La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/01/2014 | FRANCE | N°12NC00093

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 16 janvier 2014, 12NC00093


Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2012, présentée pour M. et Mme B...C..., demeurant..., par MeA... ;

M. et Mme C... demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1000119 du 8 novembre 2011 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été assignés au titre des années 2004, 2005 et 2006, y compris les pénalités ;

2°) de prononcer la décharge du surplus des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du c...

Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2012, présentée pour M. et Mme B...C..., demeurant..., par MeA... ;

M. et Mme C... demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1000119 du 8 novembre 2011 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été assignés au titre des années 2004, 2005 et 2006, y compris les pénalités ;

2°) de prononcer la décharge du surplus des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- les factures relatives à des locations de matériel émises par les sociétés Logabax et A Tout Location correspondent à des prestations dont la société Trace Pose a réellement bénéficié et ne constituent pas des charges fictives pour la société Trace Pose ; M. C...réglait lui-même les frais de location de matériel engagés par la société Trace Pose auprès de la société Logabax puis auprès de la société A Tout Locations, pour le chantier situé à proximité d'Auxerre, ce qui explique l'inscription en charge des factures de location dans la comptabilité de sa société, et leur contrepartie au crédit de son compte courant ; l'administration n'apporte pas la preuve que les factures en cause seraient fictives ; si la société de location de matériels Logabax a fait l'objet d'une liquidation à une date antérieure à l'établissement de certaines factures, les requérants ignoraient que cette société avait été liquidée ; l'existence de la société A Tout Locations est avérée ; l'existence des chantiers est attestée par les frais engagés par la société Trace Pose pour la conduite des travaux, qui ont nécessité la location de matériels ; eu égard à la situation financière de leur société, ils n'ont pu appréhender les sommes portées au crédit du compte courant d'associé ;

- l'administration n'établit pas que la facture émise par la société Trace Pose adressée à la société Lorraine maçonnerie en 2004 aurait donné lieu à des encaissements non enregistrés ni portés en comptabilité ;

- qu'ayant passé un contrat de travaux avec la société Trace Pose pour la construction de leur résidence, ils ont réglé, à la place de cette société, les factures de la société Big Mat, établies par erreur à leur nom en 2005 et 2006, correspondant à la livraison de matériaux, à charge pour la société Trace Pose de leur consentir des avoirs correspondant approximativement au montant de ces règlements ; que le montant de ces factures, déductible en charge dans les écritures de la société, ne constitue pas une distribution de revenus ;

- aucune manoeuvre frauduleuse ne leur est imputable et les pénalités mises à leur charge ne sont pas justifiées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la requête en appel est irrecevable, les requérants se bornant à reprendre les moyens soulevés en première instance ;

- les factures émises par les sociétés Logabax et A Tout Location correspondent à des prestations fictives ; aucun document ou élément de nature à établir la réalité des prestations concernées, ni aucune explication sur les conditions de règlement de ces prestations, ni aucune preuve de la réalité de ces règlements n'ont été fournis par les requérants ; les factures émises au nom des sociétés Logabax et A Tout Location ne présentent aucun caractère d'authenticité ; les sommes correspondant à ces factures ont été effectivement appréhendées par les requérants dès lors que leur compte courant d'associé présente un solde débiteur au 31 décembre des années 2005 et 2006 ; la circonstance que les requérants sont maîtres de l'affaire établit qu'ils ont appréhendé les sommes litigieuses ;

- la facture établie par la société Lorraine Maçonnerie Bâtiment n'a pas été comptabilisée dans les produits de la société Trace Pose ;

- il ne ressort pas clairement du contrat de construction conclu par les requérants avec leur société que celle-ci était chargée du gros oeuvre pour la construction de leur résidence ; les factures de la société Big Mat ont été comptabilisées dans les charges de la société Trace Pose alors qu'elles sont établies au nom des requérants qui n'en ont pourtant pas assuré le règlement ;

- les avoirs émis par la société Trace Pose au profit des requérants en 2005 et 2006 ne constituent pas la contrepartie des sommes que ces derniers auraient réglées pour le compte de leur société dès lors, d'une part, que les notes d'avoirs ne font pas mention de tels règlements, et, d'autre part, que le montant des avoirs ne correspond pas à celui des règlements allégués ; à supposer qu'il existe un lien entre ces avoirs et les factures de la société Big Mat, ces avoirs constituent des revenus distribués dès lors qu'il n'est établi ni que ces factures correspondraient à des frais engagés dans l'intérêt de la société Trace Pose, ni qu'elles auraient fait l'objet de règlements par les requérants ;

- la majoration de 80 % est justifiée dès lors, d'une part, que les requérants ont mis en oeuvre de manière délibérée des procédés destinés à faire disparaître ou à réduire la matière imposable, le service ayant établi le caractère fictif des prestations de location de matériels, et, d'autre part, que la comptabilisation de factures pour un montant important pouvait donner l'apparence d'opérations régulières ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et Mme C...ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2004 et 2005 ainsi que d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2006, suite à la vérification de comptabilité de la société Trace Pose (Sarl), entreprise de travaux de bâtiment dont les intéressés sont les seuls associés ; qu'ils demandent la réformation du jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 8 novembre 2011 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande, hormis en tant qu'elle portait, en droits et pénalités, sur les salaires qui leur ont été versés ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; que les sommes réintégrées par l'administration dans le résultat imposable d'une société ayant fait l'objet d'un redressement ne peuvent être regardées comme des revenus distribués au sens du 1° de l'article 109-I du code général des impôts que dans la mesure où elles ont été effectivement appréhendées par leur bénéficiaire ;

En ce qui concerne les revenus distribués à raison de charges non engagées dans l'intérêt de la société Trace Pose :

3. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société Trace Pose, l'administration fiscale a remis en cause la déduction dans les charges de cette dernière du montant de factures établies par les sociétés Logabax et A Tout Locations, au motif que ces factures se rapportaient à des prestations fictives ; que l'administration a ensuite considéré que les sommes portées sur ces factures, pour 36 277 euros au titre de l'année 2004, 16 477 euros au titre de 2005 et 51 428 euros au titre de 2006, constituaient des revenus distribués en application de l'article 109-I du code général des impôts et étaient imposables à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales entre les mains de M. et Mme C...;

4. Considérant que pour considérer que les factures litigieuses, dont les montants ont été portés au crédit du compte courant de M.C..., gérant de la société, ne correspondaient à aucune location de matériels réellement effectuée par la société Trace Pose pour les besoins de ses chantiers, l'administration fiscale a relevé qu'aucun élément, tels des contrats de location, des bons de livraison ou tout autre document de nature à établir la réalité des prestations ne lui avait été présenté dans le cadre de ses investigations ; que le service a également constaté que les factures émises par les sociétés Logabax et A Tout Locations étaient dépourvues de tout cachet d'authentification et se référaient à un chantier situé à Auxerre, sans détermination plus précise du lieu d'exécution des travaux ; que si le gérant de la société a indiqué, au cours de la procédure de contrôle, qu'il avait personnellement avancé le coût de la location des engins nécessaires à l'activité de la société Trace Pose pour justifier l'existence des sommes portées au crédit de son compte courant, l'administration fiscale a constaté que M. C...ne justifiait pas du paiement effectif des factures qu'il prétendait avoir directement acquittées auprès des entreprises de location ; que, dans ces conditions, les factures produites par les requérants ne suffisent pas à démontrer que la société Trace Pose a effectivement loué les matériels pour les besoins de ses chantiers, ni que M. C... en aurait avancé le règlement pour le compte de la société ; que si M. et Mme C... soutiennent encore qu'ils n'ont pu disposer des sommes portées au crédit du compte courant en raison des difficultés de trésorerie de la société Trace Pose, finalement liquidée en juillet 2007, il ne résulte pas de l'instruction, et alors que M. C... était gérant de la société, qu'ils se seraient trouvés dans l'impossibilité de prélever les sommes litigieuses avant la fin de chacune des années d'imposition ; que, par suite, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, que les sommes litigieuses constituent des revenus distribués imposables au nom de M. et Mme C...dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

En ce qui concerne les revenus distribués à raison de prestations facturées par la société Trace Pose et non comptabilisées :

5. Considérant que si les requérants contestent l'imposition, à leur nom, en tant que revenu distribué, d'une somme de 10 285,27 euros correspondant au montant d'une facture adressée par la société Trace Pose à la société Lorraine Maçonnerie Bâtiment, il résulte de l'instruction que cette facture, qui n'a pas été comptabilisée dans le résultat de l'entreprise, a été acquittée par un chèque encaissé le 9 septembre 2004 sur l'un des comptes bancaires de M.C... ; que, dans ces conditions, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration n'a pas apporté la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de ce redressement ;

En ce qui concerne les revenus distribués à raison de prestations facturées par la société Big Mat et d'avoirs émis par la société Trace Pose :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société Trace Pose a comptabilisé dans ses achats le coût d'acquisition de matériaux de construction, facturés par la société Big Mat et destinés à la réalisation de la maison d'habitation de M. et Mme C... à Lay-Saint-Christophe ; qu'après avoir constaté que les factures établies par le fournisseur étaient libellées au nom des requérants et non à celui de l'entreprise, l'administration a considéré que les achats litigieux n'avaient pas été effectués dans l'intérêt de la société Trace Pose, en a réintégré le montant dans son résultat au titre des exercices 2005 et 2006 puis a imposé les requérants sur le fondement du 1° de l'article 109-I du code général des impôts ;

7. Considérant que M. et MmeC..., qui ne contestent pas que les achats de matériaux litigieux étaient destinés au chantier de construction de leur résidence, font valoir que leur société était chargée de la réalisation du gros oeuvre en vertu d'un contrat de construction signé le 7 janvier 2005 et que, par voie de conséquence, les matériaux ont été achetés dans l'intérêt de la société pour les besoins de ce chantier ; qu'il résulte cependant des termes mêmes du contrat que les achats de matériaux étaient à la charge des clients, alors que M. et Mme C...ne démontrent pas avoir acquitté les factures correspondantes ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a imposé les sommes correspondantes entre les mains de M. et Mme C...en tant que revenus distribués ;

8. Considérant, en second lieu, que l'administration ayant considéré, à l'issue de la vérification de comptabilité de la société Trace Pose, que des avoirs consentis par cette dernière à M. et Mme C... pour un montant de 10 000 euros en 2005 et de 1 700 euros en 2006 n'étaient pas justifiés, en a imposé les montants au nom des requérants, en tant que revenus distribués, en application du 1° de l'article 109-I du code général des impôts ; que, pour contester cette rectification de leur base imposable, M. et Mme C... soutiennent que la société Trace Pose a émis à leur profit des notes d'avoirs en 2005 et 2006 après qu'ils ont procédé personnellement au règlement de prestations facturées par la société Big Mat à la société Trace Pose ; que, toutefois, le montant des prestations dont ils font état ne correspond pas à celui des notes d'avoirs litigieuses, alors que l'administration fiscale soutient sans être contredite sur ce point que les notes d'avoirs ne comportent aucune référence aux opérations d'acquisition de matériaux de construction ; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve que le montant de ces avoirs doit être regardé comme constituant des revenus distribués imposables entre leurs mains ;

En ce qui concerne les pénalités :

9. Considérant que les impositions supplémentaires mises à la charge de M. et Mme C... en conséquence de la remise en cause de la déduction, dans les charges de leur société, de prestations facturées par les sociétés Logabax et A Tout Locations, ont été assorties d'une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses en application de l'article 1729 du code général des impôts ;

10. Considérant que, pour retenir une majoration de 80 %, l'administration fiscale s'est fondée sur les faits exposés plus haut, et dont il ressort que les factures établies par les sociétés Logabax et A Tout Locations au nom de la société Trace Pose présentent un caractère fictif ; que M. et Mme C...étant les seuls associés de la société et M. C...en assurant la gérance, les intéressés ont nécessairement participé personnellement à des manoeuvres frauduleuses, alors même qu'ils n'auraient aucun lien avec la société de location de matériels Logabax, que l'existence de la société A Tout Locations est avérée, que les factures litigieuses ont été inscrites dans la comptabilité de la société et que l'existence de chantiers aux environs d'Auxerre est démontrée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus des conclusions de leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme C... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D É C ID E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C...et au ministre de l'économie et des finances.

''

''

''

''

2

12NC00093


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award