaient opérés, ainsi que les années d'imposition concernées ; qu'elle précise en particulier que les sommes en litige constituent des revenus distribués sur le fondement, d'une part, du c de l'article 111 du code général des impôts s'agissant des montants appréhendés par M. B...en qualité de gérant non associé de la SARL LTR et, d'autre part, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du même code s'agissant des montants appréhendés par MmeB..., en sa qualité d'associée à hauteur de 50 % de la SARL LTR ; que, par suite, cette proposition satisfait aux exigences découlant des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré " ; qu'il est constant que les requérants n'ont pas présenté d'observations en réponse à la proposition de rectification qui leur a été adressée le 16 février 2007 dans les trente jours suivant la date à laquelle cette dernière leur a été notifiée ; que par suite, et en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des rectifications litigieuses incombe à M. et MmeB... ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...). " ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : ... c. Les rémunérations et avantages occultes... " ;
En ce qui concerne les écritures intitulées " OD STS ", " OTT ", et " OD TEAM " :
5. Considérant que l'administration fiscale a rapporté au revenu imposable de M. et MmeB..., sur le double fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, et du c de l'article 111 du même code les sommes de 72 956 € portant le libellé " OD STS ", de 40 000 € portant le libellé " OD solde OTT " et de 12 200 € portant le libellé " OD TEAM ", inscrites respectivement les 20 juillet 2004, 31 décembre 2004 et 2 octobre 2005 au crédit du compte courant d'associé des intéressés dans les écritures de la Sarl LTR ; que M. et Mme B...soutiennent que le compte courant d'associé fonctionnait comme un compte d'attente et que ces écritures correspondent à des achats de matériels dont le règlement a été effectué par leurs soins, en espèces, par prélèvement sur le compte courant de la SCI Carreau de la mine d'Anderny ; que si les requérants produisent en appel les attestations des représentants des sociétés STS et OTT ainsi qu'un état de synthèse du passif de la société LTR établissant l'absence de dettes de la société envers ces trois fournisseurs, ils n'apportent pas les pièces comptables de nature à justifier de manière probante qu'il auraient procédé directement au paiement des dettes litigieuses ;
En ce qui concerne l'écriture intitulée Ve TEL :
6. Considérant que le service a également imposé la somme de 175 035,80 € inscrite au crédit du compte courant d'associés le 29 septembre 2004 sous le libellé " Ve TEL " ; que les requérants font valoir que cette écriture retracerait une compensation erronée entre un avoir émis par la société LTR à destination de la société TEL relatif à la reprise de 16 cribles et l'achat par la société LTR auprès de la société TEL d'une pelle Caterpillar d'un montant de 125 580 € sans que la facture d'achat ne soit comptabilisée ; que, toutefois, les seules pièces produites à l'appui des allégations du requérant, une note d'avoir du 29 septembre 2004, une facture du 31 décembre 2003, un extrait du compte n° 70700 et du compte fournisseur TEL, ne permettent pas de justifier l'écriture litigieuse au compte courant d'associé alors que le règlement par M. B...de la facture TEL en lieu et place de la société LTR n'est aucunement établi ;
En ce qui concerne le solde du compte courant d'associés :
7. Considérant, d'une part, que pour déterminer la position réellement débitrice du compte courant d'associé ouvert au nom de M. et MmeB..., le service a neutralisé les opérations non justifiées comptabilisées au crédit de ce compte ; que si le requérant conteste cette méthode et fait valoir ainsi que le solde débiteur du compte courant s'élèverait à 72 710 € en 2004 et 35 412 € en 2005, il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de preuve des paiements prétendument effectués par M. et MmeB..., c'est à bon droit que le service a remis en cause les écritures litigieuses ;
8. Considérant, d'autre part, que M. B...soutient que, dès lors que le libellé des opérations de crédit en litige a été clairement mentionné dans les écritures passées par la SARL LTR, l'administration fiscale n'était pas fondée à imposer les revenus distribués résultant de la réintégration desdits crédits en tant que rémunérations et avantages occultes sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ; qu'il résulte cependant de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que le requérant n'établit pas qu'il aurait honoré les dettes de la SARL LTR à l'égard de ses fournisseurs de matériel ni même que la cession de dettes litigieuse serait effectivement intervenue ; que dans ces conditions et s'agissant des revenus distribués à M.B..., gérant non associé, le service était fondé à regarder les opérations de crédit du compte courant comme des rémunérations et avantages occultes et à imposer ces distributions sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ;
En ce qui concerne les loyers dus par la société LTR :
9. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que la SARL LTR était redevable de loyers et charges envers la SCI du Carreau de la Mine d'Anderny qui lui loue ses locaux, et dont Mme B...est l'unique associée gérante, et que de ce fait les sommes dues pouvaient être portées au crédit du compte courant des requérants dans la comptabilité de la Sarl LTR ; que, toutefois, à les supposer établies, lesdites dettes ne sauraient être portées au crédit du compte courant des époux B...dans la comptabilité de la SARL LTR dès lors que le créancier des loyers et charges susmentionnés est le propriétaire des locaux, en l'occurrence la SCI du Carreau de la Mine d'Anderny, laquelle constitue une personne morale distincte de M et MmeB... ; que le bordereau de situation adressé par la trésorerie de Briey à la SCI du carreau de la Mine n'est pas d'avantage de nature à établir que la somme de 48 240,90 € due par la SCI au titre des taxes foncières et mise à la charge de la société LTR en application des clauses du bail aurait été acquittée par M. et Mme B...sur leurs deniers personnels ; qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que les dettes de loyers et de charges alléguées seraient enregistrées au passif du bilan de la SARL LTR ; qu'il suit de là que l'administration a pu réintégrer à bon droit dans le revenu imposable de M et Mme B...les sommes en cause inscrites au crédit de leur compte courant d'associé ;
En ce qui concerne les commissions versées aux apporteurs d'affaires :
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a réintégré dans les résultats de la SARL LTR le montant de commissions en espèces, prétendument versées à des intermédiaires, au motif que ces dépenses n'étaient pas justifiées et les a assimilées à des revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ; que la SARL LTR a désigné M. B...comme bénéficiaire de ces distributions ; que si l'intéressé, qui supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions, produit pour la première fois en appel des attestations de deux personnes reconnaissant avoir reçu un téléviseur de la part de la société LTR en contrepartie de l'obtention de marchés, ces documents, qui ne sont pas signés par les intéressés et ne sont pas assortis de pièces justificatives suffisantes, ne permettent pas de démontrer de manière probante que les dépenses en cause ont été engagées dans l'intérêt de l'exploitation et qu'elles se rattachent à la gestion normale de l'entreprise ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a réintégré ces sommes dans les bases imposables des requérants à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2004 ;
Sur les pénalités :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré [...] " ;
12. Considérant que pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts aux suppléments d'impôt sur le revenu afférents aux sommes appréhendées par M. et Mme B...au titre des années 2004 et 2005, par voie d'inscription sur leur compte courant ouvert auprès de la SARL LTR, et non déclarées par eux, l'administration a notamment relevé que les intéressés, respectivement gérant et associée de cette société, ne pouvaient ignorer le caractère imposable des sommes effectivement appréhendées ; que par ailleurs, s'agissant des indemnités kilométriques qui ont été versées à M. B...par cette société et dont l'imposition n'est pas contestée, le vérificateur a mentionné que l'intéressé ne pouvait davantage ignorer que l'un des véhicules utilisés pour effectuer un kilométrage forfaitaire, s'élevant annuellement à 36 000 km, appartenait à la société et que l'autre véhicule n'avait en réalité parcouru que 2 342 km sur une période de dix-huit mois ; que compte tenu du caractère répétitif des manquements relevés et des montants particulièrement élevés des sommes en cause, l'administration doit être regardée comme établissant la volonté délibérée des requérants d'éluder l'impôt et, par suite, le bien fondé des pénalités pour manquement délibéré ; que, dès lors, les conclusions du requérant tendant à la décharge desdites pénalités ne peuvent qu'être rejetées ;
13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'économie et des finances.
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12NC01102